Subscribe to our weekly newsletters for free

Subscribe to an email

If you want to subscribe to World & New World Newsletter, please enter
your e-mail

Diplomacy

Ce qu'une deuxième administration Trump signifie pour le multilatéralisme

Guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis provoquée par les droits de douane américains de 2018 sur l’acier et l’aluminium

Image Source : Shutterstock

by Andrea Ellen Ostheimer

First Published in: Jan.13,2025

Jan.20, 2025

À moins d'une semaine de l'investiture de Donald Trump en tant que 47ème président des États-Unis d'Amérique, les alliés stratégiques et les partenaires commerciaux, mais aussi les organisations multilatérales et le système onusien se préparent pour ce nouveau mandat Trump - qui sera certainement plein de surprises.

 

 

Toutefois, compte tenu du premier mandat du président Trump, de ses annonces lors de la campagne électorale, de sa personnalité, des personnes qu’il a nommé pour des postes de grande importance concernant le système international, ainsi que de l'impact du tiercé républicain et le déséquilibre des pouvoirs, on peut s'attendre à un repositionnement considérable des États-Unis au sein du système international.

 

 

L'impact de la première administration Trump

 

 

Depuis la création des Nations unies en 1945, les relations entre les États-Unis et les Nations unies peuvent être dans le meilleur des cas qualifiées de « contradictoire ». Cela est en grande partie le résultat de désaccords constants entre des préoccupations internes et les objectifs des politiques étrangères. En tant que principal défenseur d'une institution succédant à la Société des Nations, les États-Unis ont défini les objectifs et valeurs fondamentaux des Nations unies. Ce soutien - motivé à l'origine par des intérêts nationaux - a commencé à faiblir au milieu des années 70, suite à l'adhésion de nombreux nouveaux membres et à la création du G77, un groupe de 77 pays en développement, qui a réduit l'influence des États-Unis.

 

 

Bien que les États-Unis aient joué un rôle majeur dans la création de l'ONU, cette dernière est devenue une plate-forme secondaire de coopération internationale. Les différentes administrations se sont engagées de manière importante dans le système le système des Nations unies lorsqu'il servait les intérêts nationaux. Cependant, les constellations de pouvoir nationales ont souvent entravé tout réel engagement allant au-delà des contributions financières.(1)

 

 

Cependant, l'idéologie « America First » - « Les États-Unis d'abord! » - de Trump s'est démarquée des politiques de ses prédécesseurs, et en particulier des conservateurs, par son rejet des Nations unies et son dédain à l'égard d'institutions telles que l'OTAN, réprimandant ainsi les plus proches alliés des États-Unis. Cette indifférence et ce mépris

à l'égard des Nations unies ont non seulement affaibli les Nations Unies, mais aussi terni la réputation des États-Unis.

 

 

La politique unilatérale du président Trump, « America First », et son mépris abject des institutions multilatérales ont nui à la légitimité des États-Unis en tant que leader mondial et ont porté un coup aux Nations unies. Sous Trump, la nature transactionnelle des relations entre les États-Unis et l’ONU est devenue évidente. Tant que les américains y trouvaient leurs intérêts, les États-Unis portaient leur pierre à l'édifice.

 

 

L'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, est  même parvenue à obtenir le soutien de la Chine et de la Russie pour une résolution du Conseil de sécurité (SC/RES/2397) qui imposerait de lourdes sanctions sur la Corée du Nord (RPDC). (2) Cependant, même sous Trump, dans certains domaines, les intérêts nationaux ont prévalu, et des politiques américaines ont alors été passées à l'ONU. Afin de prouver son soutien inconditionnel à Israël, l'administration Trump a mis un terme à l'ensemble des financements américains accordés à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ( autrement appelé UNRWA). Aussi, en faisant cela le potentiel de Trump à jouer le rôle de médiateur dans le processus de paix israélo-palestinien (3) a davantage faibli. Après avoir accusé le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) de subventionner des avortements coercitifs et des stérilisations involontaires en Chine sans la moindre preuve, l'administration Trump a supprimé tout financement américain pour l'UNFPA, mettant ainsi en péril de nombreux programmes de planning familiale dans des pays en développement. (4) Au sein du conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), la position des États-Unis s'est même parfois alignée sur celle de la Russie ou de la Chine, en particulier lorsque d'autres membres du CSNU ont tente d'évoquer le lien entre le changement climatique et la sécurité. Ceci, ainsi que la position des américains quant aux droits des victimes de violences sexuelles en temps de guerre et leur santé reproductive et sexuelle, n’ont fait qu'accroître les tensions entre les  États-Unis et les alliés traditionnels de l'Occident. 

 

 

Qui plus est, Trump a retiré les États-Unis des accords de Paris sur le climat, du JCPOA (5) et du traité FNI (6), et a boycotté les négociations du pacte des Nations unies sur les migrations (7).

 

 

Cependant, les manœuvres politiques les plus obstructives sous l’administration Trump ont certainement été la désignation de l'OMS comme bouc émissaire et le fait de qualifier l'organisation de « pantin manipulé par la Chine » pendant la crise du COVID-19, et la suppression des financements américains de l'OMS suivi du retrait des États-Unis de l'ONU au plus fort de la pandémie. Ce faisant, les États-Unis ont terni leur réputation de partenaire fiable et ont interdit pendant des mois toute déclaration du Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de la pandémie.

 

 

Le retrait des États-Unis du Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2018 a été tout aussi néfaste. Non seulement les États-Unis ont abandonné une plateforme permettant de dénoncer les violations des droits de l'homme dans le monde entier, mais leur départ a également permis à la Chine de mettre en avant et de diffuser sa propre vision des droits de l'homme. Bien que des régimes autocratiques soient régulièrement élus au Conseil et profitent de l'occasion pour s'assurer que leurs propres violations des droits de l'homme ne sont pas prises en compte, le retrait des États-Unis a créé un vide et a marqué le retrait d’un allié puissant qui partage les mêmes idées que certains membres, en particulier l'Union européenne (UE). Au sein du Conseil des droits de l'homme, nous voyons une Chine de plus en plus affirmée, qui auparavant essayait seulement de protéger son image, mais qui partage maintenant sa propre vision des droits collectifs et de développement par rapport aux droits de l'homme individuels.

 

 

Une action rapide et un programme millimétré

 

 

Au cours de son premier mandat, Trump a pris tout son temps pour nommer les postes clés liés à la politique étrangère. Il lui a fallu deux ans pour nommer un ambassadeur à Genève, par exemple. Le projet de Trump - réduire de façon très importante le soutien financier américain au système des Nations unies - a trouvé ses limites au Congrès. Les États-Unis sont restés le plus grand donateur au monde en termes d'aide au développement et d'aide humanitaire. Même au sein du parti républicain et dans les cercles conservateurs, en particulier dans les milieux religieux et évangéliques, l'idée selon laquelle les aides publiques pour le développement sont bénéfiques aux américains, et à leurs intérêts prévalait encore.

 

 

En revanche, en janvier 2025, la situation est différente. Trump, après sa réélection en novembre 2024,  a nommé Marco Rubio au poste de secrétaire d'État, et a nommé la représentante républicaine Elise Stefanik au poste d'ambassadrice auprès des Nations unies à New York.

 

 

Le sénateur Rubio est connu jusqu'à présent pour être un partisan de l'engagement mondial des États-Unis lorsqu'il sert les intérêts économiques et la sécurité nationale des États-Unis. Il est intransigeant à l'égard de la Chine et souhaite plus de transparence et de responsabilité dans le secteur de l'aide. Par le passé, il a soutenu la lutte contre la malaria et d'autres maladies évitables et traitables. Bien que la communauté du développement ait poussé un soupir de soulagement lorsque son nom a circulé, il n'est pas acquis qu'il défendra ses intérêts face à la dynamique MAGA de l'administration Trump. Comme pour toutes les nominations de Trump, et compte tenu des expériences passées, la question sera toujours de savoir quel degré d'autonomie ils peuvent obtenir.

 

 

Bien que Trump ait pris ses distances pendant la campagne avec le Projet 2025, un projet pour une future administration conservatrice de la Heritage Foundation, on peut s'attendre à ce que ceux qu'il a nommés jusqu'à présent partagent non seulement ses vues sur l'ordre multilatéral, mais aussi ses idées préconçues et désaccords à l'encontre de ces institutions.(8)

 

 

La première ligne de la croisade anticipée de Trump contre les organisations multilatérales pourrait cette fois inclure celles qui jusqu'à présent avaient été épargnées : la Banque mondiale, le FMI, ainsi que l'OCDE.(9) Quant aux autres, il pourrait reprendre là où il avait été restreint ou là où l'administration Biden était venu inverser les mesures qu'il avait prises.

 


Le conseil des droits de l'homme

 

 

C'est le cas du Conseil des droits de l'homme. En 2018, l'administration Trump s'est retirée du Conseil, arguant qu'il était devenu un « exemple d’une hypocrisie sans vergogne - de nombreuses atteintes aux droits de l'homme dans le monde y étant ignorées, et certains des plus grands délinquants du monde siégeant au Conseil lui-même » (10).

 

 

En octobre 2021, les États-Unis ont été réélus au Conseil des droits de l'homme. Dans le cadre de leur soutien infaillible à l'Ukraine, les États-Unis ont joué un rôle moteur dans la création d'une commission d'enquête sur l'Ukraine et d'un rapporteur spécial sur la Russie. Cependant, lors de sa réélection en octobre 2024, l'administration Biden a délibérément décidé de ne pas se porter candidate. Bien que certains observateurs affirment que cette décision a été prise afin d'éviter une réaction brutale de la part d'une majorité d'États membres de l'ONU qui considèrent comme une question primordiale le rôle critique que les États-Unis joue dans les atteintes au droit international humanitaire et aux droits de l'homme dans le conflit opposant Israël au Hamas et au Hezbollah. Le Hamas et le Hezbollah sont un exemple flagrant de deux poids, deux mesures. On pourrait également faire valoir que le fait de ne pas siéger au Conseil des droits de l'homme, alors qu'un potentiel second retrait des États-Unis n'est pas à exclure, réduit les dommages causés à la réputation de l'organisation ainsi qu'à la position des États-Unis dans le système international.

 

 

Les ambassadeurs des États-Unis auprès des Nations unies à New York sont généralement des membres du cabinet et participent donc directement à l'élaboration des politiques. Avec Elise Stefanik, Trump a non seulement nommé une fervente partisane d'Israël qui a accusé l'ONU d'être « un repaire d'antisémites » (11) , mais aussi une partisane convaincue de la lutte contre l'avortement. Son positionnement à New York influencera certainement la dynamique à Genève également. Et si le projet 2025 devient la liste de stratégies auquelle tout le monde s’attend, la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont les États-Unis sont signataires, pourrait ne plus rester le point de référence incontesté qu’il a été jusqu'à présent.

 

 

La Commission américaine sur les droits de l'homme inaliénables, créée au cours de la première administration Trump par le secrétaire d'État Mike Pompeo, a produit un rapport qui, selon le Projet 2025, est un plan important pour les engagements bilatéraux et multilatéraux en matière de droits de l'homme. (12) Le rapport s'attache à définir quels droits sont « inaliénables », en mettant en avant la liberté religieuse et le droit à la propriété privée, tout en écartant les droits que le rapport qualifie de « polemiques sociales et politiques qui divisent », notamment les droits sexuels et reproductifs, les droits des LGBTI et le droit à la non-discrimination. (13)

 

L'objectif du projet 2025 n'est pas seulement de réévaluer tous les engagements multilatéraux des États-Unis à la lumière des travaux de la Commission des droits de l'homme inaliénables, mais aussi de forger un consensus entre les pays partageant les mêmes idées en faveur de la vie humaine, de la santé des femmes, de la famille en tant que cellule de base de la société humaine, et de la défense de la souveraineté nationale. En 2020, l'administration Trump a parrainé à l'Assemblée générale des Nations unies la Déclaration du consensus de Genève sur la santé des femmes et la protection de la famille (A/75/626), pour laquelle elle a obtenu le soutien de 34 États membres, y compris ceux dont les antécédents en matière de droits de l'homme et de droits des femmes sont loin d'être irréprochables : par exemple, la Biélorussie, l'Arabie saoudite, l'Ouganda et le Pakistan. (14) Compte tenu d'initiatives telles que le Consensus de Genève, la future administration Trump pourrait, outre un retrait complet, saper les normes en matière de droits de l'homme en introduisant et diffusant, de façon similaire à la Chine, leur propre vision. Dans ce projet, les États-Unis pourraient même trouver un soutien parmi les États qui sont normalement de fervents critiques des États-Unis, mais qui saisiront le moment et l'occasion de démanteler l'ordre libéral fondé sur des règles qu'ils perçoivent comme étant de toute façon dominées par l'Occident.

 

 

L'organisation mondiale du commerce (OMC)

 

 

Pour éviter un nouveau blocage de la nomination d'un directeur général de l'OMC en 2025 par les États-Unis, les membres de l'OMC ont avancé de deux mois le processus de réélection de la titulaire Ngozi Okonjo-Iweala. Le président Trump avait déjà bloqué sa nomination en 2020, laissant l'organisation sans direction pendant près de sept mois.

 

 

Du point de vue de « America first », « l'Amérique se fait plumer tous les jours sur le marché mondial à la fois par une Chine communiste prédatrice et par une OMC institutionnellement injuste et non réciproque ». (15) Le Projet 2025 recommande donc de réformer l'OMC ou de créer une organisation qui lui succéderait et de limiter sa composition aux démocraties libérales. La préoccupation majeure pour les États-Unis à l'OMC est certainement le statut de « pays en développement » de la Chine au sein de l'OMC et les atteintes présumées à la souveraineté des États-Unis - bien que le droit de veto dont disposent les États-Unis est ignoré puisque l'OMC est une organisation fondée sur le principe de consensus.

 

 

Cependant, et bien que les droits de douane annoncés par Trump et appliqués à ses amis et ennemis perturbent le système commercial international, il convient de souligner que, sous l'administration Biden, les États-Unis n'ont pas été un membre de l'OMC avec lequel il était facile de s'engager. Cela a été particulièrement vrai pour la réforme de l'organe d'appel du mécanisme de règlement des différends, dont le processus de nomination reste dysfonctionnel depuis l'administration Obama.

 

 

Pour la prochaine administration Trump, le commerce est également considéré comme un outil de développement. À cet égard, elle ne diffère pas trop des réformes que l’administratrice sortante de l'USAID, Samantha Power, avait tenté d'initier. (16) Aussi, il pourrait s'agir d'un domaine où la directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, qui est considérée comme particulièrement axée sur les aspects du commerce liés au développement, et l'administration Trump pourraient peut-être trouver ensemble un terrain d'entente.

 

 

Aide humanitaire et aide au développement

 

 

L'aide humanitaire, qui fait déjà face à d'importantes lacunes en matière de financement, sera certainement confrontée à de nouvelles difficultés avec l'arrivée de l'administration Trump. Malgré des réductions substantielles qui ont déjà commencé en 2022, les États-Unis restent le plus grand donateur pour les agences de l'ONU telles que le programme alimentaire mondial (2023 : 36,53% du total du PAM provenait des États-Unis) ; le HCR (2023 : 38,93%) ; et l'OCHA (2023 : 19,9%). Bien que l'aide humanitaire et en particulier le financement de la sécurité alimentaire (le PAM était dirigé par l'allié de Trump, David Beasley) n'aient pas fait l'objet de controverses au cours de la première administration Trump, cela pourrait changer. Selon Max Primorac, qui avait été administrateur adjoint de l'USAID pendant le premier mandat de Trump, et qui est l'auteur du chapitre du Projet 2025 sur l'Agence pour le développement international, « l'aide d'urgence fausse les réponses humanitaires, aggrave la corruption dans les pays que nous soutenons, et exacerbe la misère de ceux que nous avons l'intention d'aider.[...] l'aide humanitaire entretient les économies de guerre, incite financièrement les belligérants à poursuivre les combats, décourage les gouvernements de mettre en place de nouvelles réformes et soutient les régimes malveillants. Les acteurs malveillants tirent des milliards de dollars de bénéfices du détournement de notre aide humanitaire, mais les organisations internationales aussi ». (17)

 

Tout en critiquant les frais généraux que les agences internationales doivent facturer pour fournir une aide dans les situations d'urgence, les experts en développement affiliés à Trump plaident fortement en faveur de la localisation - bien que d'une manière légèrement différente de ce que feraient les voix progressistes. La quête de ces dernières en faveur d'une plus grande équité, de l'inclusion et de l'appropriation des organisations locales depuis la conception du projet jusqu'à sa mise en œuvre reste méconnue, tandis qu'une défense est élaborée en faveur d’approvisionnement d'aide par des organisations religieuses. Bien qu'il soit louable de renforcer l'inclusion des organisations locales pour de bonnes raisons, cela ne diminuera certainement pas la nécessité des donateurs que d’avoir une attitude ferme et de fortes capacités en termes de personnel. L'une des raisons pour lesquelles les organisations multilatérales et internationales sont souvent utilisées comme une sorte d’intermédiaire dans l’approvisionnement d'aide est liée aux structures de gestion de projet des ministères des affaires étrangères et du développement, qui se sont de nos jours affaiblies, et à la nécessité de mettre en place des mécanismes de responsabilisation lorsque l'argent des contribuables est dépensé. 

 

S'inspirant des idées présentées par le Projet 2025, l'aide au développement sous la future administration Trump sera fortement axée sur la lutte contre l'influence chinoise et mettra en lien les politiques étrangères et de développement avec les politiques de lutte contre l'avortement. Ce qui est appelé  « la protection de la vie dans le cadre de l'assistance étrangère » (18) réintroduira notamment la « règle du bâillon mondial » qui interdit le financement par les États-Unis d'organisations à l'étranger qui fournissent des services d'avortement ou des informations sur l'avortement. Au cours de son premier mandat, Trump avait déjà élargi l'interprétation de cette règle à la « La politique de protection de la vie dans l'aide sanitaire mondiale », et l'on s'attend à ce qu'il inclut également l'aide humanitaire et l'aide au développement - il est donc extrêmement difficile de savoir ce qui est inclus dans ces nouvelles règles et ce qui ne l'est pas. (19)

 

 

Dans ce contexte, il est presque certain que Trump réduira à nouveau tous les financements du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), car ses services de santé reproductive dans le monde entier font office de sonnette d'alarme. (20) Bien que le FNUAP se soit habitué aux coupes budgétaires des gouvernements conservateurs américains au fil des ans, la perte de 11 % de son budget (2023) ne sera pas facile à compenser.

 

 

L'organisation mondiale de la santé (OMS) et l'ONUSIDA

 

 

Pendant la pandémie de Covid-19, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est devenue une cible privilégiée du président Trump, qui a notamment accusé l'organisation d'être trop proche de la Chine et de sa gestion des premières phases de l'épidémie. (21) Il a lancé un processus de retrait des États-Unis de l'organisation - une décision qui a été immédiatement annulée par son successeur, le président Biden. Toujours pour l'OMS, les États-Unis sont actuellement le plus grand donateur de contributions obligatoires et volontaires, avec un total de 15,59 % (2023). (22) Mais avec les négociations du Traité sur les pandémies toujours en cours, et la possibilité pour les États de contester les amendements finalisés du Règlement sanitaire international jusqu'en juillet 2025, l'enjeu pour l'OMS est bien plus important que les seules implications financières d'une relation perturbée avec la prochaine administration Trump. Avec la nomination de Robert Francis Kennedy (RFK) Jr comme nouveau secrétaire du ministère de la santé et des services sociaux (HHS), la communauté mondiale de la santé est en état d'alerte. Lors de sa campagne présidentielle, RFK Jr. avait déjà proclamé l'arrêt du traité sur les pandémies, comme l'a fait le président élu Trump. En outre, RFK Jr a établi un lien entre les vaccins et l'autisme, a qualifié les vaccins Covid-19 de mortels, soutient des organisations anti-vaccins et a même remis en question le fait avéré que le VIH cause le sida. (23)

 

 

Lorsque 77 lauréats du prix Nobel ont exhorté le Sénat américain, en décembre 2024, à rejeter la nomination de RFK Jr., le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Ghebreyesus, a appelé à une attitude « patiente ».(24) Lui et son équipe recherchent les domaines dans lesquels il serait possible d’attirer l'administration Trump et son nouveau secrétaire au HHS. L'un de ces domaines pourrait être l'épidémie de maladies non transmissibles à laquelle sont confrontés les Américains et qui est souvent citée par RFK Jr. qui plaide en faveur d'une prévention renforcée par une alimentation et un environnement plus sains et un mode de vie actif (25).

 

 

Par le passé, la sécurité sanitaire a toujours été un sujet de préoccupation commun, et les partis ont pu travailler ensemble. Cependant, la polarisation est également devenue un trait caractéristique de cette situation. Avec un tiercé en place, la majorité des républicains à la Chambre et au Sénat pourrait devenir une question de survie pour des programmes tels que le PEPFAR. Cette année déjà, le PEPFAR, l'initiative phare des États-Unis dans la lutte contre le sida, qui avait été mise en place sous le président républicain George W. Bush en 2003, n'a pas réussi à obtenir un soutien bipartisan pour une nouvelle autorisation législative complète de cinq ans. Après que des groupes conservateurs ont lancé une campagne accusant sans preuve l'administration Biden d'utiliser l'argent du PEPFAR pour des avortements, le programme n'a obtenu qu'une nouvelle autorisation temporaire d'un an jusqu'en mars 2025. (26) Le financement du PEPFAR (6,5 milliards USD en 2024) se compose de fonds bilatéraux américains et de fonds de l'Union européenne pour la lutte contre le sida, notamment le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial : 1.65 milliards d'USD du PEPFAR) et de l'ONUSIDA. C'est surtout ce dernier qui serait gravement touché si le financement devait encore être réduit. En 2024, l'ONUSIDA a reçu 50 millions USD du PEPFAR, ce qui fait des États-Unis son principal donateur. (27)

 


Personnalité, idéologie et argent - un cocktail toxique 

 

 

Pour la plupart des agences, fonds et programmes des Nations unies, les États-Unis sont les premiers en termes de contributions obligatoires et volontaires. En effet, 22 % du budget des Nations unies sont financés par des contributions américaines. Si l'on y ajoute les contributions volontaires, ce chiffre s'élève en 2023 à 27,9 %. (28) Ainsi, les dirigeants de l'ONU se préparent aux pires scénarios. Cependant, racler les fonds de tiroir à un moment où les autres donateurs deviennent également réticents à financer des programmes multilatéraux et de développement, n'est une solution viable qu'à court terme. En outre, l'influence croissante tant déplorée d'États autocratiques tels que la Chine ne fera que s'accroître alors que les États-Unis laissent une fois de plus un vide qui sera rempli avec plaisir par leurs adversaires. Lors du retrait de la première administration Trump du multilatéralisme, l'UE et les États membres de l'UE ont renforcé leur engagement et sont parvenus dans de nombreux cas à combler le vide.

 

 

Pour préserver un ordre multilatéral fondé sur des règles, les gouvernements européens doivent être prêts non seulement à contribuer aux coffres vides des institutions de l'ONU, mais aussi à assumer un rôle de leader et à forger de nouvelles alliances avec des États qui partagent encore les mêmes valeurs. À l'avenir, la Russie ne restera pas le seul perturbateur sur le théâtre multilatéral et la Chine ne sera pas le seul pays à essayer de diffuser sa propre vision sur les droits de l'homme. En raison de l'absence de normes collectives établies, la prochaine administration Trump aura certainement un impact négatif sur le tissu social de la coopération internationale.

 

 

Mais cela ne devrait pas nous surprendre. Le multilatéralisme a besoin, au minimum, d'un engagement moral envers les principes établis de la prise de décision collective, y compris la condition préalable de pacta sunt servanda. Le multilatéralisme s'efforce de prendre des décisions inclusives et d'assurer l'égalité entre les différents membres du groupe. Le multilatéralisme repose sur la tolérance à l'égard du point de vue des autres et sur l'acceptation de compromis en vue d'avantages mutuels. Dans le monde de Donald Trump, un monde transactionnel où les principes du jeu à somme nulle dominent, les concepts de compromis, de réciprocité et d’empathie n’ont aucune importance. La devise « America First » reflète sa personnalité et illustre l'incompatibilité perçue entre les intérêts nationaux des États-Unis et l'engagement multilatéral (29).

 

 

Dans le but de maintenir un ordre international fondé sur des règles dans une ère géopolitique marquée par de multiples crises, les États partageant les mêmes idées, et en particulier les États européens, doivent intensifier leur action pour préserver ce qu'ils chérissent. Malgré tous les vents contraires qui souffleront depuis Washington à partir du 20 janvier 2025, le concept de multilatéralisme n'est pas voué à l'échec même sans les États-Unis. Les rapports de force vont certainement changer, mais l'Europe a tout intérêt à préserver son influence dans l'élaboration de l'ordre mondial.

 

 

 


References

 

1. Ostheimer, Andrea E.: The United Nations and Global Multilateral Organisations as a Playground for American-Chinese Rivalry, in: New Realities of Multilateralism, Panorama 2022, pp. 7-26.[ Panorama 2022_01_Multilateralism_cover_v3_crop.indd https://www.kas.de/documents/288143/21303801/Panorama+2022+New+Realities+of+Multilateralism.pdf/d2ed886c-83fa-6423-90b8-eeaa48ef8620?version=1.0&t=1668409843028 ].

 

 

2. Runde, Daniel F.: Competing and Winning in the Multilateral System. Center for Strategic & International Studies (CSIS), 2020, p 4. [ https://www.csis.org/analysis/competing-andwinning-multilateral-system-us-leadership-united-nations ].

 

 

3. Amr, Hady. 7 September 2018. Brookings. [ https://www.brookings.edu/blog/order-from chaos/2018/09/07/in-one-move-trump-eliminated-us-funding-for-unrwa-and-the-us-role-as-mideast-peacemaker/ ]. 

 

 

4. Morello, Carl. 4 April 2017. The Washington Post. [https://www.washingtonpost.com/ world/national-security/trump-administration-to-eliminate-its-funding-for-un-population-fundover-abortion/2017/04/04/d8014bc0-1936-11e7-bcc2-7d1a0973e7b2_story.html].

 

 

5. The Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) had been an accord that restricted the Iranian nuclear program to mere peaceful usage. 

 

 

6. The Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty had limited the type of weapons systems the signatories, US and Russia could pursue.

 

 

7. The Global Compact for Safe, https://www.iom.int/resources/global-compact-safe-orderly-and-regular-migration/res/73/195 Orderly and Regular Migration is the first intergovernmental agreement covering all dimensions of international migration. It is a non-legally binding, cooperative framework that upholds the sovereignty of States and their obligations under international law.

 

 

8. Saldinger, Adva; Igoe, Michael: “We can work with him: Aid advocates react to Trump’s Rubio pick”, 14 November 2024, [‘We can work with him’: Aid advocates react to Trump’s Rubio pick | Devex https://www.devex.com/news/we-can-work-with-him-aid-advocates-react-to-trump-s-rubio-pick-108752

 

 

9. Klingebiel, Stephan; Baumann, Max-Otto: Trump 2.0. in time of political upheaval? Implications of a possible second presidency for international politics and Europe, IDOS Policy Brief, No 24/2024, [https://doi.org/10.23661/ipb24.2024].

 

 

10. Mike Pompeo, US Secretary of State, 19 June 2028 [Remarks on the UN Human Rights Council - U.S. Mission to International Organizations in Geneva https://geneva.usmission.gov/2018/06/21/remarks-on-the-un-human-rights-council/

 

 

11. Elise Stefanik cited in King, Ryan; Spector, David, New York Post, 20 November 2024, 

[ICYMI: New York Post: Elise Stefanik vows to take on ‘den of antisemitism’ and ‘apologist for Iran’ at the UN | Press Releases | Congresswoman Elise Stefanik https://stefanik.house.gov/2024/11/icymi-new-york-post-elise-stefanik-vows-to-take-on-den-of-antisemitism-and-apologist-for-iran-at-the-un ]. 

 

 

12. 2025_MandateForLeadership_CHAPTER-06.pdf https://static.project2025.org/2025_MandateForLeadership_CHAPTER-06.pdf 

 

 

13. Commission on Unalienable Rights | https://bidenhumanrightspriorities.amnestyusa.org/commission-on-unalienable-rights/ 

 

 

14. n2034430.pdf https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n20/344/30/pdf/n2034430.pdf 

 

 

15. Navarro, Peter: The case for fair trade, Project 2025, [2025_MandateForLeadership_CHAPTER-26.pdf https://static.project2025.org/2025_MandateForLeadership_CHAPTER-26.pdf ]

 

 

16. 90% of USAID funding from US Congress is earmarked and dedicated to basic sectors such as health care, education and agriculture. At the start of the Biden administration only 5% of USAID’s budget went into economic growth programs. Miolene, Elissa: How economic growth became a forgotten priority at USAID, 10 December 2024, [How economic growth became a forgotten priority at USAID | Devex https://www.devex.com/news/how-economic-growth-became-a-forgotten-priority-at-usaid-108911#:~:text=At%20the%20start%20of%20the,lack%20of%20focus%20surprised%20her. ] 

 

 

17. Primorac, Max: The Agency for International Development, Project 2025 [2025_MandateForLeadership_CHAPTER-09.pdf https://static.project2025.org/2025_MandateForLeadership_CHAPTER-09.pdf ]. 

 

 

18. [2025_MandateForLeadership_CHAPTER-09.pdf https://static.project2025.org/2025_MandateForLeadership_CHAPTER-09.pdf ]

 

 

19. Igoe, Michael: What we do and don’t know about Trump’s US aid plans, 15 November 2024, [What we do and don't know about Trump's US aid plans | Devex https://www.devex.com/news/what-we-do-and-don-t-know-about-trump-s-us-aid-plans-108719

 

 

20. Lynch, Colum: Will Trump gut UN family planning funds….again?, 31 October 2024, [Will Trump gut UN family planning funds ... again? | Devex https://www.devex.com/news/will-trump-gut-un-family-planning-funds-again-108655 ]

 

 

21. Coronavirus: what are President Trump’s charges against WHO?, BBC Fact Check, 8 July 2020, Coronavirus: What are President Trump's charges against the WHO? https://www.bbc.com/news/world-us-canada-52294623  

 

 

22. WHO | Programme Budget Web Portal https://open.who.int/2022-23/contributors/top25 

 

 

23. Lei Ravelo, Jenny: Will RFK Jr. ‘go wild’ on global health?, 4 December 2024, [Will RFK Jr. ‘go wild’ on global health? | Devex https://www.devex.com/news/will-rfk-jr-go-wild-on-global-health-108837 ].

 

 

24. Nobel laureates oppose RFK Jr.'s confirmation to HHS https://thehill.com/policy/healthcare/5031298-nobel-laureates-oppose-rfk-jr/ 

 

 

25. Fletcher, Elaine Ruth: ‘Give them some space’: WHO Director General on Trump Nomination of RFK Jr as US Health Secretary, 11 December 2024, [‘Give Them Some Space’: WHO Director General On Trump Nomination Of RFK Jr As US Health Secretary - Health Policy Watch https://healthpolicy-watch.news/give-them-some-space-who-director-general-comments-on-trump-nomination-of-rfk-jr-as-us-health-secretary/

 

 

26. Igoe, Michael: PEPFAR chief warns waning political will could hurt AIDS fight, 22 July 2024, [PEPFAR chief warns waning political will could hurt AIDS fight | Devex https://www.devex.com/news/pepfar-chief-warns-waning-political-will-could-hurt-aids-fight-107022 ]

 

 

27. The U.S. Government and the World Health Organization | KFF https://www.kff.org/coronavirus-covid-19/fact-sheet/the-u-s-government-and-the-world-health-organization/#:~:text=For%20example%2C%20in%20the%20previous%20budget%20period%20(2022%2D2023,totaled%20%2428.1%20million%20(0.4%25). 

 

 

28. Revenue by Government donor | United Nations – CEB https://unsceb.org/fs-revenue-government-donor 

 

 

29. Loewener, Franca/Cook, Justin D.: Trump re-elected. How the Trump Doctrine reshapes US multilateral engagement and global influence. 12.11.2024 [Publication - OI] https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/trump-reelected-how-the-trump-doctrine-reshapes-us-multilateral-engagement-and-global-influence/

First published in :

Konrad-Adenauer-Foundation (KAF)

바로가기
저자이미지

Andrea Ellen Ostheimer

Chef du Dialogue Multilatéral Genève.

Thanks for Reading the Journal

Unlock articles by signing up or logging in.

Become a member for unrestricted reading!