Diplomacy
Ostraciser Minsk n’est peut-être pas dans l’intérêt de l’Occident
Image Source : Wikimedia Commons
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First Published in: Mar.20,2024
May.13, 2024
Publication : Eurasia Daily Monitor Volume : 21 Numéro : 43
Résumé :
- La rigidité politique associée aux réactions occidentales envers Minsk a non seulement limité tout impact positif, mais menace également de compromettre les “fondements stratégiques de l’État du Bélarus" au nom des “préoccupations actuelles”.
- Les sanctions imposées par l'Occident ont restreint les ressources économiques de Minsk, la forçant ainsi à dépendre davantage des entreprises et des routes commerciales russes.
- La question autour de l’indépendance de la Biélorussie où d’une potentielle transformation en tant qu’une colonie russe sera déterminée en fonction de la durée pendant laquelle Minsk et Moscou resteront du même côté du rideau de fer.
Tout porte à croire que la politique occidentale à l'égard de la Biélorussie nécessite un regard neuf. La répression des manifestations postélectorales en 2020 et le rôle de la Biélorussie dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine ont suscité de sévères réactions de l'Occident envers Minsk, ainsi qu'un soutien sans failles à l'opposition.
Cependant, la rigidité politique qui caractérise ces réactions occidentales a entravé leur efficacité et compromet désormais les intérêts stratégiques fondamentaux de l'État biélorusse au nom des “préoccupations actuelles”. (source : EDM, 14 mars).
Prendre des mesures basées sur certaines de ces préoccupations peut s'avérer contre-productif. Par exemple, le 1ᵉʳ mars, la Lituanie a fermé deux nouveaux postes frontières biélorusses et a interrogé les migrants biélorusses sur la fréquence de leurs voyages en Biélorussie et sur leur position à l'égard du régime d'Alexandre Loukachenko. Ces mesures limitent les contacts des biélorusses avec l'Occident et alimentent les critiques des actions extérieures envers Minsk. L'historien russe Alexander Dyukov, dans une interview accordée à RuBaltic, souligne qu'avant 2020, Vilnius était une “destination de week-end” pour certains Biélorusses. Toutefois, la situation des personnes aisées qui ont décidé de s'installer en Lituanie de façon permanente, est tout à fait différente. De plus, ces nouveaux arrivants semblent adhérer à l'idéologie selon laquelle le Grand-Duché de Lituanie, dirigé par Vilnius, était un état protobiélorusse dont la Lituanie actuelle a usurpé le nom (RuBaltic, 10 mars). La question selon laquelle cette idéologie est répandue parmi les biélorusses de Lituanie demeure en suspens, mais il est peu probable qu'elle constitue une menace pour le pays.
Les implications stratégiques du semi-blocus imposé par les voisins occidentaux de la Biélorussie (source : Russia.post, 30 août 2023 ; voir EDM, 14 mars) pourraient être encore plus critiques que l'interprétation hostile du litvinisme par Dyukhov. Certains commentateurs biélorusses de l'opposition semblent prendre ces implications au sérieux et les utilisent pour sensibiliser les membres de la communauté biélorusse émigrée. Lors d'une récente session hebdomadaire de questions/réponses avec Zerkalo, Artyom Shraibman a répondu à la question suivante : "Certains pensent qu'en cas d’une disparition du régime de Poutine, la Russie sera trop occupée pour se préoccuper de la Biélorussie, et que le régime biélorusse tombera. Cependant, comme les entreprises russes s'emparent de tous les biens de la Biélorussie, il est peu probable que le pays veuille s'en défaire. Dans ce cas précis, la Biélorussie a-t-elle vraiment une chance de ne pas devenir une colonie russe dans un avenir proche ?" M. Shraibman a réfuté l'idée selon laquelle les actifs des entreprises russes biélorusses sont de nature à faire de ce pays une colonie russe. Il a fait référence à des prises de contrôle hostiles de participations russes par Minsk, telle que Belagazprombank en 2020 et l'arrestation par les autorités biélorusses du PDG de la société russe de potasse Uralkalii, Vladislav Baumgaertner, en 2013 (source : EDM, 4 septembre 2013).
Dans les deux cas, Moscou n'a pas riposté. Selon M. Shraibman, il est important de noter que l’État de la Russie est devenue le principal acheteur des marchandises biélorusses. De ce fait, toutes leurs exportations nécessitent désormais un transit exclusivement russe, étant donné que les routes lituaniennes, lettonnes et polonaises sont bloquées. Cette dépendance accrue renforce la dépendance des entrepreneurs biélorusses aux pratiques et aux normes commerciales russes (source : YouTube, 7 mars). L'avenir de la dépendance de la Biélorussie dépendra en grande partie de la durée pendant laquelle Minsk et Moscou resteront du même côté du rideau de fer.
L'évolution de la situation de l'autre côté de ce nouveau fossé de la Biélorussie n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. À la mi-février, Elvira Mirsalimova, résidant à Vitebsk et fervente partisane de la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, a été arrêtée pour avoir diffusé des symboles nazis sur son compte Telegram. Elle a reposté un message sur les prétendus "trophées de l'armée ukrainienne" trouvés par le journaliste russe pro guerre Vladlen Tatarsky, décédé l'année dernière à Saint-Pétersbourg. Parmi ces "trophées" figurait un drapeau orné d'une croix gammée qui aurait été découvert dans des abris abandonnés par l'armée ukrainienne et sur lequel Vladlen Tatarsky a été photographié (source : Facebook/Mirsalimova, 8 mars). L'ironie de la situation est que Tatarsky et Mirsalimova étaient tous deux des partisans de l'expansionnisme russe, en contradiction avec leurs discours "antinazie" (source : Zerkalo, 5 mars ; Belsat, 8 mars).
Valer Karbalevich, de Radio Free Europe/Radio Liberty, explique que cette affaire découle du fait que, malgré son inscription officielle, la manifestation de soutien à l'intégration entre le Belarus et la Russie rencontre des limites à Minsk. Tout dépassement de ces limites est passible de sanctions. Karbalevich rappelle un cas de 2016 parus dans trois articles dans des médias russes, où trois citoyens biélorusses ont été emprisonnés pour avoir dénigré la nation. (source : Svaboda, 11 mars). Il souligne également que Loukachenko a monopolisé le flanc pro-russe de la scène politique biélorusse. Malheureusement, ni Karbalevich ni Shraibman ne reconnaissent qu’en Biélorussie, il existe essentiellement deux communautés distinctes, chacune adhérant à des récits historiques différents, et revendiquant toutes deux la représentation de "l’idée Biélorussie". D'un côté, de nombreux Biélorusses souscrivent à l'interprétation russo-centrée de l'État biélorusse ; de l'autre, la plupart des Biélorusses de l'opposition adhèrent au récit "occidental" (source : The Jamestown Foundation, 20 décembre 2019). Loukachenko revendique le leadership du segment russo-centré de la société, bien que les sondages favorables à l'Occident aient montré que ce dernier segment était numériquement plus important que son homologue (source : Belorusskaya Natsionalnaya Identichnost, décembre 2022).
Si tel est le cas, la réponse à la question de savoir qui est le mieux à même de protéger de la Biélorussie d'une absorption par la Russie n'est pas évidente. Après tout, en protestant contre les élections truquées de 2020, l’opposition n'a pas manifesté de préférence géopolitique claire. Elle est devenue manifestement prooccidentale lorsqu'elle a été chassée de la Biélorussie. Cependant, l'opposition a peu, voir pas d'influence sur l'évolution de la situation dans le pays. En revanche, le bilan de Loukachenko comprend des déclarations et des actions s'opposant à l'expansionnisme russe. Par exemple, l'éviction de l'ambassadeur russe à Minsk, Mikhail Babich, en avril 2019, était motivé par le fait qu'il semblait traiter un pays indépendant comme une subdivision de la Fédération de Russie. (source : EDM, May 1, 2019).
Pour l'Occident, exclure la possibilité d'un engagement officiel avec Minsk ne fait plus aucun sens. Non seulement un tel engagement soutiendrait l'existence de l'État biélorusse et limiterait sa fusion à la Russie, mais il faciliterait également la libération des prisonniers politiques biélorusses.
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Grigory Ioffe est né et a grandi à Moscou, en Russie, et est diplômé de l'Université d'État de Moscou où il s'est spécialisé en géographie humaine. Il a émigré aux États-Unis en 1989. Depuis 1990, il est affilié à l'Université de Radford, en Virginie, où il est professeur de géographie. Le Dr Ioffe est actif dans les études biélorusses depuis 2002. Il est l'auteur et le co-auteur de plusieurs articles à comité de lecture sur la Biélorussie, notamment « Intérêt géostratégique et promotion de la démocratie : preuves de l'espace post-soviétique » dans Europe-Asia Studies (2013). ); « Debating Belarus: An Economy in Comparative Perspective » dans Eurasian Geography and Economics (2011) (co-écrit avec Viachaslau Yarashevich) ; ainsi que « La Biélorussie et l'Occident : de l'éloignement à la lune de miel » dans le Journal of Communist Studies and Transition Politics (2011). Le livre d'Ioffe, Understanding Belarus and How Western Foreign Policy Misses the Mark, a été publié par Rowman et Littlefield en 2008 et de nouveau en 2014. Publié en 2014 par Palgrave Macmillan, son livre Reassessing Lukashenka: Belarus in Cultural and Geo Political Context est basé sur de nombreux entretiens avec le dirigeant biélorusse. Ioffe est également co-auteur de la troisième édition du Dictionnaire historique de la Biélorussie, publié par Rowman et Littlefield en 2018. Il écrit régulièrement sur la Biélorussie pour l'Eurasia Daily Monitor.
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