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Defense & Security

Le nickel derrière le projet de recolonisation de Macron en Nouvelle-Calédonie

Paris, France, 1er mai 2024. Des milliers de personnes ont manifesté et célébré le 1er mai à Paris. Les syndicats, les travailleurs, les étudiants et d'autres ont défilé dans les rues

Image Source : Shutterstock

by Pablo Elorduy

First Published in: May.17,2024

Jul.23, 2024

Les manifestations de la population kanak se déroulent en opposition à une réforme électorale perçue comme favorisant davantage les colons récemment arrivés sur l'île. En arrière-plan, il y a les enjeux liés aux bénéfices de l'exploitation du nickel, que la métropole cherche à monopoliser.

Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont poussé le gouvernement français à intensifier sa répression sur l'île du Pacifique. Cette semaine, le Haut Commissaire Louis Le Franc a annoncé un renforcement de la présence policière, presque doublée, passant de 1 700 à 2 700 agents. Officiellement, cinq personnes, dont deux policiers, ont perdu la vie lors des affrontements, déclenchés par une modification légale du système d'élection des représentants, perçu comme discriminant envers la population autochtone kanak, qui constitue 40 % de la population totale. Les affrontements reflètent également une profonde inégalité entre le peuple kanak et les colons, qui se sont organisés en milices et auraient commis des exécutions de civils. Les organisations kanakes affirment que le nombre de victimes civiles pourrait être plus élevé.

 

Depuis le mercredi 15 mai, l'état d'urgence a été déclaré dans l'archipel et l'armée a été déployée autour des ports et des aéroports. Plus de 200 personnes ont été arrêtées. La situation s'est aggravée en raison des problèmes d'accès à la nourriture, (dus à des problèmes de distribution selon le gouvernement de l'île), ainsi qu'aux services de santé, qui se sont détériorés depuis le début des émeutes au début du mois de mai.

 

Le gouvernement a déclaré que dans plusieurs quartiers, "le contrôle n'est plus assuré" et espère démanteler les barricades à l'aide d'explosifs placées par les manifestants. On estime à environ 9 000 le nombre de manifestants, dont 5 000 à Nouméa, la capitale, notamment dans les quartiers de Kaméré, Montravel et Vallée-du-Tir. De plus, la métropole a interdit l'accès à TikTok (un réseau d'information utilisé par les manifestants) et le ministère de la Justice a annoncé "des sanctions plus sévères à l'encontre des émeutiers et des pillards".

 

La Cellule de coordination de l'action de terrain (CCAT), principale organisation de la population kanak, associe depuis le début les manifestations au "sabotage méthodique du processus de décolonisation par l'État français". En effet, depuis 1986, la Nouvelle-Calédonie fait partie des territoires à décoloniser selon l'ONU. "Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, la France sabote radicalement le processus de décolonisation", a déclaré l'organisation anticoloniale Survie dans un communiqué.

 

Le gouvernement a riposté en discréditant le CTAC, le qualifiant d'organisation "mafieuse", et en dénonçant l'ingérence étrangère de l'Azerbaïdjan. Selon l'Élysée, ce pays chercherait à se venger du soutien de la France à ses rivaux arméniens dans le conflit du Haut-Karabagh.

Pourquoi des manifestations ont-elles lieu en Nouvelle-Calédonie ?

Les manifestations ont été déclenchées en réaction à une réforme du gouvernement français visant à élargir l'électorat pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, un territoire comptant environ 300 000 habitants. Cette réforme prévoit d'étendre le droit de vote à la population coloniale récemment installée, soit environ 25 000 personnes. Cela aurait pour effet d'exclure du système représentatif 40 % de la population autochtone de l'île, qui est déjà la plus touchée par la pauvreté et l'exclusion. Actuellement, les colons ont le droit de voter aux élections présidentielles et municipales françaises, mais la réforme modifierait l'équilibre lors des élections provinciales.

 

Pour les partisans de l'indépendance et la population kanak, cette réforme constitue une remise en cause de “l’Accord de Nouméa” de 1988, qui accordait davantage de garanties à la population kanak. Ils voient cette réforme comme un moyen de privilégier davantage les colons, attirés par les avantages fiscaux et les niveaux de vie élevés par rapport aux prix bas dans l'archipel.

 

Cette réforme s'inscrit dans le cadre d'une politique plus dure adoptée par le gouvernement Macron, qui a déjà organisé un référendum en 2021 pour consolider le contrôle colonial français sur l'archipel. Malgré les demandes de report formulées par les Kanaks et certaines voix importantes de la société française, qui ont appelé au respect du deuil kanak pour les personnes décédées du COVID-19, le référendum a eu lieu comme prévu, et l'abstention a largement influencé les résultats.

 

L'actuel projet de loi constitutionnelle de "dégel" du corps électoral, qui a été voté au Sénat et doit être entériné par l'Assemblée française, a déclenché de nombreuses manifestations . Des grèves au port et à l'aéroport de Nouméa, la fermeture de nombreuses administrations, le début d'émeute à la prison de Nouméa, des affrontements entre la police et des jeunes des quartiers populaires de la capitale calédonienne.

 

Comme le souligne un article du journal écologiste Reporterre, le contrôle de la Nouvelle-Calédonie revêt une importance stratégique pour la France. L'île abrite entre 20 et 30 % des ressources mondiales de nickel, une ressource essentielle dans la fabrication des batteries des voitures électriques. Un quart de la population travaille dans le secteur du nickel, mais l'industrie traverse une crise profonde. Sous l'impulsion de Bruno Le Maire, ministre de l'économie, la métropole a proposé un "pacte nickel" qui prévoirait des millions d'euros d'aides au secteur. Dans le même temps, ce pacte remettrait en question un accord de 1998 par lequel l'île avait obtenu la gestion du nickel.

 

Selon un expert cité par Reporterre, le pacte proposé "s'écarte complètement du modèle de revenus miniers qui profite à la Nouvelle-Calédonie pour son propre développement" et s'inscrit dans une logique néocoloniale. De plus, la métropole souhaite que l'archipel exporte davantage de matières premières, ce qui priverait la Nouvelle-Calédonie des avantages de la valorisation locale du nickel.


First published in :

Revista El Salto / Spain

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Pablo Elorduy

Contributeur à El Salto 

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