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Terrorisme en République centrafricaine : l'État, une mosaïque de fragilité et d'anomalies
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First Published in: Nov.04,2024
Dec.20, 2024
Introduction
Le terrorisme est devenu un problème fondamental à gérer pour les individus, les groupes et les États dans différentes parties du monde. Le terrorisme, ne cessant de croître, a fait des terroristes des acteurs importants de la politique nationale et des relations internationales. Le monde contemporain enregistre l'influence croissante des terroristes. Cela s'est avéré vrai dans les relations qu’entretiennent Israël, la Palestine, le Liban, l'Iran et d'autres pays du Moyen-Orient les uns avec les autres. Mais, ironiquement, l'effet multiplicateur se manifeste par des protestations et débats politiques qui ont lieu dans des universités américaines et par le transport de marchandises à travers la mer Rouge et l'océan Indien.
Des études sur le terrorisme ont établi un lien entre le recours croissant à la terreur par des groupes organisés et des États avec des facteurs ethniques, idéologiques, politiques et religieux (Schmid, Citation1998 ; Shultz, Citation1978). Le discours sur le terrorisme est essentiellement à motivation religieuse, et bien que controversé et problématique, est devenu particulièrement prévalent après la montée de l'État islamique de l'Irak et de la Syrie (ISIS), Al-Qaïda et Boko-Haram (Jackson, Citation 2012, p. 1). Elu et Price (Citation 2014) ont fait le lien entre le terrorisme en Afrique et les privations. Cilliers (Citation 2001) soutient que les causes profondes du terrorisme et des conflits en Afrique comprennent le changement climatique, la concurrence pour les ressources, la marginalisation de la majorité et le militarisme mondial. Néanmoins, des études analytiques cruciales sur le terrorisme ont montré qu'au-delà de l'utilisation de la terreur par des groupes organisés pour des raisons religieuses et idéologiques, l'État utilise également le terrorisme pour atteindre ses objectifs politiques, en particulier contre les groupes d'opposition (Lacqueur, Citation2001 ; Jackson et al., 2015).
Cette étude contribue aux recherches academiques traitant de la façon dont la défaillance de l'État et la faiblesse des institutions politiques fournissent un catalyseur qui cristallise l'utilisation du terrorisme par des groupes religieux et organisés en exigent des avantages politiques et la contestation du pouvoir. Okereke et al. (Citation 2016) identifient la fragilité des États, les frontières poreuses, les conflits armés et les espaces non gouvernés comme des facteurs propices au terrorisme en Afrique. Bien que l'étude d'Okereke et al. (Citation 2016) soit conforme à la position de cette étude, l’emphase est mise sur la nature unique du terrorisme en RCA. C'est cette nature fragile de l'État qui a affaibli la capacité de ce dernier en RCA à fournir les conditions sociétales nécessaires, et les ressources, équipements sociaux et développements qui sont essentielles pour freiner ou éliminer le terrorisme. Par exemple, l'incapacité de l'État à fournir et à financer une éducation durable et fonctionnelle a engendré une société où les citoyens peuvent facilement subir un lavage de cerveau et rejoindre des sectes terroristes.
Là encore, la fragilité de l'État centrafricain a également compromis sa capacité à créer des emplois durables et une économie dynamique dans laquelle un plus grand nombre de citoyens pourraient s'engager dans des petites et moyennes entreprises ou dans des activités économiques majeures qui les priveraient de l'oisiveté qui les pousse aujourd’hui à s'adonner à des activités terroristes. Le role que jouent les facteurs ethniques, identitaires et idéologiques dans la conduite du terrorisme ne peut être négligée en RCA. En effet, c'est la fusion entre la fragilité de l'État et la nature avancée de l'ethnicité qui a conduit le pays à un terrorisme généralisé plutôt qu'à une simple crise ethnique. Ce qui a ainsi donne lieu a l'absurdité qu’est le fait que les tensions ethniques soient devenues un moteur du terrorisme. Le lien entre l'économie, l'éducation et le terrorisme est très étroit. En bref, lorsque ces trois facteurs sont faibles dans un environnement atypique comme la RCA et qu'ils s'enflamment avec le fondamentalisme religieux, le terrorisme prend alors a son tour feu sous une forme très meurtrière. Le même facteur a joué un rôle actif dans la mobilisation des hommes et des femmes qui ont rejoint la secte terroriste Boko Haram au Nigeria (Ani kelechi et al., Citation 2018). En effet, l'étymologie du mot Boko Haram émane de l'idée traditionnelle hausa de l'ère coloniale, qui conceptualise et projette l'éducation occidentale (Boko) comme un péché (Haram). Ainsi, les masses non éduquées du nord-est du Nigeria ne souhaitaient pas poursuivre leurs études dans le but de rejoindre une secte qui luttait pour une idéologie jusqu'alors historique (Kukah, Citation 2009). La position de Kukah (Citation 2009) a également été reprise par Zenn et al. (Citation 2013), qui ont également lié les griefs locaux à l'idéologie (qui était dominante en RCA) et à la politique interne du Nigeria en développant l'étude sur le terrorisme. Il convient de noter que le concept de terrorisme a évolué et que sa signification précise reste controversée et exacerbée (Adibe, Citation 2020 ; Ramsay, Citation 2015).
Puccetti (Citation2021) a soutenu que les États défaillants créent des conditions propices au terrorisme. Toutefois, il soutient que tous les États défaillants ne connaissent pas l'émergence du terrorisme. Gaibulloev et al. (citation 2024) ont étudié la manière dont des groupes terroristes survivent dans des États défaillants. Ils soutiennent que dans un État défaillant, les groupes terroristes survivent facilement. Toutefois, ces études n'ont pas particulièrement axé leur analyse sur la République centrafricaine. La faiblesse structurelle et l'échec de l'État sont restés les principaux moteurs du terrorisme en République centrafricaine. L'objectif central de l'étude est d'évaluer la place de la fragilité et de l'anormalité de l'État dans le développement du terrorisme en République centrafricaine. La question clé de la recherche est la suivante : dans quelle mesure le terrorisme en République centrafricaine est-il le fruit de la fragilité et de l'anormalité de l'État ?
La situation en République centrafricaine (RCA) met en lumière une nouvelle dimension de la motivation des groupes organisés à user du terrorisme. La RCA est l'un des États africains les plus viables d’un point de vue économique, mais elle se situe régulièrement au bas des indices de développement mondiaux (Banque mondiale, 2020 : Boas, Citation 2014). Le développement économique et politique du pays reste, au mieux, un paradoxe car le taux de pauvreté, l'inégalité et le sous-développement du pays ne sont pas en corrélation avec les riches ressources naturelles et humaines du pays. Avec un taux de chômage élevé, la pauvreté, le terrorisme, l'insurrection, la piraterie maritime, les trafics, l'insécurité croissante et le retard des réformes et de l'intégration économique et politique, la RCA est un exemple d'État anormal et fragile en Afrique. L'absence d'un dispositif de sécurité permanent signifie que l'État n'a pas le monopole de la force et de la sécurité nationales. En raison de la faiblesse des institutions politiques, la contestation du pouvoir de l'État et le changement de régime dépendent de la capacité d'un « groupe à exercer un degré de terreur plus élevé » (Crescent, 2018, p. 8). C'est cet environnement politique, économique et sécuritaire défaillant qui déclenche la prolifération du terrorisme en RCA.
L'étude a été élaborée à partir de données secondaires provenant de revues journalistiques et d'ouvrages. L'analyse des précédents chercheurs a été utilisée pour enrichir le contenu de l'étude. Cet article est important parce qu'il rompt avec l'explication simpliste du terrorisme en RCA en tant que simple phénomène religieux et idéologique. Il s'interroge sur la manière dont une population appauvrie peut posséder les capacités nécessaires au terrorisme et contribue à l'argument d’un terrorisme qui serait parrainé par l'État. Le document soutient que les insuffisances des institutions de l'État, une économie médiocre et un dispositif de sécurité en déroute permettent à une population appauvrie d'utiliser le terrorisme pour exiger la responsabilité politique du gouvernement et un changement. L'argumentation du document est structurée en deux parties. La première partie donne une vue d'ensemble de la RCA, clarifie et analyse les concepts de terrorisme, de fragilité de l'État et d'anormalité, et la deuxième partie s’interesse aux liens entre le terrorisme, la fragilité de l'État et l'anormalité en RCA, avant de conclure.
Clarification conceptuelle du terrorisme
Il n'existe pas de définition précise pour le concept de terrorisme. L'utilisation variable du concept par les universitaires, les décideurs politiques et les experts dans le but de créer l'effet politique désiré, la tentative de déterminer ce qui correspond ou non au terrorisme et les efforts pour distinguer le terrorisme d'autres formes de violence politique rendent le concept difficile à définir (Shimid, 1998, Weinberg et al., Citation 2004). En tant que « concept » contesté, le terrorisme a fait l'objet de diverses définitions. Lacqueur (Citation 1999) a soutenu qu'il y a eu une transformation radicale, voire une révolution dans le caractère du terrorisme. Le nouveau terroriste représente une menace très différente et potentiellement beaucoup plus mortelle que les groupes terroristes traditionnels bien connus (Hoffman, Citation 1999). Le terrorisme consiste à manipuler la peur pour atteindre des objectifs précis. Traditionnellement, les terroristes visent l'assassinat de grandes figures politiques pour déclencher des réactions massives, comme l'assassinat de l'archiduc Ferdinand.
Cependant, pendant la colonisation de l’Afrique, les administrateurs impériaux accusaient de plus en plus les Africains qui contestaient leur régime d'exploitation d'être des terroristes. Ce fut le cas de Nelson Mandela en Afrique du Sud et du mouvement zikiste au Nigeria, parmi d'autres mouvements nationalistes qui utilisaient des idéologies radicales en vue de la décolonisation. Toutefois, la réalité est que le terrorisme et les terroristes changent de forme, de portée et de dynamique. Ils sont plus organisés, plus stratégiques, et se concentrent sur les dommages et les menaces à l'encontre des individus, des groupes et des États. Alors que plusieurs chercheurs présentent les terroristes comme des hommes et des femmes irrationnels dans leurs décisions, la réalité est que les terroristes sont radicalisés pour manipuler rationnellement la peur et la violence afin d'atteindre certains objectifs fixés par les protagonistes de l'assaut terroriste (Ani & Uwizeyimana, Citation 2021). La complexité de la conceptualisation du terrorisme en RCA et dans de nombreuses régions d'Afrique comme le Nigeria a poussé Ramsay (Citation 2015) à affirmer que le terrorisme ne devrait pas être défini. Okereke et al. (Citation 2016) identifient la fragilité des Etats, les frontières poreuses, les conflits armés et les espaces non gouvernés comme des facilitateurs du terrorisme en Afrique. Néanmoins, Alex Schmid a donné une définition populaire du concept. Selon lui, le terrorisme est une méthode anxiogène de violences répétées employée par des individus, des groupes ou des États (semi-) clandestins pour des raisons idiosyncrasiques, criminelles ou politiques, où - contrairement à l'assassinat - les cibles directes de la violence ne sont pas les cibles principales (Schmid, 1988, p. 28).
De plus, la définition ci-dessus reflète la perspective orthodoxe du terrorisme en tant qu'acte commis par des acteurs étatiques et non étatiques. Néanmoins, la définition suit l'explication traditionnelle selon laquelle le terrorisme est motivé par des raisons idéologiques, religieuses et politiques. Elle souligne que la faiblesse des institutions politiques et économiques d'un État peut permettre le recours au terrorisme pour exiger le développement social et économique et des réformes de la part de certains groupes (Ani & Osisioma, Citation 2014). Ces utilisations du terrorisme ont souvent une cible bien définie. Dans de telles situations, l'utilisation persistante du terrorisme est favorisée par la faiblesse des structures politiques et économiques et vise à contraindre le gouvernement à améliorer la vie économique et sociale de la population (Ani & Chukwu, Citation 2014 ; Anikelechi et al., Citation 2018). De son côté, le gouvernement a recours au terrorisme en l'absence d'institutions de sécurité publiques fortes pour les opérations de lutte contre le terrorisme (Ani & Uzodike, Citation 2015). De même, l'absence d'une institution politique et d’une sécurité publique fortes permet le parrainage du terrorisme par des acteurs extérieurs pour leurs intérêts économiques (Mutambara et al., Citation 2022).
On trouve des preuves de ce type de terrorisme en République centrafricaine, où des groupes religieux forment une coalition et utilisent le terrorisme pour exiger des avantages économiques et politiques de la part du gouvernement. La section suivante de l'essai conceptualisera la fragilité et l'anormalité de l'État en tant que moteur du terrorisme en Afrique centrale. La faiblesse de l'État crée donc un environnement durable pour le terrorisme. Lorsque l'État est faible et que ses rouages ne peuvent pas atteindre les objectifs qu'il s'est fixés, à savoir répondre aux besoins des masses et garantir la sécurité des personnes et des biens, cela crée naturellement une lacune qui se manifeste dans ce que l'on appelle généralement les espaces non gouvernés. Il s'agit d'un ensemble de zones qui ne sont pas sous le contrôle actif de l'État, qui subissent un contrôle partiel de l'État ou qui ont une présence relativement faible de l'État de droit (Bernard & Daful, Citation 2021 ; Gov.UK, n.d.). C'est cette relation de cause à effet entre la nature de l'État en République centrafricaine et la montée du terrorisme qui a aggravé les conditions de sécurité des vies et des biens dans le pays. Ces espaces non gouvernés sont en outre occupés directement et indirectement par des acteurs terroristes. Aussi, à partir de ces espaces non gouvernés, ils commencent à étendre leur influence à d'autres parties du pays et au-delà. Downey (citation 2021) soutient que la guerre des États-Unis contre le terrorisme n'a pas dissuadé les espaces non gouvernés en Afrique.
L'État terroriste, fragilité et anomalie
Comme pour le terrorisme, le concept de fragilité des États est complexe et n'a pas de définition précise. Bien qu'il s'agisse d'un concept nouveau dans la politique de développement, il a été défini de diverses manières. Le ministère britannique du développement international utilise ce terme pour décrire l'incapacité ou le manque de volonté et de capacité d'un État à remplir ses fonctions essentielles et à assumer ses responsabilités à l'égard des citoyens (DFID, 2005). Selon la Banque mondiale, les États fragiles sont des pays à faible revenu qui obtiennent un score inférieur à 3,2 sur l'évaluation des politiques et des institutions nationales (CPIA). Il s'agit d'États qui ont tendance à manquer à leurs obligations économiques, sécuritaires et politiques envers leurs citoyens (Ferreira, Citation 2015, p. 1). Il en résulte une atmosphère dominante de pauvreté, de chômage, de sous-développement, d'insécurité, de cadres institutionnels faibles, d'absence de contrôle territorial et une forte propension aux conflits et à la guerre civile (OCDE, Citation 2012, Citation 2014). Un État est décrit comme fragile lorsqu'il y a une augmentation de la pauvreté et un déclin économique, avec des institutions étatiques incapables de gérer les griefs civils découlant des inégalités quant à la distribution des richesses, la représentation et l'accès aux institutions publiques (Vallings & Moreno-Torres, Citation 2005, p. 7).
Il convient de noter que ces principales caractéristiques d’un État dit fragile sont largement répandues en Somalie, au Mali, au Nigeria et en République centrafricaine. Ces États ont en commun une pauvreté généralisée, qui est un état visible de l'économie parmi leurs citoyens. Là encore, la nature de l'insécurité est largement répandue au sein de l'État souverain. Malheureusement, les dirigeants de ces États se concentrent sur l'exploitation des ressources de l'État, créant ainsi des opportunités pour Al-Shabab, Boko Haram et Al-Qaïda au Maghreb islamique de faire la publicité de leur quête d'adeptes en utilisant les réseaux sociaux et, dans certains cas, en déclarant leur domination sur certains espaces non gouvernés à l'intérieur du pays (Mutambara et al., Citation 2022). La différence entre ces sectes est qu'Al Shabab survit de la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée plus que de toute autre source économique par rapport aux terroristes en RCA (Anyika et al., Citation 2022). Encore une fois, alors que Boko Haram et Al Shabab utilisent les réseaux sociaux pour faire connaître et faire progresser leur réseau, leur économie, leur formation et leurs ressources auprès des combattants djihadistes et des groupes terroristes internationaux, le terrorisme en RCA est relativement domestiqué (Anikelechi et al., Citation 2018).
En République centrafricaine, le niveau de revenu des citoyens reste faible en raison de la faiblesse de l'économie nationale. Il y a un manque d'unités de production et d'entreprises en plein essor qui pourraient améliorer la production de masse à des fins commerciales et les recettes d'exportation en général. L'atmosphère de pauvreté qui prévaut, le chômage et le sous-emploi généralisés rendent la société sujette à l'influence négative des commanditaires étrangers de la terreur et exposent les masses à la culture de l'exploitation par ceux qui utilisent leurs ressources minimales pour attirer les pauvres et les chômeurs frustrés dans le monde du terrorisme. La nature de la géographie nationale favorise également l'expansion de l'insécurité et des attaques terroristes à l'intérieur du pays.
De même, le concept d'anormalité de l'État est nouveau; le terme est utilisé dans ce document pour décrire un État disposant de toutes les perspectives et de tout le potentiel en termes de ressources humaines et naturelles pour le développement et la croissance économique, mais ne disposant pas de l'initiative et de la capacité humaines pour mener à bien les développements et la croissance nécessaires. En d'autres termes, les ressources naturelles et économiques d'un État anormal ne correspondent pas au niveau de progrès dans toutes les ramifications. Un État anormal est donc un État criblé de paradoxes en matière de développement. Il convient de noter que tous les États fragiles et anormaux sont sujets à des conflits et à des menaces de violence (Eugène, Citation 2020).
En outre, les chercheurs ne parviennent pas à se mettre d’accord au sujet des indices ou paramètres exacts permettant de mesurer la fragilité et l'anormalité de l'État. Il existe une controverse sur la manière dont le concept est opérationnalisé et sur la question de savoir qui définit les paramètres de mesure de la fragilité et de l'anormalité (Ferreira, Citation 2015, p. 2). Cependant, Besley et Persson affirment que dans un État fragile et anormal, il y a la pathologie d'un État inefficace à établir des contrats, assurer la protection des propriétés, fournir des biens publics, collecter des revenus et garder sous contrôle la violence politique. Cela sous forme de répression ou de conflit civil ou même les deux pathologies sont présentes en même temps (Besley et Persson, Citation 2011). De même, la Banque mondiale utilise les notes CPIA basées sur la gestion économique, les politiques structurelles, les politiques d'inclusion sociale et d'équité, et la gestion et les institutions du secteur public pour mesurer les États fragiles. En outre, le Center for Research on Inequality, Human Security and Ethnicity a observé trois caractéristiques majeures des États fragiles : les défaillances de l'autorité, des services et de la légitimité (Stewart & Brown, Citation 2009). Néanmoins, une vue d'ensemble des définitions de travail des différentes organisations et agences proposées ci-dessus révèle trois variables de base pour mesurer les États fragiles et anormaux. Le présent document a classé ces trois variables comme lacunes en matière de légitimité, de capacité et de sécurité, sur la base des fonctions essentielles de l'État. Dans ce document, la fragilité et l'anormalité de l'État seront mesurées sur la base de l'existence de certaines lacunes en matière de légitimité, de capacité et de sécurité en République centrafricaine.
Discussion sur le terrorisme en RCA : Les liens entre le caractère fragile et anormal de l'État
Géographiquement, la République centrafricaine est située au centre du continent africain. Les frontières actuelles du pays ont été établies par les Français lors du découpage et de la partition de l'Afrique à la fin du 19ème siècle. En raison de sa position centrale, la République centrafricaine partage ses frontières avec plusieurs pays de la région d'Afrique centrale du continent africain; ces pays comprennent le Tchad, le Cameroun, la République du Congo, la République démocratique du Congo (RDC), le Sud-Soudan et le Soudan. Le pays couvre une superficie de 622 984 km² et compte une population d'environ 4,7 millions d'habitants (BBC Afrique, 2018). Le pays est composé de plus de 80 nationalités ethniques de taille variable, tant en termes de superficie que de nombre, et de langues distinctes (Alusala, 2017, p. 11).
Sur le plan économique, la République centrafricaine est dotée de ressources naturelles, notamment l'uranium, le pétrole, l'or, les diamants et le bois, ainsi que d'un énorme potentiel en matière d'énergie hydroélectrique. Cependant, ces ressources n'ont pas été correctement exploitées et le peu d'activité qui existe ne génère pas beaucoup de revenus pour l'État car il est dominé par des puissances étrangères qui s’accordent avec certains politiciens intéressés et les exploitent pour leurs intérêts égoïstes (Knoope & Buchanan-Clarke, Citation 2018, p. 4). Le pays est passé sous domination coloniale française en 1899 et a obtenu son indépendance politique le 12 juillet 1960 (Alusala, 2017, p. 13). Les statistiques montrent que depuis 2013, le pays a été le théâtre de plus de 29 activités terroristes menées par des acteurs étatiques et non étatiques, qui ont fait plus de 1 764 morts et environ 851 blessés (World Data, Citation 2020).
Le manque de légitimité est une caractéristique clé des États fragiles et anormaux. Les manques de légitimité décrivent l'instabilité institutionnelle qui sape la prévisibilité, la transparence et la responsabilité des processus de prise de décision publique (Andersen & Engberg-Pedersen, Citation 2008).Ces manques existent dans un État où le processus électoral qui met en place les dirigeants politiques est compromis, téléguidé ou subverti, ce qui conduit à l'émergence de dirigeants impopulaires qui imposent des politiques élitistes. Dans un tel système, l'incohérence totale du processus de changement de régime autorise le recours à la force, à la violence ou aux menaces pour acquérir et consolider le pouvoir de l'État. Par conséquent, le respect de l'État est obtenu par la force, la violence ou la menace (Vallings & Moreno-Torres, Citation 2005, p. 9). Le recours à la violence garantit que l'État conserve un avantage sur les autres groupes armés et légitime sa mainmise sur le pouvoir (Besley et Persson, Citation 2011).
Le recours au terrorisme par les groupes organisés et l'État en RCA est lié au fait qu'il n'existe pas d'approche électorale précise pour accéder au pouvoir d'État. Lors de l'indépendance en 1960, le gouvernement de David Dacko a institutionnalisé le système du parti unique pour maintenir son emprise sur le pouvoir et réduire les groupes d'opposition. Cela a donné lieu à de nombreuses crises politiques et protestations, qui ont été accueillies par l'autocratie, l'enlèvement et la torture des manifestants par les agents de sécurité de l'État (Le Vine, Citation 1968, p. 12). De même, le deuxième président, Jean-Bidal Bokasso, a dissous le parlement en 1976 et s'est proclamé empereur à vie de la RCA. Son régime s'est caractérisé par la torture, l'assassinat et l'oppression des opposants politiques, y compris le meurtre de plus de 100 écoliers manifestants. En outre, lorsque le général André Kolingba a pris le pouvoir en 1981, il a utilisé l’instrument qu’est l'État pour réprimer et détenir les groupes d'opposition qui soutenaient un système démocratique dans le pays. Ce recours à la force, à la violence et à l'intimidation par les dirigeants pour atteindre ou conserver le pouvoir politique a créé un déficit de légitimité qui a déclenché le terrorisme des coalitions Seleka et Anti-Balaka en RCA.
Par conséquent, les déficits de légitimité dans le pays ont attirés les commanditaires externes/étatiques du terrorisme en RCA. Par exemple, le gouvernement français a fourni des armes et un soutien au régime de Jean-Bidal Bokasso, qui était prêt à rompre ses relations économiques et politiques avec la Chine, puis aux groupes Anti-Balaka contre la Séléka en 2013, après le renversement du gouvernement dirigé par les Balaka. De même, des pays voisins comme le Tchad et le Soudan continuent de soutenir les chefs rebelles qui acceptent de protéger leurs intérêts économiques (Congressional Research Group, Citation 2024). Par exemple, en 2003, le président tchadien Idriss Déby a soutenu le leader anti-balaka François Bozizé, qui a renversé Ange-Félix Patassé. Cependant, en 2013, Deby a changé et apporté son soutien au leader de la Seleka, Michel Djotodia, qui a remplacé Bozizé. Par conséquent, en 2014, Derby a malicieusement renversé le gouvernement de Djotodia et a transporté par avion l'ensemble du gouvernement centrafricain à N'Djamena, où Catherine Samba-Panza a été élue présidente du gouvernement de transition (Lombard, Citation 2014).
L'externalisation de la légitimité en RCA a été effectivement perfectionnée pendant l'ère coloniale. Sous l'administration coloniale française, il n'y avait pas de système unifié d'administration politique en RCA. Les Français ont loué le territoire à des entreprises privées pour qu'elles l'exploitent à leur profit (Marima, Citation 2014). En l'absence d'une force unificatrice pour tous les peuples de la colonie, la résistance coloniale a été coordonnée selon des critères ethniques, conduisant à l'émergence d'une coalition multiforme de groupes ethniques qui ont conclu des accords avec des sociétés concessionnaires pour remplacer les fonctionnaires coloniaux français (Knoope & Buchanan-Clarke, Citation 2018). En louant différentes parties du pays à des entreprises privées pour les administrer, les colonialistes ont laissé la place à la privatisation de la force de l'État, à l'ingérence de puissances étrangères et à la prolifération de différents groupes armés avec différentes idéologies d'indépendance. Ce système s'est poursuivi depuis l'indépendance et a créé ce que Knoope et Buchanan-Clarke ont décrit comme étant : un système dans lequel les politiciens centrafricains sont souvent plus préoccupés par les relations personnelles qu'ils entretiennent avec ces sources extérieures de pouvoir que par le respect de leur contrat social avec les citoyens centrafricains. Il en résulte un État faible qui a peu de légitimité pour gouverner au-delà de la capitale. (Knoope & Buchanan-Clarke, Citation 2018).
Malgré l'introduction d'un système multipartite en 1993, les dirigeants successifs du pays n'ont pas réussi à maintenir le système comme un moyen légitime de transition politique. Il s'est plutôt caractérisé par la satisfaction de l'ambition personnelle des dirigeants, désireux de rester au pouvoir, de détruire l'opposition et d'assurer leurs intérêts politiques (Siradag, Citation 2016, p. 5).
Par conséquent, un État qui fonctionne correctement doit avoir la capacité de fournir certains biens publics pour améliorer la vie de ses citoyens et de mettre en place des infrastructures pour stimuler la croissance économique et le développement (Stewart & Brown, Citation 2009). Les États fragiles et anormaux se distinguent par leur manque de capacité à stimuler la croissance économique et le développement et par leur forte dépendance aux pays étrangers qui leur viennent en aide (Besley et Persson, Citation 2011). Les manques de capacités en République centrafricaine se manifestent par l’inaptitude du gouvernement à fournir des services de base à ses citoyens. Depuis l'indépendance du pays en 1960, les gouvernements successifs n'ont pas réussi à mettre en place des institutions étatiques capables de fournir des aides et avantages sociaux, économiques et politiques à la population (Sıradag, 2017, p. 1, International Crisis Group, Citation 2017). Plus de la moitié des 4,6 millions d'habitants du pays dépendent de l'aide humanitaire des Nations unies, ce qui en fait le plus grand bénéficiaire dans le monde (Knoope & Buchanan-Clarke, Citation 2018). Depuis l'indépendance, le secteur public en RCA est caractérisé par des conditions de travail déplorables, l'absence d'opportunités éducatives pour les enfants, la corruption à grande échelle, la mauvaise gestion des finances publiques, le paiement irrégulier des salaires, le manque d'assainissement, et l'insécurité permanente (Boas Citation 2014). Cette situation remet non seulement en question la capacité des gouvernements centrafricains successifs, mais accroît également la désillusion à l'égard des fonctionnaires.
Malgré ses ressources économiques, le pays est l'un des pays les moins développés au monde. Le revenu national par habitant n'est que de 774 dollars et environ 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (Trading Economics, Citation 2018). Un rapport de Conciliation Resources a montré que la dette du pays a triplé pour atteindre 1,8 % du PIB entre 2010 et 2011. L'étude a également révélé diverses anomalies dans l'exécution des projets, allant de la corruption et du détournement de l'argent des projets à des procédures comptables compromises et à un manque de vigilance. La RCA est l'un des pays les plus pauvres au monde. En 2016, la croissance économique du pays a ralenti, passant de 5 % à 4,4 % (Banque mondiale, 2016). De plus, seules 10 des 460 industries qui opéraient dans le pays dans les années 1970 sont encore fonctionnelles. La seule université du pays ayant une capacité d'accueil de 1000 étudiants compte plus de 20 000 étudiants (Paul-Crescent et al. Citation 2018, p. 8). Ces indicateurs fonctionnels négatifs suggèrent que le pays n'est pas seulement fragile mais aussi anormal parce qu'il manque d'initiative et de capacité pour exploiter ses ressources.
En outre, le recours au terrorisme par la Seleka et les groupes Anti-Balaka n'est pas lié à une revendication religieuse mais à l'incapacité du gouvernement à reduire les inégalités socio-économiques dans le pays (Conflict Scan, Citation 2017, p. 3). Les gouvernements successifs du pays ont perpétué l'inégalité dans la distribution des infrastructures entre les musulmans qui dominaient la région du nord et les chrétiens qui dominaient la région du sud. La marginalisation économique et la négligence dont souffrent ces régions ont servi de toile de fond pour les nordistes de la coalition Seleka qui par le biais du terrorisme ont exigé une bonne partie des ressources nationales et le contrôle du pouvoir de l'État. Par exemple, les provinces de la Vakaga et de la Haute-Kotto ont été victimes de marginalisation et de négligence, les gouvernements successifs n'ayant pas réussi à mettre en place des écoles, des hôpitaux, des routes et des infrastructures générales. Cela a conduit à l'émergence de groupes rebelles qui ont commencé à lancer des attaques contre les installations gouvernementales, à prendre des otages et à chercher à prendre le pouvoir pour protéger leurs intérêts (International Crisis Reports, 2017).
En outre, le remplacement des forces armées nationales par des services de sécurité privés a créé des manques en matière de sécurité en RCA, ce qui a permis à l'État et aux groupes organisés de continuer à recourir au terrorisme (Global Security, Citation 2020). Lorsque le président Bozizé est arrivé au pouvoir en 2003, il a mis en place une garde présidentielle composée de mercenaires tchadiens pour protéger son gouvernement. Par la suite, les gouvernements successifs ont continué à maintenir des gardes privées au détriment des forces armées nationales. L'absence d'une institution nationale de sécurité chargée de protéger la vie et les biens des citoyens signifie que l'État n'est pas le seul détenteur légitime du monopole de la force. En maintenant une sécurité privée, l'État peut mener à bien des actes de terrorisme contre des groupes d'opposition. Le groupe anti-balaka était l'un des groupes mobilisés par le gouvernement Bozizé en 2003 pour assurer la sécurité des communautés rurales (CAR Briefing, Citation 2014). Cependant, suite à la montée de la coalition Seleka, il les a remises en place en 2013 pour protéger son administration et l'aider à rester au pouvoir jusqu'aux élections générales prévues en 2016 (Kah, Citation 2014, p. 9). Le terrorisme anti-balaka a conduit à l’épuration ethnique des membres de la coalition Seleka et a créé des crises massives de réfugiés et des déplacements internes (Amnesty International, Citation 2014).
Cette privatisation de la sécurité, mise en place par l'État, a ouvert la voie à l'intervention étrangère et à la recrudescence de milices armées qui font preuve de violence afin d’asseoir le pouvoir de l'État, le venger et protéger ses membres. La composition de ces groupes change constamment, mais ils sont souvent constitués de milices d'autodéfense, de bandits de grand chemin et d'anciens membres des forces de sécurité et de défense. Entre 2002 et 2017, 14 groupes armés ont été identifiés (International Crises Group, 2017). De même, la France, le Tchad et le Cameroun, entre autres puissances étrangères, ont, à un moment donné, armé un groupe ou un autre pour protéger leurs intérêts géostratégiques et économiques en RCA (Boas Citation 2014),). En 2013, à la suite d'une série d'attentats à la bombe et de meurtres qui ont entraîné la mort de plus de 2 000 civils, la Seleka, soutenue par des mercenaires tchadiens et soudanais, sous la direction de Michel Djotodia, a usurpé le pouvoir d'État au gouvernement dirigé par les chrétiens (International Crisis Group, Citation 2017, p. 7). En représailles, les Anti-Balaka ont commencé à faire régner la terreur pour contrer la coalition Seleka. Le groupe Anti-balaka n'a pas commencé comme un groupe religieux mais a été fondé afin d'assurer la sécurité de la population; ils étaient motivés par leur soif de vengeance (Kah, Citation 2014, p. 36). L'absence de forces de sécurité gouvernementales dans les zones périphériques et géostratégiques du pays, notamment Bocaranga, Ndassima et Yassine, a permis aux groupes rebelles de contrôler les riches ressources minérales de la région tout en utilisant les revenus générés par les ressources pour financer leurs opérations (Union africaine, Citation 2018 ; Lombard, Citation 2014).
A cette architecture sécuritaire défaillante s'ajoute la question de l'exercice de la justice par l'Etat, de l'équité et de l'évaluation du système judiciaire de l'Etat. Le système judiciaire de l'État a été subverti et détourné par certains membres de l'État qui manœuvrent et manipulent le système pour servir leurs propres intérêts et intimider les groupes d'opposition (Kah, Citation 2014, p. 37, Knoope & Buchanan-Clarke, Citation 2018). Les institutions de base telles que le bureau du procureur, les tribunaux, la gendarmerie, la police et les services pénitentiaires ne sont pas opérationnels dans la plupart des régions du pays (Amnesty International, Citation 2014).
Inversement, il est impératif de comprendre le caractère religieux de l'insurrection en RCA. Depuis l'intensification du conflit en 2013, la religion a été utilisée comme un instrument pour radicaliser les membres des groupes Seleka et Anti-Balaka. Le terrorisme a crée la division entre les musulmans et les chrétiens. En 2013, la coalition Seleka (menée par les musulmans) a renversé le gouvernement, or jusque-là le pays était dirigé par des chrétiens qui n’accordaient que peu d’importance au développement de la région nord du pays - une zone majoritairement musulmane. Aussi, depuis l’indépendance du pays, seulement deux musulmans avaient siégé au parlement (Knoope et Buchanan-Clarke, Citation 2018, p. 19). Cela donnait ainsi l’impression que les chrétiens excluaient les musulmans de la vie politique et les marginalisaient d’un point de vue économique. Le chef de la Seleka, Djotodia, s’est facilement servi de ces griefs lors du coup d'État de 2013. La montée des groupes anti-balaka et les attentats à la bombe contre des infrastructures musulmanes tels que des mosquées et des écoles ont nourri le récit d’un terrorisme religeux (Union Africaine, citation 2018). La présence d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Boko-Haram, l'État islamique et Al-shabaab augmente le risque d'infiltration et de djihad violent par les groupes de la Seleka (Knoope ey Buchanan-Clarke, citation 2018, p. 19).
De plus, bien que les parties impliquées dans l'utilisation du terrorisme aient des revendications religieuses, elles ne prétendent pas établir un État religieux à proprement parlé. Elles ont recours au terrorisme en raison de la faiblesse des institutions politiques et des inégalités économiques qui sont les principales caractéristiques des États fragiles (Besley et Persson Citation 2011). Dans son manifeste, la coalition musulmane de la Seleka avait trois décrets : renverser le régime de Bozizé, prendre le contrôle de l'État et s'emparer des ressources naturelles (International Crisis Group, Citation 2017). Les anti-balaka, quant à eux, sont déterminés à maintenir l’emprise qu’ils ont sur le pouvoir en attaquant les civils musulmans et en bombardant les villages musulmans. Ces deux principaux groupes rebelles se sont scindés en plusieurs mouvements au fil du temps. Certaines sources évaluent à une vingtaine le nombre de groupes armés opérant actuellement dans le pays (Union Africaine, Citation 2018). Des crises quant à la légitimité de l’Etat et l'incapacité de celui-ci à établir un plan de transition politique visant à changer le régime ont fait de la violence le moyen le plus rapide pour renverser l’Etat. Aussi, les politiciens centrafricains ont constamment fait usage de tels groupes armés pour accéder au pouvoir ou, une fois au pouvoir, lutter contre les bandits et autres petits groupes criminels dans les régions reculées du pays (Paul Crescent et al., 2018, p. 11).
Conclusion
Les États souverains du continent africain font face aux divers défis qu’impliquent édifier une nation. Ces challenges vont de la pauvreté aux conflits et autres nombreux problèmes d’insécurité. Malheureusement, lorsqu’un pays connaît un niveau d’insécurité si élevé que l’Etat se retrouve dans l’incapacité d’assurer la protection de ses citoyens et des biens - l’un de ses devoirs -, l’Etat peut alors être considéré comme fragile. Hélas, l'État ne devient pas fragile en un jour ou une année; cela est davantage le fruit de ses multiples faiblesses, qui se développent lorsque les institutions de l'État laissent des comportements anormaux ou dysfonctionnels prendre de l'ampleur au fil du temps. Les études sur le terrorisme ont montré que les institutions économiques et politiques faibles d'un État permettent l'émergence de groupes terroristes. Ces groupes terroristes endommagent d’autant plus la sécurité de l'État. Cette étude s'appuie sur la littérature actuelle dans le but de disséquer l'émergence du terrorisme en RCA. L'étude révèle que la raison pour laquelle l'État se retrouve en échec est l’attitude de l'État et son incapacité à remplir ses devoirs fondamentaux. L'État centrafricain est très faible car il est incapable de transfromer ou de raffiner ses ressources minérales et de les commercialiser pour assurer la bonne gouvernance du pays. La position de l'État a été faible en ce qui concerne la création d’emplois, l’enseignement de base et l'éradication de la pauvreté de masse dans le pays, laissant ainsi les citoyens rejoindre des groupes religieux et ethniques dont ils deviennent dépendants telle une drogue. Ces groupes fragmentent la population et déterminent les relations que les citoyens entretiennent les uns avec les autres. Ainsi, cette affiliation et dépendance aux tendances religieuses ont rapidement divisé l'État centrafricain et se manifestent par un fanatisme religieux et un mouvement fondamentaliste.
Le document affirme que les groupes religieux et l'État en République centrafricaine ont recours au terrorisme non pas en raison d’un désir d'établir un État fondé sur des idéologies religieuses, mais faute de ne savoir comment utiliser les ressources de l'État pour améliorer le sort de la population. En effet, le rôle premier de l'État est d'assurer la bonne gouvernance du pays, ce qui est censé transformer (pour le meilleur) la vie des citoyens. Les divers groupes armés religieux réagissent, ici, à une longue histoire de négligence, privation, isolement et frustration, qui sont le fruit de l'incapacité du gouvernement à mobiliser les ressources de l'État en faveur d'un développement national équitable et de l'épanouissement des citoyens. Dans un contexte où le contrat social est rompu, le pays s'inscrit dans la théorie d’un l'État fragile et anormal. Il convient de noter que l'utilisation du terrorisme en RCA est parrainée par des pays étrangers, ce qui renforce d’autant plus la thèse d’un État fragile. De manière générale, en observant la RCA en tant qu’État fragile et anormal, ce document a souleve des questions – basées sur l’histoire et le developpement de cet Etat - qui sont essentielles pour comprendre et combattre le terrorisme dans ce pays. Pourquoi le terrorisme et l’intensification du terrorisme en RCA n’ont t-il pas suffisamment susciter l’attention et l’intervention d’acteurs internationnaux ? Cela mérite une recherche et une étude plus approfondie.
En conclusion, il est nécessaire de transformer le système de gouvernance de l'État centrafricain. Les dirigeants de l'État doivent se concentrer sur le développement de ressources nationales afin de pouvoir fournir des infrastructures publiques et répondre aux besoins essentiels de leurs citoyens. Ils doivent construire un État qui, de façon unilatérale, se concentre sur l'identité nationale et le patriotisme, en formant un intergroupe soudé et en développant des ressources (humaines et matérielles), afin de transformer la nation. C'est alors que les conditions propices à la stabilisation de la paix et aux transformations sociétales verront le jour en RCA. L'étude recommande de multiples méthodes pour construire la paix et bâtir une nation qui aideront l’Etat à se transformer. Il s'agit notamment de transformer le concept d’une agriculture de subsistance en une économie basée sur une immense agriculture commerciale destinée à l'exportation, ce qui permettrait de gérer la fragilité de l'État, et de promouvoir un mouvement anti-terroriste au sein de la population et des groupes militaires.
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Chukwuemeka N. Oko-Otu termine un doctorat en police coloniale en Afrique au Département d'études sur la guerre moderne de l'Université de Buckingham, au Royaume-Uni. il est titulaire d’une maîtrise avec distinction en analyse des conflits de la prestigieuse université de Kent et d’un diplôme de première classe en histoire et études stratégiques de l’université fédérale alex ekwueme ndufu alike ikwo. Ses intérêts de recherche incluent, sans s'y limiter, les conflits liés à la terre, le terrorisme, les conflits entre agriculteurs et éleveurs, la brutalité policière, la police communautaire et la paix et la résolution des conflits.
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