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Diplomacy

Syrie : vivre sous le toit d’un État unifié

Les Syriens célèbrent après le renversement du régime d'Assad, la guerre au Moyen-Orient, les rebelles et les islamistes, Porta Nigra à Trèves, Allemagne, 08.12.2024

Image Source : Shutterstock

by Yury Zinin

First Published in: Jan.06,2025

Jan.24, 2025

Au Moyen-Orient, une vague de commentaires et de rapports a inondé le paysage médiatique et les réseaux sociaux suite au coup d'État en Syrie et à l'arrivée au pouvoir de nouvelles forces. Ces réactions sont le reflet d’une mosaïque où opinions, perspectives et raisonnements foisonnent et divergent.

 

 

Parmi cette multitude d’opinions, on remarque une tendance à célébrer la « victoire du peuple syrien, opprimé depuis des décennies ». En parallèle, l'euphorie des commentateurs face à la chute inattendue du régime est contre-balancée par la crainte de la nature incertaine et imprévisible de l'avenir du pays.

 

 

Des titres d’articles tels que « La Syrie : Pas de vainqueur », « La Syrie s’éloigne du chemin vers la résurrection » et « La Syrie d'aujourd'hui dans l'ombre de la division interne » résument ces sentiments. Des analystes régionaux prédisent divers scénarios contradictoires quant à l'avenir du pays : l'un prédit une transition pacifique et sans effusion de sang vers un nouveau système de gouvernance, tandis qu’un autre voit la Syrie sombrer dans le chaos et une résurgence des conflits et tensions comme inévitable.

 

 

Ce qu'Ash-Sharaa proclame

 

 

De nombreux auteurs concentrent leur attention sur la biographie, les actions et les déclarations du chef de « Hayat Tahrir al-Sham* » (HTS), Al-Joulani - le leader officiel du groupe, qui depuis le coup d'État, est au pouvoir. On remarque que des modifications sont apportées à l’image publique de Al-Joulani. En effet, Al-Joulani a combattu sous la bannière d'Al-Qaïda* en Irak, a passé cinq ans dans une prison américaine et a récemment remplacé son nom de guerre par son vrai nom, Ash-Sharaa.

 

 

Selon le journal libanais Al-Akhbar, ses apparitions publiques et ses interviews sont réalisées dans le but d’attirer l’attention d’un public extérieur et étranger. Il s'agit en premier lieu de l'Occident, puis des États du Golfe, d'Israël, des pays voisins et des acteurs influents en Syrie, tels que l'Iran et la Russie.

 

 

Tout ce qu'Ash-Sharaa communique a pour but de faire passer le message qu'il n'est plus l'homme que beaucoup ont connu. Il exprime son désir d'entretenir de bonnes relations avec la communauté internationale.

 

 

À Damas, les portes ont été ouvertes à des délégations de plusieurs pays européens et des États-Unis. L'objectif de ces visites était d'établir des canaux de communication avec les nouveaux dirigeants de la Syrie.

 

 

Ces derniers jours, les nouveaux dirigeants ont déroulé le tapis rouge pour les diplomates en visite des pays arabes, notamment l'Arabie saoudite, la Jordanie et le Qatar. Le Qatar a proposé de fournir une assistance technique pour la reprise des vols commerciaux et a exprimé son intérêt pour des investissements dans divers secteurs de la Syrie, y compris l'énergie.

 

 

La Jordanie s'est déclarée « prête à soutenir la Syrie dans des domaines tels que le commerce, la sécurité des frontières, l'approvisionnement en électricité, etc. Il semble également que les délégations arabes en visite à Damas ne soient pas disposées à laisser le champ libre à l'implication active de la Turquie en Syrie ou à lui permettre d'imposer sa vision et son programme politiques au peuple syrien.

 

 

Les pays occidentaux tentent de définir l’approche à adopter pour entretenir des relations avec la nouvelle administration syrienne. Ils attendent d'évaluer ses politiques et ses actions avant d'envisager de lever les sanctions imposées à Damas.

 

 

À la suite d'une rencontre avec Ash-Sharaa, un représentant américain a annoncé que de la récompense (élevée à 10 millions de dollars) offerte précédemment pour toute information permettant de Al-Joulani. Malgré cela, HTS* reste sur la liste américaine des organisations officiellement reconnues comme terroristes.

 

 

Les nouvelles autorités syriennes envoient des signaux positifs 

 

 

Les nouvelles autorités syriennes semblent désireuses d'envoyer des signaux positifs en mettant l'accent sur « la justice sociale et l'égalité entre toutes les composantes religieuses et ethniques ». Ces efforts visent à rassurer la communauté internationale, à obtenir une reconnaissance et à ouvrir la voie à une coopération officielle.

 

 

Les experts et les analystes politiques jugent ces signaux encourageants. Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Émirats arabes unis, a qualifié de « raisonnables et rationnelles » les déclarations sur l'unité nationale et les promesses du HTS de ne pas imposer ses idées à tous les Syriens. Il a toutefois exprimé des inquiétudes quant à la nature des nouvelles forces et à leurs liens historiques avec des groupes tels que les Frères musulmans* et Al-Qaida*.

 

 

Yousef al-Dini, éminent chercheur saoudien sur l'islam politique et l'extrémisme, a analysé les tweets de personnalités djihadistes, y compris les déclarations d'Ash-Sharaa. Il en a conclu que le principal problème auquel est confronté le HTS réside dans les combattants étrangers et mercenaires qui sont toujours dans ses rangs. Ces individus ont eu du mal à s'adapter, n'ayant pas le pragmatisme dont font preuve leurs chefs, a-t-il noté.

 

 

Les médias du Moyen-Orient soulignent l'atmosphère de prudence et d'anticipation qui règne actuellement dans la société syrienne. Les bouleversements soudains ont pris beaucoup de gens au dépourvu, perturbé les perceptions établies et présenté des scénarios qui n'excluent pas l’arrivée de tensions.

 

 

Comme le rappellent les sociologues arabes, la Syrie abrite seize groupes raciaux et ethniques, dont les Arabes, les Kurdes, les Circassiens, les Druzes, les Chiites, les Alaouites, les Chrétiens, les Yazidis et d'autres encore. L'histoire du peuple syrien l'a destiné à vivre imbriqué dans un tissu social commun, préservant l'héritage culturel de l'ancien Levant.

 

 

Le nouveau régime syrien est confronté à un défi de taille. Pour survivre et se maintenir, il doit transformer sa rhétorique en réalité, devenir un État national officiellement reconnu, où vivent en harmonie et ensemble des civils aux cultures et idées différentes.

 

 

*Organisations interdites sur le territoire de la Fédération de Russie

First published in :

The New Eastern Outlook Journal

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Yury Zinin

Yury Zinin, chercheur principal au Centre d'études sur le Moyen-Orient et l'Afrique de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO) du ministère des affaires étrangères.

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