Defense & Security
L'approche de la Turquie face aux défis et aux perspectives d'Israël
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First Published in: Dec.17,2024
Jan.13, 2025
Il semble que diverses variables internationales, nationales et régionales dans les dimensions économiques et politiques empêcheront une tension militaro-sécuritaire généralisée dans les relations turco-israéliennes.
La Turquie a reconnu Israël en mars 1949. Les relations bilatérales entre les deux parties ont quelquefois fluctué de façon plus ou moins importante au cours des décennies suivantes. Ces relations ont perduré pendant le règne du Parti de la justice et du développement sur la Turquie.
L’assassinat de 8 citoyens turcs par Israël en 2010, l’apaisement des tensions en 2016, l’expulsion des ambassadeurs en 2018 et les nombreux hauts et bas ont grandement impacté les relations turco-israéliennes.
Alors qu'Erdoğan et Netanyahu se rencontraient à New York en septembre 2023, cherchant à normaliser pleinement leurs relations, la guerre Israël-Gaza du 7 octobre 2023 a poussé Ankara à renouveler ses critiques contre Israël et a exigé que l’ambassadeur turc quitte Israël.
Bien que certains diplomates turcs font toujours affaires à Tel-Aviv, Recep Tayyip Erdoğan a annoncé en novembre 2024 que la Turquie avait rompu tous ses liens avec Israël et n'entretenait actuellement aucune relation avec ce dernier. Cependant, il semble que l'ambassade de Turquie en Israël soit toujours opérationnelle et que la mission diplomatique israélienne à Ankara soit également maintenue
Des défis
Les relations israélo-turques ont atteint un point critique et les tensions et désaccords se sont également accrus. La Turquie a été l'un des principaux à critiquer Israël ces dernières années et l’annonce récemment faite en novembre 2024 indique une intensification des tensions diplomatiques.
L’approche de la Turquie à l’égard de la crise israélo-palestinienne s’appuie sur la stratégie étrangère de la Turquie, qui vise à renforcer le statut de la Palestine dans sa politique étrangère.
La Turquie, en s’opposant à la colonisation israélienne en Cisjordanie et en utilisant le mécanisme international, en mettant l’accent sur la solution à deux États, etc., tente de jouer un rôle de premier plan dans les efforts diplomatiques vis-à-vis de la Palestine.
Mais du point de vue d’Israël, de nombreuses approches de la Turquie consistent à interférer dans les questions sociales et politiques à l’intérieur d’Israël, et sont considérées comme un affaiblissement du gouvernement israélien, une relance des institutions musulmanes et une incitation à la violence contre Israël.
Ankara a cherché à consolider son rôle dans la promotion des aspirations palestiniennes en s’engageant auprès de divers groupes, dont le Hamas, en proposant d’accueillir les bureaux politiques du Hamas, en pleurant l’assassinat de Haniyeh et en « visitant » occasionnellement les dirigeants du Hamas depuis la Turquie.
En mai, Erdoğan a qualifié le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de « vampire » et a appelé les musulmans à combattre l’État juif.
Selon cette vision, Israël représente une menace pour « l’humanité tout entière » et maltraite Gaza depuis des années. Il faut donc faire pression sur lui en le tenant responsable du « génocide » qu’il a orchestré et de ses agissements à Gaza, en le faisant rendre à la Ligue islamique des Nations et à la communauté internationale.
De plus, plus tôt cette meme année, la Turquie a déposé une demande d’adhésion à la procédure de génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) en soutien à la Palestine. Le 1er novembre, la Turquie a décrété un embargo sur les armes, exigeant l’arrêt des ventes d’armes à Israël.
Qui plus est, il semble que la Turquie souhaite faciliter l’accès à ses intérêts nationaux et même un rôle de médiateur dans la recherche de la paix avec Israël en exerçant son influence (de façon appropriée) appropriée entre l’Autorité palestinienne et le Hamas.
En outre, au-delà de l’opposition, on ne peut plus explicite, de la Turquie à la guerre d’Israël au Liban et au risque d’expulsion des Palestiniens, les désaccords en Syrie pourraient constituer une étape importante, actuelle et future, dans les relations israélo-turques.
Israël et la Turquie sont les principaux bénéficiaires de l’effondrement d’Assad en Syrie, mais la Turquie est aussi connue pour soutenir les factions islamistes et salafistes-djihadistes.
Bien que Benjamin Netanyahu ait qualifié la chute d'Assad le 8 décembre de « jour historique », Ankara n'accepte pas la saisie par Israël de zones tampons, son avancée sur le territoire syrien et le bombardement de sites militaires syriens après l'effondrement.
La Turquie et Israël poursuivent leurs lignes rouges en Syrie avec des plans très contradictoires. La Turquie n’accepte pas que les partis kurdes et le PKK profitent de la nouvelle situation en Syrie, ni qu’Israël occupe Damas et gagne le nord du pays.
En outre, alors que de nombreux Israéliens ont déclaré que les Kurdes étaient leurs « alliés » et ont souligné l’importance de protéger les minorités en Syrie, la Turquie considère désormais la menace kurde comme plus importante. En outre, Ankara a probablement à l’esprit des convergences régionales et internationales pour faire pression sur Israël en mettant en avant le rôle de ce dernier en Syrie.
Sur le plan géopolitique, les alliances et les coalitions en Méditerranée orientale ne sont pas non plus dans l'intérêt de la Turquie. Ankara ne veut pas voir se former dans la région des coalitions géopolitiques et géoéconomiques anti-turques en présence d'Israël.
Les dimensions de la coopération géopolitique et sécuritaire entre la Grèce, Israël et Chypre posent des défis majeurs à Ankara.
Ankara poursuit une solution à deux États à Chypre, mais sait que dans la tension et le conflit chypriote entre la Turquie et la Grèce, Israël se trouve sur le front d’Athènes et de Chypre.
La Turquie a également connu des relations tumultueuses avec l’Union européenne et les États-Unis ces dernières années. Israël est un partenaire et un collaborateur important des institutions militaires et politiques occidentales.
Ankara semble toujours réticente à approfondir ses liens avec l’OTAN.
La Turquie tente également de réduire la possibilité d'une coopération israélienne (contre les intérêts d'Ankara) avec la communauté gréco-américaine, les partis d'opposition turcs, Gülen, les Arméniens.
La Turquie et Israël ont annoncé des barrières commerciales mutuelles en 2024 et les relations se sont détériorées. La Turquie a annoncé un embargo commercial contre Israël en mai 2024, imposant des restrictions sur l'exportation de 54 produits.
Cependant, malgré les échanges commerciaux via des pays tiers, la situation commerciale a porté préjudice à l’état des économies des deux parties, aux accords commerciaux bilatéraux et à leurs projets d’initiatives conjointes pour l’extraction et le transport du gaz.
L’opposition turque continue de défier Erdoğan pour son approvisionnement continu en pétrole azerbaïdjanais à Israël via la Turquie et la base radar turque de Kurcik, et pour ses deux poids deux mesures.
Cependant, les sentiments anti-américains et anti-israéliens ont augmenté en Turquie. Le gouvernement turc continue de faire face à la réaction de l'opinion publique à propos de l'acheminement continu du pétrole azerbaïdjanais vers Israël via la Turquie, des relations commerciales en cours entre la Turquie et Tel-Aviv et du commerce indirect via des pays tiers.
Malgré le tollé général qui a eu lieu en Turquie, Zorlu Holding a annoncé son intention de vendre sa participation dans l'entreprise israélienne Dorad Energy. Dans ce contexte, Ankara ne peut pas immédiatement renforcer ses liens économiques avec Israël.
Des opportunités pour créer des relations
Les liens avec Israël aideront Erdoğan à se servir de l’influence israélienne aux États-Unis pour améliorer les relations entre Washington et Ankara.
Le maintien de ces relations pourrait bénéficier de certains accords en matière de renseignement, de sécurité et d’armée, d’une coopération militaro-technologique et de défense, d’une coopération dans le domaine de l’échange d’informations et de la sécurité régionale, de la modernisation de l’armée turque, d’une coopération sur l’immigration illégale et la traite des êtres humains.
Israël et la Turquie ont tous deux des intérêts communs dans des régions telles que le Caucase du Sud.
Toutefois, l’apaisement des tensions avec Israël pourrait aider Athènes à trouver un compromis et à réduire la pression sur Ankara au sujet des îles grecques et à militariser la mer Égée.
La politique de transport de la Turquie pourrait atteindre le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et la région méditerranéenne en tirant parti des connexions portuaires en Turquie et en renforçant des projets tels que le pont maritime d’Iskenderun au port de Haïfa.
Certains enjeux clés, notamment la géoéconomie en Méditerranée orientale et la politique énergétique, ainsi que des intérêts communs dans le domaine de l'énergie pourraient empêcher une rupture totale. L'approvisionnement en gaz israélien de l'Europe pourrait contribuer à réduire la dépendance de la Turquie.
La Turquie est également toujours le canal par lequel transite 40 % de l’énergie d’Israël, qui provient d’Azerbaïdjan via la Turquie. Israël était le 13ème partenaire d'exportation de la Turquie en 2023, et la valeur totale des échanges entre Israël et la Turquie a atteint 6,8 milliards de dollars.
L’élargissement des relations économiques et l’utilisation de l’économie comme facteur de renforcement des relations peuvent contribuer à d’autres dimensions de la coopération entre les deux acteurs.
Des perspectives
Bien que les tensions entre la Turquie et Israël n’aient pas atteint un niveau sécuritaire ou militaire, la Turquie a averti à plusieurs reprises qu’une guerre entre la Turquie et Israël pourrait éclater.
Il reste cependant de nombreux défis à relever. Le niveau de pessimisme quant aux intentions d'Ankara en Israël est très élevé. La Turquie ne peut pas reculer sur les lignes rouges qu'elle a elle-même tracées en Palestine.
Le pessimisme mutuel et le rôle de différentes variables peuvent nuire aux perspectives des relations entre la Turquie et Israël. Il est donc inconcevable à court terme que les relations de défense et de sécurité entre la Turquie et Israël reviennent au niveau des années 1990.
Avec l’arrivée de Trump au pouvoir aux États-Unis, les tensions stratégiques à long terme entre Israël et la Turquie deviendront plus difficiles à gérer pour les intérêts d’Ankara.
Il semble également que diverses variables internationales, nationales et régionales dans les dimensions économiques et politiques permettront d’éviter une tension militaro-sécuritaire généralisée dans les relations turco-israéliennes. Il est également possible que des acteurs tels que Bakou puissent contribuer à réduire les tensions.
Dans cette situation, il semble qu’Ankara, avec une approche plus pragmatique et complexe, alliant idéologie, pragmatisme et stratégie géopolitique des relations économiques entre les deux pays, ne veuille pas assister à une tension généralisée, pratique ou même militaire avec Israël.
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Samyar Rostami est un observateur politique et chercheur principal en relations internationales.
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