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Defense & Security

L’Ukraine, la Turquie, la Syrie et le plus grand héritage de Biden : La guerre

Washington DC États-Unis - 26 novembre 2024 - Le président Biden annonce un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah lors d'un discours prononcé depuis le Rose Garden.

Image Source : Shutterstock

by Ricardo Nuno Costa

First Published in: Dec.09,2024

Dec.30, 2024

Joe Biden a fait preuve de malhonnêteté et a montré quel était son véritable héritage : raviver des guerres sans issues, corruption et abus de pouvoir pour semer la pagaille, financer des coups d'État, réveiller des conflits dormants et monter les pays les uns contre les autres.

 

 

moins de deux semaines après l'élection de Donald Trump, Joe Biden, bientôt « ancien président américain », a pris une mesure qui a grandement perturbé les relations internationales, et a rendu le conflit en Ukraine d’autant plus dangereux en autorisant Kiev à utiliser des missiles américains à longue portée contre le territoire russe, une mesure déloyale certainement destinée à entraver la détente annoncée par son successeur.

 

 

Comme si cela ne suffisait pas, une semaine plus tard, la Turquie (la plus grande armée de l'OTAN en Europe) a lancé une offensive dans la Syrie voisine par le biais d'intermédiaires dirigés par HTS*, l'ancien Front Al-Nusra*, déchirant ainsi les accords d'Astana avec Moscou et Téhéran sur son rôle en Syrie. Vers la fin de l'administration Biden, à deux reprises, les deux plus grands conflits militaires actuels se sont intensifiés, en Ukraine et au Moyen-Orient, tous deux séparés géographiquement par la Turquie, qui fait maintenant son entrée en scène.

 

 

(« Les États-Unis sont la seule puissance qui se permet d’occuper la Syrie depuis 2014 »)



À la demande de qui ?

 

 

Il serait naïf de penser qu'Erdoğan a pris l'initiative de mettre en scène l'invasion de la Syrie sans le soutien, ou du moins l'assentiment, des Américains, des Britanniques, des Israéliens et des Européens. Organiser, former et armer des dizaines de milliers d'hommes sur le territoire syrien sous son autorité ou en Turquie même est une opération qui nécessite une coordination logistique et de renseignement entre diverses entités étatiques et non étatiques.

 

 

L'Anatolie est l'axe eurasiatique par excellence, où se rencontrent trois plaques tectoniques (eurasiatique, africaine et arabe). D’un point de vue géographique, la Turquie a toujours été un atout pour l'OTAN, en particulier dans le Caucase et en Asie centrale. C'est dans ces territoires en particulier que l'influence et les dessins de la Turquie se heurtent à ceux de la Russie. Pendant des décennies, l'OTAN a toléré les ambitions néo-impériales de la Turquie, notamment sous l'administration Erdoğan, même si d’un point de vue historique elles sont anti-occidentales. C'est un atout stratégique que les atlantistes gardent en attendant le moment idéal. En réalité, on a pu observer un nationalisme turc dans ces régions au début des années 1980, et au cours des années 1990, cela faisant suite au vide laissé par une période post-soviétique chaotique. L’influence turc s'est étendue et le projet Touran a été relancé, aujourd'hui très visible sous la forme de l'Organisation des États turcs. Mais le tourisme n'est pas le seul atout d'Ankara. D'une part, la diaspora turque en Europe, d'autre part le réseau caritatif et éducatif islamique que la Turquie manœuvre en Afrique, et d'autre part, l'expansion militaire avec plusieurs bases dans une bonne douzaine de pays en Europe, en Afrique, dans le Caucase et au Moyen-Orient, façonne les aspirations de la Turquie à projeter sa puissance dans le monde.

 

 

Le carrefour du Levant

 

 

Le réveil de la guerre civile en Syrie, voire le démembrement même du pays, est un événement marqué par de nombreuses contradictions, alliances improbables et objectifs flous, mais aussi par des intérêts que seul un certain nombre d'acteurs extérieurs qui tentent de s'emparer du pays depuis 2011 connaissent.

 

 

Après avoir occupé pendant plus de 40 ans le plateau du Golan, qui d’un point de vue juridique appartient à la Syrie, cela avantage Israël. En effet, Tel-Aviv pourrait étendre sa domination dans la région face à une Syrie fort probablement dysfonctionnelle et dépourvue d’armée. En attendant la prise de pouvoir de la nouvelle administration américaine - avec des sionistes pour des postes en politique étrangère - l'intensification du conflit régional de Netanyahou est aussi pour Biden une façon de se sortir du pétrin dans lequel il s'est lui-même mis il y a plus d'un an à Gaza et au Liban. Coïncidence ou non, les hordes de djihadistes se sont emparées de la Syrie le lendemain de l'annonce du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. Il ne faut pas s'étonner que derrière cet événement se cache un pacte tacite entre Ankara et Tel-Aviv pour éliminer l'influence iranienne de la région.

 

 

Le rôle des États-Unis est plus nébuleux. Ils n’avaient pas fait de déclaration officielle jusqu'à ce que le régime Assad ne s’effondre définitivement. Mais c'est aussi un rôle qui n'a pas besoin de clarté car c'est la seule puissance qui se permet d'occuper la Syrie depuis 2014, notamment par le biais de bases militaires clandestines dans le centre-sud et l'est du pays, justifiant cette illégalité internationale flagrante par l'excuse peu convaincante de pouvoir « combattre ISIS* ». En réalité, les États-Unis assurent une présence militaire stratégique, en gardant à l'œil l'Iran et la Russie, chose qui sera certainement formalisée avec la prochaine phase en Syrie. De plus, Washington dispose de plusieurs acteurs majeurs sur le terrain, comme les Kurdes des FDS, qui contrôlent le nord, et l'Armée syrienne libre, qui leur fait face. D'autre part, le chef du HTS, Abu Muhammad al-Julani, qui contrôle désormais la majeure partie du territoire, a passé cinq ans dans les prisons américaines en Irak (dont la tristement célèbre Abu Ghraib). Dans cette guerre par procuration, al-Julani sera certainement l'atout le plus important et le plus précieux des américains pour que ces derniers puissent défendre leurs intérêts.

 

 

Mais qu'ont donné les puissances occidentales à Erdoğan pour qu'il prenne l'initiative de conquérir la Syrie ? Quelle est la monnaie d'échange ? Le nouveau gouvernement syrien est-il prêt à renoncer à la base russe de Tartous, ou son retrait est-il l'une des conditions posées par l'OTAN à Erdoğan ? Qu'en est-il de la Palestine et du génocide à Gaza ? Le Liban suivra-t-il l'éventuelle fragmentation de la Syrie ? Qui formera le nouveau gouvernement et quelle sera sa vision de l'avenir ? Un accord énergétique sera-t-il conclu entre Ankara, Bakou et Bruxelles ? Qu'adviendra-t-il des relations commerciales, énergétiques et infrastructurelles entre la Turquie et la Russie ? La Turquie sera-t-elle toujours éligible à rejoindre les BRICS ? Beaucoup de questions -de grande importance - se posent.

 

 

La Syrie et l’Ukraine : un même conflit

 

 

L'aspect le plus inquiétant de la situation actuelle est que les deux conflits qui se déroulent, au cœur de régions instables, commencent à s'entrecroiser de plus en plus. Le HTS, introduit en Syrie par Ankara, est en Ukraine pour apprendre avec des troupes de Kiev de nouvelles tactiques de combat et des méthodes pour attaquer de nuit à l'aide de drones perfectionnés que le Qatar leur a fournis. Contrairement aux Émirats et à l'Arabie saoudite, le Qatar n'a jamais sympathisé avec le gouvernement Assad après sa prise d'Alep. Parmi les membres de la Ligue arabe, le Qatar, allié de la Turquie (qui dispose d'une base navale à Doha), est le seul pays arabe à s'être constamment rangé du côté de l'opposition salafiste syrienne depuis 2011.

 

 

Après la démarche d'Erdoğan, la Russie ne pourra pas accepter un gel des activités militaires à ses frontières, sous peine de voir l'ennemi se réarmer. Il est donc impossible d'espérer un « Minsk III » (les accords de Minsk) sous l'administration Trump. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire que la Russie et les États-Unis trouvent un accord. Après l'administration Biden - 4 années des plus sombres - qui a ramené la guerre en Europe et au Moyen-Orient, l'espoir que les deux plus grandes puissances militaires du monde aient de meilleures relations subsistent encore. Une intensification du conflit en Ukraine est impensable.

 

 

Une plus grande immigration pour une Europe en récession

 

 

Pour l'Europe, la situation actuelle en Syrie est terrible car cela laisse présager l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés supplémentaires, en fonction de l'évolution du conflit syrien. La Syrie sous le régime Assad était une dictature, tout comme la Libye de Kadhafi, mais elle offrait une stabilité qui n'est aujourd’hui plus garantie. Après 20 ans, période où les guerres américaines se sont succédées en Afghanistan, en Irak et en Syrie, le « melting-pot » que sont devenues les grandes villes européennes pourrait potentiellement amener les problèmes intercommunautaires et interethniques du Moyen-Orient sur le sol européen en période de récession, comme c'est le cas en Allemagne.

 

 

Avec cette initiative, la Turquie a annoncé la couleur et montré qu'elle voulait rivaliser avec la Russie pour gagner sa sphère d'influence. Erdoğan a endossé le rôle de déstabilisateur que ses supérieurs étrangers lui ont assigné. L'alignement d'Erdoğan sur les desseins occidentaux en Syrie ouvre une brèche dans les relations avec Moscou et doit être considéré comme une déclaration d'intention.

 

 

La guerre contre le multipolarisme

 

 

La guerre en Syrie, qui a tout pour s'éterniser/se prolonger, est également un coup dur pour les BRICS, la Turquie étant l'un des principaux candidats pour membre du groupe. Le contrôle de cette région stratégique, qui relève de plus en plus des Routes de la soie et des BRICS, entre désormais dans une période d'instabilité - que l’on peut prévoir. En effet, l’attaque, très étrange, du Hamas en octobre 2023 s’est déroulée au milieu des territoires des nouveaux membres du groupe (Égypte, Éthiopie, Émirats arabes unis, Arabie saoudite et Iran), et a déclenché une guerre dans la région basée sur le concept de « destruction créatrice », qui est prônée par les think tanks (groupes de réflexion) néoconservateurs.

 

 

Alors que tout se préparait pour une nouvelle administration américaine qui semblait au moins un minimum pragmatique et disposée à engager le dialogue et à mettre fin au conflit ukrainien, et à la joie que pour la première fois en trois ans un homme d'État occidental prononce le mot « paix », Joe Biden a fait preuve de malhonnêteté et a montré quel était son véritable héritage : raviver des guerres sans issues, corruption et abus de pouvoir pour semer la pagaille, financer des coups d'État, réveiller des conflits dormants et monter les uns contre les autres. Une pratique bien connue de ceux qui, étant incapables de se défendre et se battre, moyennant l'économie, le commerce et la diplomatie, ont recours à la guerre.

First published in :

The New Eastern Outlook Journal

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Ricardo Nuno Costa

Expert géopolitique, écrivain, chroniqueur et rédacteur en chef de geopolitique.

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