Défense et Sécurité
Provoquer l’ours : La voie risquée face à l'agression russe
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Défense et Sécurité
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First Published in: May.22,2024
Jul.01, 2024
Selon l'UE, la Russie a établi plusieurs lignes rouges, mais les a laissées être franchi sans même réagir. Par conséquent, faire monter progressivement la température pourrait s'avérer être une bonne stratégie...
Alors que, durant les deux premières années de la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine, la responsabilité du bellicisme était presque également partagée entre les États-Unis et le Royaume-Uni, elle est plus récemment attribuée à Macron.
Les raisons sont diverses, allant des défis majeurs auxquels la France est actuellement confrontée, celui de profiter de la crise allemande pour assumer le leadership européen, en passant par le manque d'envergure politique de son président.
Mais la raison fondamentale est que les dirigeants européens, quasiment à l'unanimité, se sont résignés à assumer la tâche laissée par les États-Unis : supporter le fardeau du conflit à l'Est et soutenir Kiev jusqu'au dernier Ukrainien, s'il le faut.
Par ailleurs, dans ce contexte, les raisons qui ont convaincu les Européens qu'ils ne pouvaient échapper à cette tâche sont multiples. Ce qui importe réellement, c'est de comprendre comment quand ils pensent pouvoir y parvenir, et si cela est réalisable ou non.
À en juger par l'intensification des déclarations interventionnistes, il semble que l'échéance ne soit pas si éloignée. Il se pourrait que dans les bureaux européens soit envisagé de lancer une phase opérationnelle au moins après les élections américaines. Cela permettrait d'avoir une idée plus claire des orientations de la Maison Blanche et du calendrier de ses annonces publiques.
En même temps, l'évolution du champ de bataille ne semble pas très compatible avec ces prévisions optimistes : l'arrivée du beau temps a déjà redynamisé l'initiative russe sur toute la ligne de front, et les insuffisances structurelles de l'armée ukrainienne sont flagrantes. Les événements pourraient donc s'accélérer.
Quant au comment, il paraît assez clair que l'idée est de faire sortir l'ours russe de ses gonds comme la grenouille proverbiale. Pas à pas, en comptant sur la volonté de Moscou d'éviter une surenchère, ils finiront par laisser les choses se dérouler sans fermes réactions.
En conclusion, on estime que la Russie a établi plusieurs lignes rouges, mais qu’elle les a laissées être franchi sans même réagir. Par conséquent, faire monter progressivement la température pourrait s'avérer être une bonne stratégie.
En outre, le discours public (le discours utilisé pour préparer l'opinion publique) est un mélange d'absurdités et de demi-vérités, mais en le lisant attentivement, le projet devient plus clair.
Macron bombe le torse et fait des déclarations agressives, puis entre les demandes ukrainiennes et la préparation européenne, le schéma se dessine. On commence par former les Ukrainiens en Ukraine (150 000 hommes...) pour qu'ils soient plus proches (et plus préparés) du front. [1] Après tout, les pays de l'OTAN les forment depuis des années, seul le lieu change. On imagine qu'un tel départ serait plus acceptable pour les citoyens européens, et qu'après tout Moscou ne réagirait pas au-delà de "vives protestations". On verra à partir de là.
Il est clair que le côté négatif est de pouvoir créer un plan selon son propre schéma.
Tout d'abord, la théorie est que la Russie se comporte exactement comme prévu à Bruxelles, ce qui n'est pas du tout le cas. Comme toujours, borné dans leurs popres idées, les dirigeants européens n'écoutent pas, et même si c’était le cas, ils ne comprennent pas. En effet, nous sommes au-delà des déclarations assez réservées de Medvedev ; quand un diplomate comme Lavrov dit clairement que si les Européens veulent la guerre, ils sont prêts, il ne faut pas le prendre à la légère. De plus, lorsque Monti déclare à son tour que "pour construire l'Europe", il faut verser du sang, il est tout simplement plus sincère et plus pragmatique que Macron.
Le problème, bien sûr, c'est qu'un plan trop sur la retenue risque tout simplement de déboucher sur une série de mesures inutiles. Les problèmes critiques de l'armée ukrainienne sont essentiellement dus à trois raisons : au manque de munitions d'artillerie, de personnel et de systèmes antimissiles et antiaériens.
En ce qui concerne la première, les Européens sont incapables d'y remédier. Même si la production industrielle russe n'augmentait pas (comme c'est le cas) et restait à son niveau actuel, les Européens mettraient des années et des années à l'égaler.
Quant au second problème, les difficultés à le résoudre seraient similaires. L'envoi de 20 à 30 000 hommes n'aurait pas d'impact décisif. Tout d'abord, il s'agirait d'hommes n'ayant aucune expérience réelle du combat, et encore moins d'une guerre d'usure comme celle qui se déroule actuellement. Le soutien logistique serait très compliqué, car l'arrière devrait être situé en Pologne et/ou en Roumanie, à un millier de kilomètres du front. Et de toute façon, même un tel chiffre équivaudrait à 5 000-6 000 hommes au combat, cela est sans importance. Il faudrait envoyer au moins 200 ou 300 000 hommes, soit la quasi-totalité de la force européenne de l'OTAN, pour avoir un impact.
Les Européens pourraient transférer la quasi-totalité de leurs systèmes de défense antimissile/antiaérienne, laissant leurs pays respectifs presque sans défense. Cependant, cela aurait également un impact limité dans le temps : les Russes exploiteraient les grandes quantités dont ils disposent pour saturer les défenses et détruire les batteries les unes après les autres (comme l'Iran l'a fait avec Israël).
La seule chose qui pourrait introduire un élément de rupture serait l'intervention de l'armée de l'air. Des chasseurs-bombardiers européens décollant d'aérodromes situés en dehors de l'Ukraine et frappant les zones arrière russes. Mais cela amènerait inévitablement la guerre sur le sol européen, car il est clair qu'à ce moment-là, les Russes frapperaient les bases aériennes de départ avec leurs missiles balistiques et hypersoniques. Il en irait de même si les capacités de défense antimissile des pays voisins étaient utilisées.
En outre, si ce niveau d'intervention devait poser des problèmes aux forces armées russes, il est pratiquement certain que Moscou aurait alors recours à des armes nucléaires tactiques. Car pour la Russie, le risque d'une défaite dans cette guerre équivaut à une menace existentielle. Et c'est là que Macron entre à nouveau en jeu, en promettant audacieusement la protection nucléaire française, la "force de frappe".
Malheureusement, la comparaison avec la Fédération de Russie est impitoyable, et la quantité d'armes nucléaires françaises (ainsi que les porte-avions pour les acheminer vers la cible) est ridiculement plus faible. La France peut tout au mieux offrir un abri à l’image des petits parapluies qui décorent nos cocktails, tandis que Moscou transformerait Paris en véritable milk-shake.
Par conséquent, la stratégie européenne consistant à vouloir provoquer l'ours russe ne peut pas fonctionner. La lenteur risque tout simplement de leur coûter très cher (en termes de pertes, de blessés, de systèmes d'armes détruits, etc.).
D'autre part, une accélération, en engageant rapidement une force significative au combat, équivaut pratiquement à plonger l'Europe dans un conflit prolongé, sans parvenir non plus à changer les termes de l'équation.
Sans une intervention directe des États-Unis, les pays européens sont absolument incapables, à eux seuls, de faire face à la Russie de manière significative [2]. Mais l'engagement direct est exactement ce que Washington compte éviter. Ils sont tout à fait conscients qu'une fois arrivé sur le terrain, il n'y a pas de retour en arrière possible, et que la guerre vous entraîne de plus en plus. C'est une leçon qu'ils ont bien apprise au Viêt Nam et qu'ils n'ont jamais oubliée.
C'est pourquoi le combat continue de se présenter comme un pari. C'est comme si vous aviez beaucoup moins de jetons que votre adversaire et que vous misiez tout sans même avoir une paire de deux dans votre main.
Dans tout cela, bien sûr, nous n'avons pas pris en compte le fait qu'il n'y a pas de point de vue unifié (au-delà de la façade) entre les différentes capitales européennes. Il est probable que certains pays (pas seulement la Hongrie ou la Slovaquie, mais aussi l'Allemagne et l'Italie…) espèrent secrètement un effondrement immédiat de l'armée ukrainienne, afin de rendre impossible, toute hypothèse de déploiement de leurs propres forces.
Bien que le scénario brièvement décrit soit très réaliste, il est clair que certains pensent que les Européens auraient une excellente opportunité dans une confrontation avec la Russie. Le fait que des dirigeants politiques croient cela possible, bien que dangereusement décourageant, est également plausible. Le pire, c'est que cette idée est soutenue par des commandants militaires de haut rang de l'OTAN, dont l'opinion ne peut manquer d'influencer les décisions politiques. Et un certain nombre de généraux, français, allemands et d'autres pays, semblent convaincus qu'ils peuvent gagner la partie (ou peut-être rêvent-ils simplement d'un moment de gloire, après une vie passée derrière un bureau ou à jouer à des jeux de guerre).[3]
Il est certain que ce qui se passe sur l'échiquier européen dépend aussi de ce qui se passe ailleurs, car il s'agit d'un jeu mondial où tout est interconnecté. Le problème est que les dirigeants européens manquent non seulement de pouvoir de décision, ne serait-ce que de façon marginale, sur cette dimension, mais aussi d'une vision globale. La vraie, bien sûr, pas celle qui apparaît dans les journaux.
Les mois à venir seront donc lourds de conséquences pour les Européens, mais l’extérieur se servira d’eux comme des pions, dans leurs mouvements, tandis que les effets se feront presque entièrement à nos dépens.
Il est clair que l'intérêt des États-Unis est de pousser les Européens, mais pas l'OTAN, à assumer les risques et les charges du conflit, que Washington souhaiterait prolonger indéfiniment.[4]
Le manque de leadership est un autre facteur de risque, en plus du reste. Dans ce contexte, on peut voir que ces dirigeants ont tendance à se recroqueviller comme un hérisson . Il sont conscients de leur propre faiblesse, face à l'ennemi qu'ils affrontent que face à leurs propres citoyens qui ne veulent pas mourir pour Kiev (ni même pour Washington). Ils se dirigent de plus en plus vers la militarisation de l'espace public, la restriction des espaces démocratiques et un virage autoritaire.
Ils font la guerre à la discorde de leurs citoyens aujourd'hui pour pouvoir faire la guerre à la Russie demain.
Et si les peuples européens perdent cette guerre, ils seront entraînés dans une autre, dont la défaite pourrait entraîner l'extinction de la civilisation européenne telle que nous l'avons connue.
Notes:
[1] Selon le New York Times, en raison de la pénurie de troupes, le gouvernement de Kiev a demandé aux États-Unis et à l'OTAN de contribuer à la formation de 150 000 nouvelles recrues en Ukraine afin qu'elles puissent être déployées plus rapidement sur les lignes de front. Il s'agit évidemment d'une gigantesque absurdité. Toutefois, ces camps d'entraînement devraient être situés aussi loin que possible des lignes de front afin de minimiser le risque d'être pris pour cible (les grandes concentrations de troupes sont évidemment une cible attrayante), et ils nécessiteraient une protection adéquate contre les attaques aériennes ; les risques et les efforts logistiques dépasseraient de loin l'avantage minime d'avoir des recrues en formation un peu plus près de la ligne de bataille. Il s'agit manifestement d'un stratagème visant à amener le personnel militaire de l'OTAN sur le terrain.
[2] Une étude réalisée par le journal britannique The Daily Mail a établi qu'en cas de conflit ouvert entre l'OTAN et la Russie, les forces de l'OTAN ne seraient pas suffisantes. Bien que la force de l'Alliance atlantique semble supérieure en termes numériques, cette supériorité est essentiellement due aux forces armées des États-Unis, sans lesquelles elle se détériore considérablement. En outre, l'étude ne tient pas compte, même de façon marginale, de facteurs tels que la production industrielle, l'expérience, la capacité de combat, etc.
[3] Selon le commandant des forces armées combinées de l'Alliance en Europe, le général Christopher Cavoli (États-Unis), les forces armées russes "manquent de compétences et de capacités pour opérer à l'échelle nécessaire pour exploiter toute avancée afin d'obtenir un avantage stratégique".
[4] À cet égard, un magazine américain réputé comme "Foreign Affairs" a explicitement indiqué cette direction, et ce n'est certainement pas un hasard. Ils devraient sérieusement envisager de déployer des troupes en Ukraine pour fournir un soutien logistique et une formation, pour protéger les frontières et les infrastructures critiques de l'Ukraine, ou même pour défendre les villes ukrainiennes. Ils doivent faire comprendre à la Russie que l'Europe est prête à protéger la souveraineté territoriale de l'Ukraine". Après avoir écarté l'idée que cela pourrait conduire à la Troisième Guerre mondiale, les auteurs suggèrent astucieusement qu'"une mission strictement non combattante serait plus facile à vendre dans la plupart des capitales européennes". Cependant, ils soulignent immédiatement que "l'Europe devrait envisager une mission de combat directe pour aider à protéger le territoire ukrainien". En effet, "puisque les forces européennes opéreraient en dehors du cadre et du territoire de l'OTAN, les pertes éventuelles ne déclencheraient pas de réponse au titre de l'article 5 et n'impliqueraient pas les Etats-Unis". Et pour rassurer les dirigeants européens - à qui le message est clairement destiné - ils ajoutent : "A un certain moment, les dirigeants européens doivent ignorer les menaces de Poutine, car elles ne sont rien d'autre que de la propagande".
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Directeur artistique du Festival Magmart.
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