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Defense & Security

Le monde en déclin de la Russie : La guerre en Ukraine et la portée mondiale de Moscou

Le président russe Vladimir Poutine s'exprime lors de sa conférence de presse annuelle. Moscou, Russie 14.12.2023.

Image Source : Shutterstock

by Ronald H. Linden

First Published in: Feb.10,2025

Feb.24, 2025

Le président russe Vladimir Poutine a félicité Donald Trump avec prudence le jour de son investiture, puis il a eu un long échange téléphonique avec son « cher ami », le dirigeant chinois Xi Jinping.

 

 

Du point de vue de Poutine, cette démarche est logique. En effet, la Russie gagne des milliards de dollars en vendant de l'énergie à la Chine et reçoit des produits technologiques en provenance de Pékin. Mais, jusqu'il y a peu de temps encore, les échanges entre la Russie et les États-Unis se résumaient à des sanctions et de la suspicion.

 

 

Moscou espère avoir de meilleures relations avec l'actuel occupant de la Maison Blanche, qui a fait savoir qu'il souhaitait un « accord » pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

 

 

Mais les discussions quant à la résolution de ce conflit, maintenant vieux de trois ans, ne doivent pas éclipser le fait que depuis le début de l'invasion, Poutine a supervisé l'une des pires périodes de la politique étrangère russe depuis la fin de la guerre froide. 

 

 

L’unité transatlantique

 

 

La guerre en Ukraine a restreint les options de la Russie et fragilisé son rôle dans le monde.

 

 

Contrairement à l'annexion de la Crimée en 2014, l'invasion de 2022 a résulté en une unité transatlantique sans précédent, dont l'expansion de l'OTAN et des sanctions sur le commerce et la finance russes. L'année dernière, les États-Unis et l'Union européenne ont élargi leur catalogue des sanctions.

 

 

Pour la première fois, l'UE a interdit la réexportation de gaz naturel liquéfié russe et a mis fin à son soutien en faveur du projet russe de GNL dans l'Arctique.

 

 

Les échanges commerciaux entre l'UE et la Russie, y compris les importations européennes d'énergie, ne représentent plus qu'une fraction de ce qu'ils étaient avant la guerre.

 

 

 

 

 

Les deux gazoducs Nordstrom, conçus pour acheminer le gaz russe vers l'Allemagne sans passer par l'Europe de l'Est, sont paralysés et inutilisés. Les recettes provenant des ventes d'énergie représentent environ la moitié de ce qu'elles étaient il y a deux ans.

 

 


 

 

En parallèle, l'Occident a envoyé des milliards d'euros d'aide militaire et humanitaire à l'Ukraine, permettant à l’Ukraine de bien mieux résister, ce à quoi la Russie ne s’était pas préparée. Pendant ce temps, les entreprises internationales, les experts techniques et les intellectuels ont fui la Russie en masse.

 

 

Si la Russie a échappé à certaines restrictions grâce à sa « flotte fantôme » - un groupe vieillissant de pétroliers naviguant sous diverses formes administratives et techniques -, le principal sauveur du pays est désormais la Chine. Les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont augmenté de près de deux tiers depuis la fin de l'année 2021, et les États-Unis considèrent Pékin comme la principale source de technologies russes à « double usage » et d'autres technologies nécessaires pour poursuivre la guerre.

 

 

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie est passée d'une relation commerciale avec l'Occident basée sur le principe de « produits manufacturés en échange d’énergie » à une relation de vassalité avec la Chine, comme l'a qualifié un expert de la Russie.

 

 

En octobre, la Russie a accueilli une réunion des pays BRICS, qui comptent désormais 11 membres, dont les cinq membres originaux, à savoir le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud - ce qui ne compensera probablement pas les pertes géopolitiques subies ailleurs.

 

 

Des problèmes internes…

 

 

L'économie russe est profondément fragilisée par la hausse des dépenses militaires, qui représentent 40 % du budget et 25 % de l'ensemble des dépenses. Le gouvernement a désormais besoin de l'équivalent de 20 milliards de dollars par an pour payer les nouvelles recrues.

 

 

Les dirigeants russes doivent trouver un moyen de satisfaire au moins une partie de la population, mais l'inflation qui persiste et les pénuries de devises de réserve que la guerre entraîne ont rendu cette tâche plus difficile.

 

 

Sur le champ de bataille, la guerre elle-même a tué ou blessé plus de 600 000 soldats russes. Les opérations menées en 2024 ont été particulièrement meurtrières, faisant plus de 1 500 victimes russes par jour.

 

 

Le dirigeant qui s'attendait à ce que Kiev capitule en quelques jours voit maintenant le territoire russe autour de Koursk occupé, ses forces navales en mer Noire détruites et retirées, et l'un de ses propres généraux assassiné à Moscou.

 

 

Mais la plus grande humiliation est probablement le fait que cette prétendue grande puissance de 144 millions d'habitants doive recourir à l'importation de troupes nord-coréennes pour l'aider à libérer son propre pays.

 

 

... et des problèmes externes

 

 

L'engagement de Moscou dans la guerre a affecté sa capacité à influencer les événements ailleurs, même dans son propre voisinage.

 

 

Dans le Caucase, par exemple, la Russie s'est longtemps rangée du côté de l'Arménie dans la bataille qui oppose celle-ci à l'Azerbaïdjan au sujet des frontières et de la population après l'effondrement de l'Union soviétique.

 

 

Moscou a négocié des cessez-le-feu à plusieurs reprises. Mais les attaques intermittentes et les gains territoriaux de l'Azerbaïdjan se sont poursuivis malgré la présence de quelque 2 000 soldats de la paix russes envoyés pour protéger la population arménienne restante dans certaines parties du territoire contesté du Haut-Karabakh.

 

 

En septembre 2023, les forces azerbaïdjanaises ont brusquement pris le contrôle du reste du Haut-Karabakh. Plus de 100 000 Arméniens ont fui lors du plus grand épisode de nettoyage ethnique depuis la fin des guerres balkaniques. Les forces de maintien de la paix ne sont pas intervenues et se sont ensuite retirées. L'armée russe, occupée par ses campagnes meurtrières en Ukraine, n'a pas pu les soutenir ou les renforcer.

 

 

La position diplomatique et économique des Azéris s'est renforcée ces dernières années, grâce à une demande de son gaz plus élevée pour remplacer le gaz russe et grâce au soutien de la Turquie, un membre de l'OTAN.

 

 

Se sentant trahi par la Russie, le gouvernement arménien a pour la première fois tendu la main à l'Occident, qui est heureux de voir de telles ouvertures se présentaient à eux.

 

 

Une influence moindre et des amis en moins

 

 

La perte subie par la Russie dans le Caucase a été éclipsée par les dommages causés à sa position militaire et à son influence au Moyen-Orient. La Russie a soutenu le régime syrien de Bachar el-Assad contre les soulèvements du printemps arabe en 2011 et l'a sauvé par une intervention militaire directe début 2015.

 

 

Pourtant, en décembre 2024, Assad a été renversé de manière inattendue par un ensemble de groupes rebelles. Le refuge offert à Assad par Moscou était le maximum qu'elle pouvait fournir, la guerre en Ukraine limitant les capacités de la Russie.

 

 

Le retrait éventuel de la Russie de la base navale syrienne de Tartous et de la base aérienne de Khmeimim lui enlèverait des atouts qui lui ont par le passé permis de coopérer avec l'Iran, son principal partenaire stratégique dans la région.

 

 

Plus récemment, la fiabilité de la Russie en tant qu'alliée et sa réputation en tant qu'armurerie redoutable ont été mises à mal par les attaques israéliennes contre le Hezbollah et d'autres forces soutenues par l'Iran au Liban et en Syrie, et aussi contre l'Iran lui-même.

 

 

La position de la Russie en Afrique serait également compromise par la perte des bases syriennes, qui constituent des points de départ essentiels pour l'extension de la puissance russe, et par l'incapacité manifeste de Moscou à se démarquer sur le terrain dans la région du Sahel, au centre-nord de l'Afrique.

 

 

Des coups bas et des résultats décevants 

 

 

L'impasse en Ukraine et les pertes stratégiques russes en Syrie et ailleurs ont incité Moscou à recourir de plus en plus à divers autres moyens pour tenter de gagner en influence.

 

 

La désinformation, l'ingérence dans les élections et les menaces diverses ne sont pas nouvelles et font partie des actions de la Russie en Ukraine. Mais les efforts récents en Europe de l'Est n'ont pas été très fructueux. Le financement et la propagande massifs de la Russie en Roumanie, par exemple, ont permis à un candidat présidentiel anti-OTAN de remporter une courte victoire en décembre 2024, mais le gouvernement roumain s'est empressé de dénoncer ces actions et l'élection a été annulée.

 

 

La Moldavie voisine a longtemps fait l'objet de la propagande et des menaces russes, notamment lors des récentes élections présidentielles et d'un référendum sur l'inscription d'un « parcours européen » dans la constitution. Ce petit pays a entrepris de réduire sa dépendance à l'égard du gaz russe, mais reste fragmenté d’un point de vue territorial par la région sécessionniste de Transnistrie qui, jusqu'à récemment, fournissait la majeure partie de l'électricité du pays.

 

 

Malgré ces facteurs, les résultats n'ont pas été ceux que souhaitait Moscou. Lors des deux scrutins, l'électorat s'est prononcé en faveur d'une orientation européenne. Lorsque l'assemblée législative de Transnistrie, en février 2024, a demandé la protection de Moscou, elle ne l'a pas obtenue.

 

 

Lorsque la Moldavie vous fait un pied de nez, on peut dire que vous avez perdu en puissance.

 

 

Blessé mais toujours dangereux

 

 

Mais tous les récents événements n'ont pas été négatifs pour Moscou. Le contrôle de l'économie par l'État a permis de rapidement reconstruire une armée épuisée et de soutenir son industrie technologique sur le court terme. Avec l'aide de la Chine et en évitant les sanctions, des machines et de l'énergie en quantité suffisante permettent à la Russie de poursuivre la guerre en Ukraine.

 

 

L’investiture de Donald Trump devrait venir en aide à Poutine, malgré quelques signaux contradictoires. Le président américain a menacé d'imposer des droits de douane et de nouvelles sanctions, mais il a également démantelé un groupe de travail de l'ère Biden visant à punir les oligarques russes qui aident la Russie à échapper aux sanctions. À la Maison-Blanche se trouve désormais quelqu'un qui a ouvertement admiré Poutine, exprimé son scepticisme quant au soutien des États-Unis à l'Ukraine et s'est empressé d'intimider les alliés les plus proches de l'Amérique latine, du Canada et de l'Europe.

 

 

Plus important encore, l'empressement de Trump à tenir sa promesse de mettre fin à la guerre pourrait offrir au dirigeant russe un accord qu'il pourrait qualifier de « victoire ».

 

 

Pour la Russie, le monde s’est rétréci, mais cela ne l'a pas nécessairement rendue moins dangereuse; c'est peut-être même le contraire. Certains spécialistes du Kremlin affirment qu'une Russie plus isolée économiquement est moins vulnérable à la pression économique américaine. Une Russie en retrait et un Poutine accablé pourraient également opter pour des menaces et des actions encore plus téméraires - par exemple, en matière d'armes nucléaires - surtout si un revirement de situation en Ukraine mettait sa position en péril. Après tout, c'est la guerre de Poutine.

 

 

Il serait avisé de noter que le célèbre dicton « La Russie n'est jamais aussi forte qu'elle en a l'air ... ni aussi faible qu'elle en a l'air » a été reformulé de façon inquiétante par Poutine lui-même : « La Russie n'a jamais été aussi forte qu'elle ne l’a espéré et n'a jamais été aussi faible qu'on ne le pense. »

First published in :

The Conversation

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Ronald H. Linden

Professeur émérite de sciences politiques à l'Université de Pittsburgh, ancien directeur du Centre d'études européennes et directeur du Centre d'études russes et est-européennes. Directeur de recherche de Radio Free Europe au moment de la chute du mur de Berlin.

 

Boursier Fulbright-Schuman à Rome et chercheur DAAD à l'American Institute for Contemporary Germany Studies. Membre de la Transatlantic Academy au German Marshall Fund. Chercheur Fulbright, conférencier émérite Fulbright, chercheur et chercheur invité au Woodrow Wilson International Center for Scholars et chercheur principal à l'Institut pour la paix des États-Unis.

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