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Diplomacy

Le rôle de l’Iran dans le monde : de l’isolement aux alliances ?

Vladimir Poutine, Hassan Rohani, Recep Tayyip Erdoğan

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by Revista IDEES

First Published in: May.16,2024

Jun.24, 2024

Les tensions croissantes au Moyen-Orient, exacerbées par le risque d'escalade entre Israël et l'Iran dans le contexte du conflit à Gaza, marquent un tournant majeur dans les règles tacites de cette guerre souterraine entre les deux pays. Pour l'Iran, le changement de stratégie israélienne constitue une violation des règles d'engagement tacites préalablement établies. Notamment, il dissipe l'ambiguïté qui empêchait d'attribuer directement la responsabilité des attaques à l'une ou l'autre des parties. Permettant ainsi à la partie attaquée de minimiser les dommages à son image et de dissuader les représailles risquant d'entraîner une escalade dangereuse.

 

La réponse de l'Iran a également révélé un changement dans sa propre stratégie. Pendant des années, sa position à l'égard d'Israël et des États-Unis reposait sur ce que l'on appelait la "patience stratégique", une approche à long terme consistant à renforcer l'influence de ses mandataires dans la région. Le Hezbollah en est le principal produit d'exportation et le modèle de déstabilisation le plus réussi de l'Iran. Bien plus qu'une simple milice au Liban, le Hezbollah est un État au-dessus de l'État, capable d'imposer ses propres objectifs stratégiques à l'État libanais. Cette stratégie de prudence était fondée sur la conviction que les réseaux construits par l'Iran lui permettaient de projeter sa puissance sans risquer une confrontation directe et les coûts qui y sont associés. Cependant, la domination actuelle des conservateurs à Téhéran, qui voient cette prudence stratégique comme un signe de faiblesse, a conduit à des représailles plus intenses, bien que toujours en deçà du seuil critique d'un conflit ouvert. Ce changement stratégique est devenu flagrant au cours des derniers mois. En janvier, l'Iran a attaqué des cibles dans le nord de l'Irak et de la Syrie, affirmant qu'elles étaient liées à Israël ou à l'État islamique. Quelques jours plus tard, il a lancé des frappes sur le sol pakistanais, démontrant que l'ère de la prudence stratégique est révolue.

 

En élargissant le propos, cet épisode révèle les dangers qu'une tension prolongée entre l'Iran et Israël fait peser sur un système de sécurité internationale déjà fragilisé par l'inaction des États-Unis et de l'Union européenne sur la question palestinienne. Cette inaction empoisonne les relations régionales et un conflit ouvert entre l'Iran et Israël pourrait enflammer tout le Moyen-Orient, ce qui pourrait dégénérer sur une crise nucléaire. Pour l'Europe, cela représenterait un grave danger pour sa sécurité et son économie, provoquant des vagues de migration massive vers l'UE, menaçant les routes commerciales essentielles et compromettant l'approvisionnement en énergie. Face à ces risques, l'UE doit adopter une politique commune pour contenir cette dynamique. Cela implique de consacrer davantage d'efforts à la résolution de la question palestinienne et de réactiver sa capacité de gestion des conflits, tout en maintenant des canaux de communication ouverts avec toutes les parties concernées. Enfin, il est urgent que l'UE intervienne de manière décisive pour soutenir un dialogue inclusif au Moyen-Orient, afin de minimiser le risque d'une guerre généralisée avant qu'il ne soit trop tard. 

 

Ces changements stratégiques surviennent dans un contexte de contestation interne croissante en Iran, où le mouvement "Femmes, vie, liberté" a mis fin à l'idée que le régime était réformable. Ceci a créé une impasse où les deux parties se retrouvent en opposition : d'une part, un régime qui se trouve en désaccord avec la majorité de la société et, d'autre part, une population majoritaire qui rejette ouvertement le régime. Ces tensions expliquent en grande partie la réticence du régime à s'engager dans un conflit total, se sentant en position de faiblesse face à une population qui se soulève ouvertement depuis près de deux ans. De plus, le rôle déstabilisant des minorités ethniques telles que les Azeris, les Kurdes, les Arabes, les Turkmènes et les Baloutches, qui représentent plus de la moitié de la population, s'est renforcé. Ces groupes ont un lourd passif de revendications, notamment la répression constante, la pauvreté, le manque d'accès aux services publics, la dégradation de l'environnement et la suppression de leurs langues et cultures. Ainsi, la nature multiethnique de l'Iran est un élément crucial de la politique intérieure iranienne et une source de tensions souvent négligée dans les analyses occidentales. Les experts occidentaux ont tendance à percevoir l'Iran à travers les yeux de son élite persane. Tout comme ils ont historiquement considéré la Russie à partir de la perspective de Moscou, en ignorant ces diverses réalités et leur caractère perturbateur. Pourtant, le régime iranien est pleinement conscient que même si la majorité des Persans, qui dominent l'opposition, méprisent le régime, ils redoutent encore davantage la perspective de perdre le contrôle sur les provinces. Ainsi, Téhéran exploite le sentiment nationaliste persan pour essayer de diviser l'opposition, en avançant que seul le gouvernement actuel est capable de maintenir la cohésion des régions minoritaires du pays.

 

Nous devons prendre en compte les implications politiques, sociales et générationnelles de ces mouvements. En particulier dans un contexte où des années de sanctions imposées par les puissances occidentales ont appauvri les principaux agents du changement : la classe moyenne hautement éduquée, ouverte d'esprit et pro-occidentale. Ces sanctions ont été le principal facteur du renforcement des liens économiques entre la Russie et l'Iran. Ces deux derniers partagent des objectifs stratégiques tels que la facilitation du commerce bilatéral, l'accélération de la mise ne place du corridor international de transport nord-sud (INSTC) et le renforcement des systèmes bancaires des deux pays pour faciliter les transactions financières. De plus, il est essentiel d'évaluer l'impact de l'entrée de l'Iran dans les BRICS+, aux côtés de son grand rival régional, l'Arabie saoudite. Dans cette optique, l'Iran a démontré sa flexibilité diplomatique en lançant depuis 2021 un processus de normalisation des relations avec les grandes puissances du Moyen-Orient. La plupart ayant rompu leurs relations diplomatiques avec Téhéran, parfois dès la fondation même de la République islamique. Confronté à la menace potentielle que représentait la consolidation des accords d'Abraham et la normalisation des relations entre Israël et le monde arabe, l'Iran a opté pour une nouvelle stratégie diplomatique. Suite à quoi, l'Égypte est devenue l'une de ses principales cibles après l'Arabie saoudite et les monarchies du Golfe. En ce sens, une entente entre les deux pays constituerait une deuxième grande victoire diplomatique pour l'Iran, après son rapprochement réussi avec l'Arabie saoudite. 

 

Il est également pertinent de souligner que le président iranien Ebrahim Raisi s'est récemment rendu au Pakistan et au Sri Lanka. Ces deux pays sont confrontés à l'une des pires crises économiques de la région ces dernières années et espèrent bénéficier d'une coopération avec l'Iran. Ce déplacement de M. Raisi démontre que l'Iran reste diplomatiquement actif malgré l'instabilité au Moyen-Orient, tout en reflétant une tendance géopolitique notable. Parallèlement, l'Iran cherche également à diversifier ses alliances en Amérique latine grâce à une stratégie de soft power. Cela lui permet de se positionner comme une victime du harcèlement occidental et de gagner la sympathie ainsi que le soutien politique et stratégique. Particulièrement dans une région où, malgré les différences culturelles et politiques, des régimes tels que Cuba, le Nicaragua et le Venezuela partagent l'objectif d'établir un nouvel ordre mondial.

En résumé, le régime de Téhéran émerge de l'isolement qui l'a caractérisé depuis le triomphe de la Révolution islamique en 1979. D'une part, il établit des alliances opportunes, telles que celle avec la Russie, dans les domaines militaire et économique. D'autre part, il tire profit de la diminution de l'influence des États-Unis et de l'Occident dans la région pour normaliser ses relations avec des acteurs majeurs tels que l'Arabie saoudite, l'Égypte et les monarchies du Golfe. De plus, l'Iran s'engage dans une stratégie d'élargissement de son influence internationale en rejoignant les BRICS+, empruntant ainsi le long chemin qui mène de l'isolement aux alliances stratégiques.

 

Photographie : CC-BY-4.0 © Kremlin.ru 2018 - Source : Kremlin.ru


First published in :

Generalitat de Cataluña. Departament d'Acció Exterior i Unió Europea. Centre d'Estudis de Temes Contemporanis

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IDEES est le magazine en ligne sur les questions contemporaines édité par le Centre d'Études Contemporaines, un groupe de réflexion interne du Gouvernement de Catalogne. Le magazine aborde les principaux défis et débats mondiaux contemporains à travers le point de vue d'experts mondiaux de premier plan. Le magazine IDEES propose une vision large des thèmes abordés dans chaque numéro à travers des articles, des conférences et des débats. L'objectif principal est de contribuer au débat public pour parvenir à une démocratie délibérative en fournissant des contenus, des diagnostics et des propositions pour informer le Gouvernement de Catalogne et promouvoir la pensée critique parmi les citoyens.  

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