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Energy & Economics

La menace de Trump contre la Chine : Les quatre grandes failles

La loupe se concentre sur les billets de banque en dollars américains et en yuans avec le drapeau des États-Unis et de la Chine. C'est le symbole de la guerre commerciale des tarifs économiques, des barrières fiscales et de la concurrence technologique qu

Image Source : Shutterstock

by Dean Baker

First Published in: Dec.04,2024

Dec.30, 2024

La semaine dernière, Donald Trump a menacé, sur son site Truth Social, d'imposer des taxes de 100 % sur les importations en provenance de tout pays qui ne s'engagerait pas à ne pas abandonner le dollar comme monnaie de réserve.

 

 

La grande peur de Donald Trump n’est que le fruit de son imagination 

 

 

Cette menace était étrange pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il semble imaginer que les pays membres du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et leurs alliés sont en train de mettre en place une monnaie alternative au dollar. 

 

 

Il serait très difficile d’imaginer cela puisque ces pays n'ont pas grand-chose en commun, si ce n'est le sentiment d'être marginalisé par les États-Unis, l'Europe de l'Ouest et les institutions internationales qu'ils ont mises en place. Se mettre d'accord sur les règles d'une monnaie commune implique de considérables marchandages et s'avère difficile même entre des pays qui se ressemblent par leur économie, leur histoire et leur culture. Allez demander aux pays de la zone euro. Réunir ces pays sous une monnaie commune semble être une entreprise des plus complexes, qui prendrait même dix à vingt ans.

 

 

Trump a donc proféré de grandes menaces à l'encontre d’une réforme qui n’aura certainement pas lieu. Mais enfin, il est toujours bon d'être prudent…

 

 

Qui se soucie de savoir s'ils créent leur propre monnaie ?

 

 

La menace proférée par Trump met bien en lumière l'ignorance de ce dernier en matière de commerce et de finance. A noter que Paul Krugman s'est efforcé d'éduquer le public sur la signification d'une monnaie de réserve. 

 

 

Tout d'abord, il n'existe pas de monnaie de réserve unique. Aucune loi n'exige que tous les paiements internationaux soient effectués en dollars, et nombre d'entre eux ne le sont d'ailleurs pas. Si les entreprises trouvent plus pratique de vendre en euros ou en yens, rien ne les empêche de le faire. Il est difficile de savoir si Donald Trump ignore ce fait ou s'il pense qu'il va, d'une manière ou d'une autre, contrôler toutes les transactions dans le monde et exiger qu'elles soient effectuées en dollars.

 

 

Les banques centrales détiennent également des devises en réserve pour couvrir les paiements internationaux et soutenir leur propre monnaie en cas de crise. Le dollar est la principale monnaie de réserve, mais pas la seule. Les banques centrales détiennent également des euros, des livres sterling, des yens japonais et même des francs suisses. Peut-être Trump souhaite-il surveiller les avoirs en devises des banques centrales et commencer à augmenter les taxes sur les importations en provenance de tout pays où les avoirs en dollars tombent en dessous d'un certain niveau. Cette approche en termes de politique commerciale semble assez farfelue (elle violerait la plupart de nos accords commerciaux), mais elle est tout à fait conforme à la politique économique de Donald Trump.

 

 

Le dollar en tant que monnaie de réserve compromet le rêve de Trump d'un commerce équilibré

 

 

Dans la mesure où le dollar serait la première monnaie de réserve au monde, son principal avantage serait d'accroître sa demande et donc d'augmenter sa valeur par rapport à d'autres monnaies. Ce serait une bonne chose dans la mesure où cela permettrait aux américains d'acheter moins cher des produits importés d'autres pays. 

 

 

Cela ne devrait pas avoir de grandes répercussions. La principale raison de détenir des dollars est d'investir dans des actifs financiers américains, tels que des actions et des obligations, aussi bien publiques que privées. Tant que les investisseurs penseront que les États-Unis ont une économie forte et stable, ils voudront avoir des dollars pour pouvoir y investir. 

 

 

Si le dollar américain n'était qu'une autre monnaie de réserve, comme l'euro, moins de dollars seraient détenus comme réserves et utilisés pour effectuer des transactions. Cela signifie que le dollar perdrait probablement un peu de sa valeur par rapport aux autres monnaies, mais il est peu probable que la baisse dépasse 5 à 10 %. C'est le type d'évolution que l'on observe régulièrement sur une période d'un an ou deux pour le dollar. En général, on n'y prête pas grande attention. Par exemple, le dollar a augmenté de plus de 5 % par rapport à l'euro entre mai 2021 et la fin de l'année, et il semble que personne ne l'ait remarqué.

 

 

Plus important encore à ce sujet, après être devenu la première monnaie de réserve, la valeur du dollar augmenterait, ce qui irait à l'encontre des objectifs de Donald Trump en matière de politique commerciale. Donald Trump semble vouloir que les États-Unis aient un commerce équilibré, voire un excédent commercial. 

 

 

Un dollar plus cher compromet directement les efforts déployés pour atteindre cet objectif. Si le dollar est plus cher que les autres monnaies, les importations sont moins chères pour les citoyens américains. Cela signifie que les américains achèterons plus de produits importés. 

 

 

Si, comparée à d'autres monnaies, la valeur du dollar est plus élevée, cela signifie que les étrangers devront utiliser davantage de leur propre monnaie pour acheter un dollar. Ce qui rendrait les exportations américaines plus coûteuses pour eux. Si les exportations américaines sont plus coûteuses, les habitants des pays étrangers en achèteront alors moins.

 

 

Si les américains achètent plus de produits importés et vendent moins d'exportations, le déficit commercial sera plus important. Cela signifie que la volonté de Donald Trump de préserver le statut du dollar en tant que première monnaie de réserve va totalement à l'encontre de son objectif de réduction du déficit commercial.

 

 

Les droits de douane de 100 % imposés par Donald Trump nuiront bien plus aux américains qu'ils ne nuiront à la Chine

 

 

Les États-Unis constituent un marché d'exportation précieux pour la Chine, mais il faudrait faire un calcul des plus farfelus pour penser que la prospérité du marché chinois dépend du marché américain. Tout d'abord, il convient de se faire une idée du volume des exportations en jeu.

 

 

Les États-Unis ont importé pour 322 milliards de dollars de marchandises chinoises jusqu'en septembre de cette année, ce qui signifie qu'ils devraient en importer pour environ 430 milliards de dollars d’ici la fin de l’année. À titre de comparaison, le PIB de la Chine devrait s'élever à 37,1 billions de dollars cette année après la mise en application d’une mesure de parité de pouvoir d'achat (PPA) du PIB, alors qu'il serait de 18,3 billions de dollars en utilisant une mesure de taux de change. Cela signifie que les exportations chinoises vers les États-Unis représenteraient 1,2 % du PIB chinois en utilisant la mesure de la PPA, et 2,3 % en utilisant la mesure du taux de change.

 

 

La différence entre ces deux mesures est que la PPA utilise un ensemble de prix communs à tous les pays pour tous les biens et services. Cela signifie qu'une coupe de cheveux et une opération cardiaque sont facturées au même prix aux États-Unis et en Chine, ainsi que dans tous les autres pays. En revanche, la mesure du taux de change prend le PIB du pays calculé dans sa propre monnaie et le convertit ensuite en dollars au taux de change actuel.

 

 

La grande différence entre les deux mesures s'explique par le fait que de nombreux services coûtent beaucoup moins en Chine qu'aux États-Unis et dans d'autres pays riches. Par exemple, louer un appartement similaire ou se faire examiner par un médecin coûterait beaucoup moins en Chine que cela ne coûterait aux États-Unis.

 

 

Si, la mesure de la PPA est un outil approprié et utile pour de nombreuses choses, telles que comparer des niveaux de vie, dans le cas présent, la mesure du taux de change est probablement la bonne. Il faut se demander combien la Chine, si celle-ci était coupée du marché américain, perdrait au niveau de sa demande. Étant donné que les prix des biens vendus à l'étranger sont probablement proches des prix internationaux, la perte de demande serait plus importante que ne l'indiquerait la part de ces biens dans le PIB de la Chine mesurée en termes de PPA. 

 

 

Cela signifie que dans le cas extrême où la Chine se verrait perdre la totalité de son marché d'exportation américain, la demande dans son économie diminuerait de 2,3 %, avant de prendre en compte les effets multiplicateurs. Cela est loin d'être négligeable, mais ne risque pas d'entraîner l'effondrement de l'économie chinoise. À titre de comparaison, lorsque la bulle immobilière s'est effondrée aux États-Unis en 2006-2008, la part de la construction résidentielle dans le PIB a chuté de 4,0 points de pourcentage.

 

 

Cette chute a entraîné une grave crise de récession aux États-Unis, mais il est important de garder à l'esprit le problème économique que nous décrivons. Il s'agirait d'une demande inadéquate dans l'économie. Le gouvernement peut y remédier en dépensant plus d'argent, ce qu'il a fait dans une certaine mesure avec le plan de relance adopté par le président Obama en 2008-2009 et avec un plan encore plus important adopté par le président Biden en 2021-22.

 

 

Des considérations politiques peuvent faire obstacle à une relance à grande échelle en Chine, comme c'est le cas ici, mais il n'y a aucune raison économique pour que la Chine ne puisse pas relancer son économie de manière à remplacer la demande perdue sur le marché des exportations américaines. Si le gouvernement chinois le souhaite, il pourrait même emprunter une astuce aux États-Unis et envoyer des chèques de 2 000 dollars à tous les habitants du pays en y inscrivant le nom de Donald Trump. Pour la Chine, il ne s'agirait pas d'une crise.

 

 

La situation est bien pire du point de vue des États-Unis. Les américains paieront beaucoup plus cher les 430 milliards de dollars de marchandises qu’ils achetaient à la Chine. Il serait nécessaire d'examiner les substituts possibles à ces importations, secteur par secteur, mais disons qu'en moyenne, le coût supplémentaire pour les produits de substitution représente 40 % du prix des marchandises en provenance de Chine. Dans ce cas, les américains devraient payer 170 milliards de dollars supplémentaires par an, soit environ 1 400 dollars par famille, pour couvrir ce surcoût. 

 

 

La raison pour laquelle cette situation semble pire pour les américains que pour les chinois est que la Chine doit simplement créer une nouvelle source de demande, ce que son gouvernement peut faire directement en donnant de l'argent aux gens. D'autre part, les États-Unis voient le coût d'un certain nombre de produits augmenter, ce qui se traduit par une pénurie d'approvisionnement comparable à celle qui s'est produite lors de la crise de la chaîne d'approvisionnement pendant la pandémie.

 

 

La plupart des gouvernements n'infligeraient pas délibérément ce genre de souffrance à leur population sans raison valable, mais Donald Trump se targue d'être peu orthodoxe. Et cette menace sur le statut de monnaie de réserve du dollar est loin d'être orthodoxe.

First published in :

Center for Economic and policy Research (CEPR)

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Dean Baker

Dean Baker est un ancien économiste pour Economic Policy Institute et professeur adjoint à l'université Bucknell.

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