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Energy & Economics

Tarifs douaniers de Trump : une aubaine économique pour l'Inde

NEW DELHI, INDE - 25 février 2020 : l'épouse du président américain Donald Trump, Melania Trump, le président indien Ram Nath Kovind, le Premier ministre Narendra Modi lors d'une cérémonie au palais présidentiel

Image Source : Shutterstock

by Catherine Bros

First Published in: Apr.14,2025

Apr.21, 2025

Les droits de douane états-uniens sur les biens indiens passent de 17 % en 2023 à 26 % en 2025. Pourtant, le pays le plus peuplé du monde peut voir dans cette politique agressive des États-Unis une aubaine économique, ce pour trois raisons : sa faible intégration au marché mondial, sa politique d’autonomie stratégique « Atmanirbhar Bharat » et son positionnement d’alternative à la Chine.

 

 

Les États-Unis sont le premier client de l’Inde. Ils concentrent 19 % des exportations indiennes. L’Inde s’est considérée comme relativement épargnée par la nouvelle politique douanière américaine dévoilée le 2 avril dernier. Les droits de douane des États-Unis sur les biens indiens passeront de 17 % en 2023, à 26 % en 2025, si le président Trump n’en décale pas une nouvelle fois la prise d’effet…

 

 

Ce chiffre de 26 % est bien inférieur aux droits imposés aux autres nations du Sud-Est asiatique, qui, dans une certaine mesure, sont concurrentes de l’industrie indienne. Le Bangladesh, par exemple, se voit imposer des droits de douane à 37 %, le Vietnam 46 % et la Thaïlande 36 %. Certains secteurs clés de l’industrie indienne, comme l’industrie pharmaceutique, sont même exempts de droits supplémentaires. Cette exemption souligne l’importance stratégique des exportations de médicaments génériques de l’Inde vers les États-Unis. Une stratégie douanière à géométrie variable.

 

 

L’Inde, qui n’a pas prévu de riposter, a au contraire bon espoir de conclure un accord relativement avantageux grâce aux négociations bilatérales engagées dès février 2025, suite à la visite du premier ministre indien Narendra Modi aux États-Unis.

 

 

Réindustrialisation indienne ?

 

 

Certains voient dans cette nouvelle politique douanière une occasion pour l’Inde de se réindustrialiser, ce dont elle a grandement besoin pour le développement de son emploi. L’Inde a, au fil des ans, perdu son avantage comparatif dans certains secteurs au profit d’autres pays d’Asie du Sud et du Sud-Est comme le Bangladesh, la Thaïlande ou le Vietnam. Ces derniers font face à des droits de douane plus élevés que l’Inde, et en plus forte augmentation. De quoi susciter un regain de compétitivité pour ces industries indiennes ? Elles nécessiteraient cependant des investissements de long terme.

 

 

La stratégie industrielle indienne a préféré se concentrer sur des secteurs plus avancés technologiquement, en instaurant, au travers du Production Linkes Incentive (PLI) Scheme, des subventions à la création de capacité de production. L’objectif : diminuer sa dépendance aux importations et stimuler ses exportations dans des secteurs prioritaires. Le secteur des semi-conducteurs, par exemple, en a largement bénéficié avec l’espoir, entre autres, de faire de l’Inde un hub manufacturier pour ces produits. Elle espère attirer 27 milliards d’euros d’investissements directs étrangers (IDE). La tâche sera certainement rendue plus ardue par la politique protectionniste états-unienne.

 

 

La réindustrialisation indienne doit passer par des réformes réglementaires et des investissements dans les infrastructures. En dépit des substantiels progrès réalisés dans ces domaines, il reste à faire. Dans tous les cas, pour que la politique protectionniste des États-Unis puisse encourager le développement de l’industrie indienne, il lui faudrait être stable ; ce qui ne semble pas être l’orientation première de l’actuelle administration Trump.

 

 

Faible intégration au commerce mondial

 

 

La participation de l’Inde au commerce mondial des biens est modeste compte tenu de la taille de son économie : la part de marché de l’Inde dans les échanges mondiaux était, en 2023, de 2 %. En dépit d’une balance commerciale de plus en plus excédentaire vis-à-vis des États-Unis, l’Inde a été relativement épargnée par la hausse des droits de douane, en raison, entre autres, de la faible part des importations indiennes (3 %) dans les importations totales américaines.

 

 

Son économie, très peu intégrée dans les chaînes de valeur mondiales, sera de facto, moins durement secouée par la nouvelle politique douanière des États-Unis. Si son économie échange peu de biens avec le reste du monde, l’Inde dispose d’un avantage comparatif dans le secteur des services, qui constitue près de la moitié de ses exportations de biens et services. Or, les services sont peu concernés par les droits de douane et restent en dehors du périmètre de la nouvelle politique états-unienne.

 

 

Le protectionnisme indien : « Atmanirbhar Bharat »

 

 

Le tournant protectionniste des États-Unis peut venir renforcer la conviction du gouvernement indien du bien-fondé d’une faible intégration de son économie dans les échanges mondiaux de biens. L’économie indienne est peu ouverte et sa politique commerciale tend depuis longtemps vers le protectionnisme. Le dernier plan de politique industrielle « Atmanirbhar Bharat » (« Inde autosuffisante ») vise à la fois à la promotion des exportations, mais également à l’autonomie stratégique de l’économie indienne dans bon nombre de secteurs : pharmaceutique, solaire, électronique.

 

 

La politique industrielle indienne depuis le programme « Make in India » n’a pas cherché à créer de la croissance par les exportations, mais à attirer les capitaux étrangers pour la création sur le territoire indien de capacités de production à destination, principalement, du marché indien. Les investissements directs étrangers (IDE) ont en effet largement progressé, tout en partant d'un niveau relativement faible : ils étaient à 45,15 milliards de dollars en 2013. En 2022  ils s'élevaient à 83,6 milliards de dollars.

 

 

L’Inde plus que jamais courtisée

 

 

L’Inde renforce sa position stratégique sur la scène internationale. Son économie attirait déjà les convoitises des investisseurs, grâce à son marché potentiel de 1,4 milliard de consommateurs et son positionnement d’alternative en Asie à la Chine. Le comportement erratique de l’administration Trump rend tout partenariat avec l’Inde encore plus désirable, en particulier pour les Européens.

 

 

Nul doute que les pourparlers commerciaux pour un accord entre l’Union européenne et l’Inde, entamés en 2022 et remis sur le devant de la scène par la visite de la présidente de la Commission européenne à New Delhi en février 2025, prendront une autre dimension aux yeux des Européens. L’actuel gouvernement nationaliste indien a considérablement œuvré pour que l’Inde devienne un acteur pivot dans la communauté internationale. Ce rôle de premier plan sur la scène internationale constitue un atout électoral significatif qui devrait renforcer l’influence de Narendra Modi au sein du pays.

First published in :

The Conversation

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Catherine Bros

Catherine Bros est économiste du développement, spécialiste de l’Inde. Ses recherches portent sur les questions d’identité sociale, de conflit et de participation à la vie politique ainsi que sur le marché du travail.

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