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Diplomacy

Macron maintient son approche habituelle et compte sur le joker des socialistes et de l'extrême droite

Fréjus, France - 0-05-2023 : le politicien français François Bayrou est vu aux funérailles de l'ancien politicien François Leotard.

Image Source : Shutterstock

by Enric Bonet

First Published in: Dec.15,2024

Dec.20, 2024

Le président français nomme le centriste chevronné qu’est François Bayrou au poste de Premier ministre, après que ce dernier ait menacé de retirer son parti de la coalition présidentielle.

 

 

Fort avec les faibles et faible avec ceux qui sont à son niveau - assez petit, en fait. Le président français, Emmanuel Macron, s’est ainsi comporté ce vendredi, marquant le début d'un nouveau chapitre de son déclin - sans fin - en tant que président. Le chef de l'État, qui par le passé s’est montré impitoyable lors des manifestations syndicales (en 2023) et la révolte des Gilets jaunes (en 2018), a cédé aux pressions du chevronné centriste François Bayrou. Le leader du parti MoDem a réussi à s'imposer comme premier ministre bien qu'initialement cela n'était pas l’intention de Macron. Une matinée digne d'un épisode de la série « Baron Noir », le reflet de la Vème République - un model gouvernemental qui se meurt.

 

 

Neuf jours après le succès du vote de la motion de censure contre le gouvernement conservateur de Michel Barnier, l'Élysée a annoncé que le nouveau premier ministre serait nommé le vendredi 13 décembre - cela est chose faite. Le président n'avait déjà pas respecté le délai initial - jeudi 12 décembre, le soir - et prolonger l'incertitude aurait d’autant plus exacerbé le sentiment de ridicule. Selon la chaîne TF1, ce même vendredi, à cinq heures du matin, M. Macron a appelé M. Bayrou, dont le nom figurait en tête de tous les pronostics pour remplacer l'ancien négociateur européen du Brexit, et lui a annoncé qu'il ne serait pas choisi.

 

 

Cet appel a donné lieu à une réunion houleuse de près de deux heures au siège de la présidence. Au cours de cette réunion, M. Bayrou a menacé M. Macron de retirer les députés de son parti (MoDem) de la coalition présidentielle s'il n'était pas choisi comme premier ministre. Selon le journal Le Monde, Bayrou, qui s’est déjà présenté trois fois aux élections présidentielles (en 2002, 2007 et 2012) aurait tenu ces propos : « Je vous ai rejoint pour faire de grandes choses, pas de petites. (...) C'est simple : si vous ne me nommez pas, je retire mes billes ». Une telle décision aurait porté un coup sévère à un macronisme déjà affaibli, qui ne compte aujourd’hui que 164 députés (sur 577) et représente le deuxième bloc à l'Assemblée nationale, derrière la gauche (192).

 

 

Macron a cédé au terme d'une matinée tumultueuse. Au lieu de choisir entre Sébastien Lecornu (ministre de la Défense) et Roland Lescure (ancien ministre de l'Industrie) - candidats qu’il était susceptible de nommer ce matin même - il a finalement opté pour Bayrou, 73 ans. Il est intéressant de noter que le chef de l'État français, qui avait promis à son arrivé à l'Elysée en 2017 de redynamiser la Vème République, a dans un premier temps nommé le premier ministre le plus âgé de l'histoire de ce régime (Barnier) pour en nommer un second du même âge. Tous deux sont des politiciens de carrière, avec 40 ans de service à leur actif. Aussi, le nouveau Premier ministre est au cœur d’une affaire de corruption qui sera rejugée en appel en 2025.

 

 

Moins néolibéral que Macron

 

 

« Je ne pense pas que Macron soit ravi d'affronter la dernière ligne droite de sa présidence avec un Premier ministre comme Bayrou, un homme au caractère dur et complexe », explique la politologue Virginie Martin à propos du maire de Pau, une ville de 80 000 habitants dans le sud-ouest de la France. Sa nomination en tant que Premier ministre reflète, d'une part, les tensions internes au sein du macronisme, qui est clairement en déclin, et d'autre part, elle montre l'entêtement du président à conserver tout le contrôle du gouvernement plutôt que de partager le pouvoir exécutif avec le Nouveau Front populaire - NFP, parti de gauche - qui a remporté de justesse les élections anticipées du 7 juillet.

 

 

Bien que le macronisme ait obtenu moins de 15 % des voix aux élections européennes et soit arrivé troisième au premier tour des élections législatives avec 20 %, il ne renonce pas au pouvoir. Il profite de la fragmentation parlementaire en trois blocs quasi irréconciliables (la gauche, le centre-droit macroniste et l'extrême-droite) et des pouvoirs additionnels accordés au président par la Constitution. « Cela me semble incompréhensible d'un point de vue électoral », a critiqué Marine Tondelier, secrétaire générale des Verts, à propos de la nomination de l'un des alliés majeurs de Macron.

 

 

L'actuel président et le leader du MoDem ont uni leurs chemins politiques en février 2017. À l'époque, ils ont conclu un accord qui a conduit au retrait de M. Bayrou de la campagne présidentielle de cette année-là, ce qui s'est avéré essentiel pour la victoire de M. Macron en mai. Quelques semaines avant ce pacte, le leader vétéran avait tenu des propos sévères à l'égard de son futur allié : « Cela ne marchera pas (...), parce que les Français verront ce qui se cache derrière cet hologramme. Derrière lui, se cachent des puissances financières pour qui le contrôle économique ne suffit plus, et qui veulent maintenant aussi le pouvoir politique ».

 

 

Depuis, les relations entre les deux hommes n'ont jamais été vraiment bonnes. Comme il l'a encore fait ce vendredi, Bayrou a menacé à plusieurs reprises de retirer le MoDem de la coalition présidentielle, qui comprend également le parti de Macron, « Renaissance », et Horizons. « Il est l'héritier de la tradition démocrate-chrétienne. Il n'est ni un libéral thatchérien, ni un anarchiste ».

 

 

Des budgets placés sous le signe de l'austérité

 

 

« Je suis conscient de l'Himalaya que nous avons devant nous », a déclaré M. Bayrou vendredi après-midi lors de sa cérémonie d'investiture à Matignon. Il faisait référence à la situation financière délicate de la France, qui devrait terminer l'année avec un déficit public supérieur à 6 %, des chiffres typiquement associés à une période de crise grave. Son premier défi sera l'élaboration et l'adoption de la loi du budget pour l'année 2025.

 

 

Comme l'a déjà fait M. Barnier, le nouveau premier ministre tentera probablement de combler le déficit par des budgets marqués par une sévère austérité - son prédécesseur avait prévu une réduction de 40 milliards d'euros des dépenses publiques. Il pourrait tenter d'adoucir la situation en introduisant une forme d'impôt spécial sur les plus riches. L'ancien négociateur du Brexit « avait déjà proposé une taxe temporaire sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises ». Lors du débat parlementaire, la gauche et les députés du parti de M. Bayrou se sont mis d'accord pour approuver un amendement proposant que cette taxe soit appliquée pendant plus de deux ans », rappelle M. Petaux.

 

 

Le parti traditionnel de droite, « Les Républicains » (LR), soutiendra probablement l'approbation du budget public. Malgré ses relations tendues avec l'ancien président Nicolas Sarkozy, qui conserve une certaine influence sur le LR, M. Bayrou pourrait convaincre le parti post-gaulliste de rester dans le gouvernement, qu'il a rejoint en septembre sous l'égide de M. Barnier. Des figures clés du gouvernement actuel - l'alliée de Sarkozy Rachida Dati (Culture), la conservatrice Catherine Vautrin (Territoires), et le xénophobe Bruno Retailleau (Intérieur) - sont convaincues qu'elles conserveront leurs postes.

 

 

Un pacte de non-agression avec les socialistes ? 

 

 

En revanche, « La France Insoumise » (qui se rangent avec les partis espagnols « Podemos » ou « Sumar »), qui représente le parti du Front populaire ayant le plus grand nombre de députés, a annoncé le vote d’une motion de censure contre Bayrou. « S'ils veulent garder les mêmes personnes aux postes clés, dont Retailleau à l'Intérieur, et ne rien faire sur les retraites, l'écologie et la justice fiscale, je ne vois pas d'autre option que ce vote », a déclaré l'écologiste Marine Tondelier. Son parti est divisé mais semble pencher vers l'opposition pure et simple, comme le parti de La France Insoumise.

 

 

La grande question est celle de la position du Parti socialiste (PS) et du Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite. Leur position déterminera si Bayrou restera plus longtemps à Matignon que Barnier, qui a été censuré moins de trois mois après sa nomination. Le parti de centre-gauche a déclaré qu'il ne participerait pas au gouvernement et resterait dans l'opposition. Il a toutefois pris ses distances avec ses alliés de La France Insoumise en ouvrant la porte à un accord de non-défiance. Parmi leurs conditions, le premier ministre doit s'abstenir d'utiliser l'article 49.3, qui permet d'adopter des lois sans vote parlementaire et qui a contribué à la chute de M. Barnier. Ils ont également exigé qu'il abandonne son projet d'adopter une loi sur l'immigration très stricte au début de l'année prochaine.

 

 

« J'ai le sentiment que les socialistes commettent de nombreux faux pas », estime Martin, professeur à Kedge Business School. Leur prise de distance avec « La France Insoumise », qui mène une stratégie incertaine visant à forcer la démission de Macron et à préparer des élections présidentielles anticipées, s'explique par « la pré-campagne pour les municipales de 2026 » ainsi que « le congrès du Parti socialiste l'année prochaine. ». Le secrétaire général du parti, Olivier Faure, partisan de l'unité des forces progressistes, risque de perdre son poste lors de ce sommet interne en raison de l'offensive de l'aile droite du parti, menée par l'ancien président François Hollande et la maire de Paris, Anne Hidalgo.

 

 

Une relation cordiale avec Mme Le Pen

 

 

Si M. Bayrou ne parvient pas à conclure un pacte de non-agression avec les socialistes, il pourra compter sur Marine Le Pen. Le Rassemblement national (RN) a accueilli avec une apparente satisfaction la nomination du leader du MoDem, qui entretient des relations plutôt cordiales avec le mouvement de Mme Le Pen. « En 2022, il a prêté sa signature à Mme Le Pen pour qu'elle puisse se présenter à l'élection présidentielle », plaidant pour le pluralisme politique. Il a également proposé la création d'une « banque de la démocratie » pour résoudre les problèmes de financement de l'extrême droite, ce qui l'a amenée à rechercher des fonds (jusqu'à 11 millions d'euros) auprès d'une banque russe proche du Kremlin », se souvient M. Martin.

 

 

Néanmoins, le principal point commun entre Bayrou et Le Pen réside dans leurs démêlés judiciaires. Bien qu'il ait été l'un des premiers alliés de Macron, Bayrou a joué un rôle secondaire au cours des sept dernières années en raison de son implication présumée dans une affaire de faux assistants au Parlement européen. Le tribunal de Paris l'a acquitté au début de l'année 2024, mais huit responsables du MoDem ont été condamnés et le parti doit payer une amende de 400 000 euros. En outre, le ministère public a fait appel de la décision et l'affaire sera rejugée en appel. Il s'agit d'une affaire très similaire à celle pour laquelle, l'automne dernier, la leader d'extrême droite avait été jugée. Son verdict est attendu pour le 31 mars et elle risque de ne pas pouvoir se présenter pendant cinq ans aux élections. Cela pourrait déclencher un séisme politique en France. L'avenir de la Cinquième République et sa crise dépendront non seulement du Parlement, mais aussi des tribunaux.

 

 

Cet article a été traduit et placé sous licence CC BY-SA 3.0 ES (Atribución-CompartirIgual 3.0 España).


First published in :

Revista El Salto

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Enric Bonet

Collaborateur du journal espagnol El Salto

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