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Defense & Security

Le triomphe régional de la Turquie est évident

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan lors de la réunion du G20 à Bali, Indonésie, 15.11.2022

Image Source : Shutterstock

by Alexandr Svaranc

First Published in: Dec.22,2024

Jan.06, 2025

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La chute du régime de Bachar al-Assad est le fruit de nombreuses contradictions internes et externes, dans lesquelles la Turquie a joué un rôle clé. Ankara célèbre le succès de sa diplomatie en Syrie.

 

 

Le succès en Syrie donne des ailes à R. Erdogan

 

 

La Turquie s'efforce d’adopter une attitude pragmatique et diplomatique pour le bien de ses intérêts nationaux. En parallèle, les ambitions politiques d'Ankara ne sont pas celles d'un dirigeant « aventurier » qui ne se focalise que sur le court terme, mais reflètent plutôt un programme avec des mesures sur long le terme, qui sont conforment aux doctrines et stratégies du néo-ottomanisme et du néo-pan-touranisme.

 

 

La Turquie ne cache pas ses ambitions, elle rend au contraire publics divers projets et idées qui visent à élever le statut de l'Etat turc au rang de superpuissance régionale. C'est pourquoi, lorsque l'ancien ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a expliqué à Washington l'essence de la doctrine du néo-ottomanisme, qu’il a lui-même développée dans le cadre de sa « Profondeur stratégique » (Strategic Depth), il a souligné le lien qui relie Ankara aux territoires post-ottoman - c'est-à-dire aux peuples et aux pays qui faisaient auparavant partie de l'Empire ottoman.

 

 

Bien entendu, aucune nation aujourd’hui libérée du régime autoritaire de l'Empire ottoman ne rejoindrait volontairement la nouvelle Turquie ou ne deviendrait son vassal. Cependant, Ankara ne se donne pas pour tâche (du moins à ce stade) de réunir les entités indépendantes des territoires post-ottoman avec la Turquie. Ankara essaie d'étendre son influence et de mener à bien des projets - qui seraient bénéfiques pour le pays - avec ses voisins frontaliers, de tirer profit de la position économique et géographique avantageuse du pays vis-à-vis des voies de transit, ce qui permettrait de renforcer le statut de la Turquie à la jonction de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie. C’est dans ce but que les autorités turques ont recours aux moyens économiques, politiques et militaires de la Turquie.

 

 

En Afrique du Nord, le fait de parier sur l'une des forces politiques de la Libye - qui est dévastée - et sur l'utilisation locale de forces militaires - combinée à la fourniture d'armes - a donné à Ankara l'occasion d'accéder aux champs pétrolifères.

 

 

Le partenariat énergétique avec la Russie et la prise en compte des relations tendues que Moscou entretient avec l'Occident ont, dans un certain sens, créé non seulement des intérêts commerciaux et économiques, mais aussi une dépendance géopolitique - plus ou moins importante - de la Fédération de Russie à l'égard de leurs relations avec la Turquie. Par conséquent, grâce à ce partenariat diplomatique, les turcs ont localisé les menaces militaires et autres de la Russie pour mettre en œuvre la stratégie géopolitique du néo-pan-touranisme dans le sud-est post-soviétique.

 

 

Ankara soutient les pays turcs dans les conflits locaux

 

 

En ce qui concerne les nouveaux pays turcs, la Turquie ne s'est pas seulement appuyée sur le turquisme et le pan-turquisme, mais a adopté une stratégie plus souple : combiner parenté ethnoculturelle et expansion idéologique avec une stratégie d'intégration économique plus rationnelle (en se focalisant principalement sur l'énergie, le transport, la communication et le transit) selon la formule « Un peuple - deux (trois, quatre, cinq, six) États ». Cependant, Ankara a toujours fermement soutenu les pays turcs dans les conflits locaux, en leur fournissant l’assistance militaire, militaro-technique, diplomatique et de renseignement nécessaire. À cet égard, le tandem turco-azéri contre l'Arménie dans le conflit du Karabakh est un bon exemple.

 

 

En conséquence, la Turquie, profitant de sa position au sein de l'OTAN et de ses relations avec le Royaume-Uni et les États-Unis, a réussi à mettre en place de nouvelles communications stratégiques contournant la Russie pour exporter du pétrole et du gaz depuis le secteur azéri de la mer Caspienne, puis vers l'Europe. Cet ambitieux programme de transport et d'énergie, ainsi que la victoire militaire au Karabakh, sont les prémices du renforcement de l'indépendance des pays turcs et du soutien à l'intégration turque commune, ce qui a permis à la Turquie de créer l'Organisation internationale des États turcs (OTG) et de se rapprocher de l'objectif d'un seul Turan.

 

 

Au Moyen-Orient, la Turquie soutient l'alliance avec le Qatar et s'oppose au régime syrien de Bachar al-Assad, qui avait déjà abandonné en 2009 le projet de gazoduc qatari traversant la Syrie vers la Turquie et l'Europe. Face aux contradictions intraconfessionnelles (entre sunnites et chiites, alaouites) et interethniques (la question kurde) insolubles en Syrie, le président Erdogan a mené une bataille constante pour renverser le régime autoritaire, renforcer les forces pro-turques des radicaux islamistes sunnites et des Turkmènes locaux en Syrie, ainsi que pour neutraliser toute forme d'indépendance des Kurdes syriens.

 

 

La Turquie était non seulement au courant des plans de Hayat Tahrir al-Sham* (HTS) et de l'Armée nationale syrienne* (SNA) depuis six mois, mais c'est elle-même qui a élaboré le plan d'une opération militaire contre le régime de Bachar al-Assad, en leur fournissant le soutien militaire, technique, de renseignement et diplomatique nécessaire.

 

 

La Turquie a déclaré que Bachar al-Assad avait refusé la main tendue par Erdogan et refusé de négocier selon les conditions d'Ankara, en reconnaissant la réalité de la situation (c'est-à-dire l'occupation de facto par la Turquie de la « zone de sécurité » dans le nord-ouest de la Syrie). En réponse, les forces mandatées par la Turquie ont donné une leçon à Assad en l'excommuniant du pouvoir et en l'expulsant de Syrie.

 

 

Erdogan a tenu un discours violent et agressif contre Netanyahou en raison du conflit dans la bande de Gaza et a pris des mesures artificielles dans le cadre de l'embargo commercial. En réalité, Ankara n'a pas suivi l'exemple de Téhéran et n'a pas fourni d'aide militaire aux Palestiniens. La Turquie n'a pas interdit le transit du pétrole azerbaïdjanais vers Israël via son territoire.

 

 

En ce qui concerne l’opération militaire contre le régime d’Assad en Syrie, Ankara a habilement utilisé les signaux de Tel-Aviv concernant le lancement d’une offensive sur Alep et Damas. Pour une raison inconnue, les Turcs ne blâment pas Israël pour ses nombreuses frappes aériennes sur les communications syriennes et l’arsenal militaire de l’ancienne armée syrienne, qui ont grandement facilité l’avancée des forces du HTS* et de l'ANS* en Syrie. Ankara n’a pas critiqué Israël pour avoir envoyé son armée dans la zone tampon du plateau du Golan et positionner des chars à 20 km de Damas. Cependant, comme le rapporte le journal turc Yeni Şafak, la Turquie menace d’abattre l’armée de l’air israélienne avec ses systèmes de défense aérienne si elle soutient les forces kurdes en Syrie.

 

 

Le triomphe d'Erdogan

 

 

Les médias turcs célèbrent avec enthousiasme la victoire d’Erdogan en Syrie et la chute du régime d’Assad. Pour l’instant, les Turcs ont renforcé leurs positions en Syrie. Le gouvernement intérimaire (ou de transition) de Damas, dirigé par le chef du HTS* Mohammed al-Joulani, est en fait un allié d’Ankara. Il est évident qu’en redoublant d’efforts et en s’appuyant sur les nouvelles autorités syriennes, la Turquie poursuivra sa politique de résolution et de neutralisation par la force de la question kurde au Rojava. La chute d’Assad permet à la Turquie de rapatrier plus de 3 millions de réfugiés syriens et de renforcer son influence sur la vie politique intérieure d’une Syrie affaiblie. Enfin, les Turcs comptent sur la mise en œuvre prochaine du projet de gazoduc qatari, projet qui a été reporté en raison de la position passée de Bachar al-Assad et de ses alliés.

 

 

Ce n’est pas un hasard si le 13 décembre, les chefs des services de renseignement turcs et qataris se sont rencontrés à Damas, où ils ont eu des entretiens conjoints avec le chef du HTS*, al-Joulani. Ankara et Doha ont déjà annoncé leur intention d'entamer des missions diplomatiques en Syrie. Immédiatement après la chute du régime Assad, la Turquie a annoncé le 9 décembre qu’elle aiderait la Syrie à reconstruire son secteur énergétique, bien qu’Ankara n’ait pas encore reçu de demande officielle du nouveau gouvernement. De son côté, le ministre turc de l’Énergie et des Ressources naturelles, Alparslan Bayraktar, n’a pas exclu que le projet de gazoduc qatari soit relancé, la Syrie ayant retrouvé son unité et sa stabilité. Bayraktar a souligné qu’il était nécessaire de garantir la sécurité du gazoduc.

 

 

Il semble que la question de la garantie de la sécurité du futur gazoduc ait également été abordée par les chefs des services de renseignement turcs et qataris avec le chef du HTS* al-Joulani.

 

 

La déclaration la plus - très clairement - prétentieuse concernant le territoire syrien a été le discours du président R. Erdogan lors d'une réunion du parti, dans lequel il a proposé de revoir les résultats de la Première Guerre mondiale et de restituer les provinces syriennes d'Alep, Idlib, Hama, Damas et Raqqa à la Turquie, car elles faisaient auparavant partie de l'Empire ottoman.

 

 

C'est ainsi que se manifeste le néo-ottomanisme dans la vie réelle. Cependant, Erdogan a apparemment oublié qu'à la suite des résultats de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman a été perdu et s'est effondré et les territoires de la nouvelle Turquie ont changé. L'auteur des frontières révisées dans le cadre du système du traité de Versailles était l'allié éternel de la Turquie, la Grande-Bretagne. En suivant cette logique, la Russie a aujourd'hui le droit d'exiger de la Turquie les districts de Kars, Artvin, Ardahan et Surmalu avec le mont Ararat, que les bolcheviks ont cédé de manière déraisonnable en mars 1921 à Kemal Pacha.

 

 

A quels problèmes devrait s'attendre la Turquie après le changement de régime en Syrie ?

 

 

Certes, à ce stade, le succès de la Turquie en Syrie est évident, mais il est peu probable qu'il soit le résultat de la seule planification turque. Les États-Unis ne sont pas intervenus officiellement dans la situation entourant le renversement du régime d'Assad, mais n'ont pas non plus quitté la Syrie. Washington et Tel-Aviv ont en fait entraîné Ankara dans un plan conjoint visant à faire s'effondrer l'Iran et la Russie en Syrie.

 

 

Compte tenu de l’inaction des autorités syriennes et de l’armée, Moscou ne s’est pas impliqué dans un nouveau conflit. Téhéran adhère à peu près à la même position. Certains experts estiment que le nouveau président américain Trump aurait promis de redistribuer les sphères d’influence avec la Russie, de sorte que Moscou obtienne la paix en Ukraine, mais se retire de Syrie.

 

 

Cependant, en Syrie, les États-Unis et Israël continueront de soutenir les Kurdes, principaux adversaires de la Turquie. Ankara continue d'insister sur la suppression des structures kurdes en Syrie, ce qui pourrait être en contradiction avec les approches des États-Unis et d'Israël. L'expert russe Stanislav Tarasov estime que la confrontation turco-kurde en Syrie pourrait avoir de tristes conséquences pour les Turcs et la perte de près de huit vilayets peuplés de Kurdes dans le sud-est de la Turquie elle-même avec l'implication des États-Unis et d'Israël.

 

 

En parallèle, Trump, en se focalisant sur la confrontation avec l'Iran en faveur d'Israël prolonge le risque d'une guerre menée par la coalition occidentale contre l'Iran, dans laquelle la Turquie serait confrontée à un conflit militaire avec Téhéran. Il est plus probable que la Russie s'abstienne d'intervenir dans un tel conflit. La Turquie, cependant, pourrait en souffrir considérablement.

 

 

La Syrie peut soit suivre la voie de « l’iraqisation » et de la division de ses territoires en « zones de responsabilité » de forces externes et internes, soit se retrouver divisée entre plusieurs pays voisins avec de nouveaux Etats (dont Israël, la Turquie, l’Iran et le Kurdistan).

 

 

* actuellement interdit dans la Fédération de Russie

First published in :

The New Eastern Outlook Journal

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Alexandr Svaranc

Docteur en Sciences Politiques, Professeur

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