Diplomacy
Perspectives politiques (6) : Déterminants de la position égyptienne sur l'opération al-Aqsa et l'agression israélienne sur la bande de Gaza
Image Source : Shutterstock
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First Published in: Mar.28,2024
May.27, 2024
Un récent sondage d'opinion mené par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR), publié le 20 mars 2024, a révélé que seulement 12 % des Palestiniens étaient satisfaits de la position adoptée par l'Égypte lors de l'Opération Al-Aqsa Flood. Ces résultats mettent en lumière que la gestion de la situation par l'Égypte a affaibli son influence dans la question palestinienne et a nui à son image, à son statut et à son rôle régional.
Les facteurs déterminants de la position officielle de l'Égypte
La position égyptienne sur l'Opération Al-Aqsa Flood a été façonnée par divers facteurs déterminants et influents, parmi lesquels les principaux sont les suivants :
1. Le désir de maintenir le rôle central de l'Égypte dans la question palestinienne, a été motivé par son importance dans le renforcement de sa position régionale et dans la promotion des liens avec les États-Unis. Au cours des dernières décennies, l'Égypte a cherché à monopoliser l'influence dans les affaires palestiniennes, contrecarrant ainsi la croissance des concurrents arabes ou régionaux. Cette ambition s'étend en particulier à la gestion des efforts de médiation entre la résistance palestinienne et Israël, ainsi qu'à la facilitation de la réconciliation palestinienne.
2. Les accords de Camp David ont eu des retombées positives importantes, favorisant des relations politiques, économiques et sécuritaires approfondies avec Israël. Ces liens se sont notamment renforcés sous le mandat du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi.
3. Les préoccupations en matière de sécurité découlent de la crainte d'une éventuelle montée des mouvements populaires favorables à la résistance palestinienne, tant en Égypte que dans l'ensemble de la région arabe. Il existe une appréhension quant à la possibilité de raviver le printemps arabe et d'intensifier les manifestations, alimentée par l'inspiration tirée de l'opération "Flood al-Aqsa" et par le désir de contester le projet sioniste. Cette inquiétude est exacerbée par le sentiment de colère face aux atrocités israéliennes dans la bande de Gaza et par le mécontentement grandissant envers les régimes arabes, perçus comme ayant négligé leur devoir envers la Palestine ou ayant échoué dans leur gestion interne des affaires publiques.
4. Des inquiétudes subsistent quant à l'impact politique et sécuritaire majeur qu'entraînerait un éventuel déplacement massif de Palestiniens de la bande de Gaza vers le territoire égyptien. Cela pourrait entraîner l'Égypte dans un conflit avec Israël, menacer les accords de Camp David et perturber la stabilité des relations israélo-égyptiennes.
5. Au sein du gouvernement égyptien, des réserves idéologiques persistent concernant l'orientation islamique de la résistance palestinienne, notamment en raison des tensions avec le mouvement égyptien des Frères musulmans (MB) et d'un scepticisme plus général à l'égard des mouvements islamiques dans la région. Les responsables égyptiens, ainsi que de nombreux acteurs régionaux, semblent hésiter à reconnaître la victoire de la résistance palestinienne dans l'opération "déluge d'al-Aqsa", craignant des effets potentiellement déstabilisateurs sur la dynamique interne de l'Égypte et sur la présence des mouvements islamiques dans la région.
6. La position officielle de l'Égypte dans le paysage palestinien se caractérise par un alignement fort sur l'Autorité palestinienne (AP) et ses objectifs politiques. Bien que l'Égypte maintienne des relations prudentes et défavorables avec le Hamas, elle montre des réserves à l'égard de ses efforts de résistance et de son inclination à maintenir une position indépendante et une autonomie politique dans la gestion des relations avec l'Égypte et d'autres entités arabes et régionales.
7. L'économie égyptienne fait face à une crise sans précédent, marquée par une dépréciation significative de la livre égyptienne par rapport au dollar américain. Cette situation a nécessité une intervention étrangère d'urgence pour stabiliser l'économie. En réponse, le 23 février 2023, l'Égypte a conclu un accord de 35 milliards de dollars avec les Émirats arabes unis pour le projet de développement de Ras al-Hekma. De plus, l'Union européenne a annoncé un programme de soutien financier massif à l'Égypte, d'une valeur de 7,4 milliards d'euros pour la période 2024-2027, comprenant notamment 2 milliards de dollars de financement d'urgence à être débloqués en 2024.
8. Sur le plan géopolitique, le contrôle exercé par l'Égypte sur le point de passage de Rafah, unique accès terrestre de la bande de Gaza au monde extérieur, revêt une importance capitale. Ce contrôle constitue un puissant levier de pression à la fois sur les factions de résistance de Gaza et sur sa population, contribuant au maintien du siège de la bande de Gaza depuis 2007. Au cours de l'opération "Déluge d'al-Aqsa", ce contrôle a suscité des accusations à l'encontre de l'Égypte, l'accusant de complicité dans le siège, aggravant ainsi les souffrances et les pénuries, tandis que l'agression israélienne visait la population et la résistance de la bande de Gaza.
Les facettes de la position officielle de l'Égypte sur l'opération al-Aqsa Flood
L'analyse des actions de l'Égypte lors de l'opération "Déluge d'Al-Aqsa" met en lumière plusieurs aspects :
1. Sur le plan politique, l'Égypte a souscrit aux résolutions du sommet conjoint arabe et islamique tenu à Riyad le 11 novembre 2023, appelant à la fin de l'agression israélienne contre la bande de Gaza et à la facilitation de l'entrée de l'aide humanitaire. Toutefois, ces résolutions n'ont pas précisé les mécanismes de suivi de leur mise en œuvre.
2. L'Égypte a décidé de fermer le point de passage de Rafah et s'est alignée sur la position d'Israël qui refuse le transit de l'aide vers Gaza, malgré le fait que ce point de passage relève de la juridiction égypto-palestinienne et que les autorités israéliennes n'ont pas de compétence dessus. Cette décision remet directement en question la souveraineté de l'Égypte, car le contrôle effectif du point de passage a été transféré à Israël, lui conférant ainsi une autorité exclusive sur les mouvements et l'aide humanitaire entrant dans la région. L'Égypte craint également que l'établissement par les États-Unis d'un port maritime pour l'aide à Gaza ne réduise son influence et son contrôle sur le point de passage de Rafah.
3. Les autorités égyptiennes ont exercé des pressions sur les mouvements de résistance palestiniens pour qu'ils acceptent les accords d'échange de prisonniers avec Israël, en favorisant une médiation égyptienne exclusive et en cherchant à marginaliser d'autres efforts de médiation, en particulier ceux du Qatar. Malgré la volonté de l'Égypte de monopoliser la médiation, le Qatar a réussi à s'imposer comme un médiateur privilégié, notamment aux yeux des États-Unis.
4. L'Égypte s'est fermement opposée aux plans israéliens visant à transférer les résidents de la bande de Gaza vers le territoire égyptien, en renforçant les mesures de sécurité au point de passage de Rafah. Diaa Rashwan, président du Service d'information de l'État égyptien, a souligné le 16 février 2024 que ce déplacement représentait "une menace directe pour la souveraineté égyptienne et la sécurité nationale".
5. Au cours des premiers jours, les autorités égyptiennes ont autorisé certaines manifestations populaires condamnant l'offensive israélienne contre la bande de Gaza. Cependant, elles ont ensuite mis en place des mesures strictes pour limiter les manifestations publiques en faveur des Palestiniens, entraînant un mutisme notable dans les rues égyptiennes. Cette répression contraste avec les réactions précédentes du public égyptien à des événements de moindre importance concernant la question palestinienne.
Conclusion
Les développements politiques et sur le terrain de l'opération al-Aqsa Flood ont sérieusement écorné le rôle et la position de l'Égypte dans le dossier palestinien, tout en influant sur sa dynamique régionale. Des allégations ont surgi, mettant en cause une éventuelle coopération de l'Égypte avec Israël dans le renforcement du siège de la bande de Gaza. Pourtant, il n'y a que peu de signes indiquant un changement significatif dans la position ou les stratégies politiques de l'Égypte face au conflit en cours.
Sur le plan politique, il est probable que l'Égypte maintienne son adhésion à la position officielle arabe et islamique établie, sur laquelle elle exerce une influence significative. L'Égypte devrait également maintenir ses politiques actuelles, notamment la fermeture du point de passage de Rafah et le fait de lier l'entrée de l'aide à l'approbation d'Israël. En ce qui concerne son engagement avec les groupes de résistance palestiniens, tels que le Hamas et le Jihad islamique (PIJ), il est probable que les autorités égyptiennes adoptent une position prudente et conservatrice. Enfin, il semble peu probable que l'Égypte assouplisse sa position concernant l'organisation d'événements publics en soutien à la résistance ou la condamnation de l'agression israélienne contre la bande de Gaza.
(6) Aperçus politiques : Une série périodique offrant des analyses politiques succinctes et concises ainsi que des évaluations de position, émises par le Centre d'études et de consultations Al-Zaytouna.
Les opinions exprimées appartiennent aux auteurs et ne représentent pas nécessairement celles du Centre Al-Zaytouna.
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Journaliste et auteur jordanien d'origine palestinienne, rédacteur en chef du journal Assabeel et expert des affaires politiques et stratégiques palestiniennes et jordaniennes. Il a publié des dizaines d'articles, d'analyses politiques, d'évaluations de situation et de documents. En outre, il est fréquemment animé par des chaînes de télévision et de radio. Il participe également à de nombreuses activités du Centre al-Zaytouna et contribue à la rédaction d’évaluations stratégiques.
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