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Defense & Security

Anniversaire de l'OTAN 2024 - 75 ans de l'alliance de défense

Les drapeaux nationaux des membres de l'OTAN flottent devant le siège de l'organisation à Bruxelles, en Belgique, le 3 avril 2023.

Image Source : Shutterstock

by Christina Bellmann

First Published in: Apr.04,2024

May.13, 2024

Ce qui est attendu des États membres d'ici l’anniversaire de l'Alliance, qui se tiendra à Washington du 9 au 11 juillet. 

 

75 ans après sa création, l'OTAN est confrontée à un ensemble de défis sans précédent. Le contexte sécuritaire mondial évolue rapidement, marqué par des événements tels que la guerre en cours en Ukraine et des élections cruciales de part et d’autre de l'Atlantique. Ce sommet ne sera pas uniquement une célébration du passé, mais aussi un moment crucial pour définir la future direction de l'Alliance.

 

- L'OTAN traverse une période délicate à l'approche de son 75ᵉ anniversaire. D'un côté, elle est loin d'être au point mort et continue d'assurer la protection des nouveaux membres. D'un autre côté, elle fait face à d'énormes défis compte tenu de la guerre en Ukraine.

 

- Au cours de cette troisième année de conflit, la situation militaire en Ukraine est préoccupante. Les forces armées sont fortement sollicitées et les partenaires européens fournissent une aide trop lente et insuffisante.

 

- Il est impératif pour l’Occident de renforcer son soutien afin d'influencer l'issue du conflit, ce qui déterminera également le comportement futur de la Russie envers ses voisins.

 

- Les élections prévues des deux côtés de l'Atlantique en 2024, en particulier l'élection présidentielle américaine de novembre, auront une incidence décisive sur l'avenir de l'OTAN.

 

- Deux tiers des États membres de l'OTAN sont en bonne voie pour atteindre l'objectif de consacrer 2 % de leurs dépenses nationales à la défense. Cependant, l'Allemagne doit veiller à atteindre cet objectif à long terme.

 

- Il incombe désormais aux dirigeants des grandes nations telles que l'Allemagne, la France et la Pologne de promouvoir une dynamique en matière de défense européenne. Ils doivent présenter un bilan solide en matière de répartition des responsabilités au futur président américain et éviter que l'Ukraine, ainsi que l'ordre sécuritaire européen, ne soient laissés pour compte.

La situation de l'Alliance avant le sommet

L'OTAN fait face à des défis majeurs à la veille de son 75ᵉ anniversaire. D'un côté, elle a prouvé sa capacité à agir depuis le début de l'affrontement russe, et a montré qu’elle ne resterait pas les bras croisés face à la situation. Les deux derniers membres,  la Finlande et la Suède, ont renoncé à leur neutralité de plusieurs décennies, étant convaincu qu’elles obtiendraient une plus grande protection auprès des 30 membres de l’OTAN face aux agressions russes, même si elles possèdent déjà une force militaire solide. D’autre part, le processus d'admission de ces deux pays a été plus long que prévu en raison du niveau élevé en matière de conformité aux normes de l'OTAN des deux pays. Il a fallu vingt mois depuis le dépôt de leur demande pour que leurs drapeaux flottent devant le siège de l'OTAN à Bruxelles, en raison notamment du blocage interne de la Turquie et de la Hongrie. Cela met en évidence le défi que représente le maintien d'un front uni face à la menace russe pour l'Alliance.

 

Une décision a été prise à Vilnius en 2023, ayant pour objectif de consacrer au moins 2 % des dépenses annuelles de défense en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) et même de surpasser ce chiffre. Ce chiffre représente un effort colossal pour les membres de l'alliance, ce qui constitue le principal reproche de ses sceptiques. La mise en œuvre de cet objectif va de pair avec le développement continu de la position de défense, également décidé à Vilnius. Cela inclut la conception de nouveaux plans de défense régionaux visant à renforcer les forces de combat et à accroître leur déploiement plus rapidement. Le sommet de Washington permettra de présenter les progrès réalisés par l'Alliance au cours de cette année écoulée. Afin de combler les écarts entre les objectifs et les possibilités réelles, devraient donc être couverts par des investissements allant au-delà des contributions de 2 % du PIB. Par ailleurs, plusieurs autres événements et facteurs significatifs influenceront aussi ce sommet.

La situation militaire de l’Ukraine

Au cours de la troisième année de conflit, la situation militaire en Ukraine est grave. Les affrontements ont largement évolué vers une guerre de position, entraînant des pertes élevées des deux côtés. Le retard de l’assistance Occidentale signifie que les Ukrainiens doivent se contenter d’une quantité de matériel nettement inférieure à leurs besoins en matière de défense. Alors que l’Union européenne n’a pas tenu sa promesse de livrer un million d'obus de 155 millimètres d'ici mars 2024, la Russie, par son économie de guerre, produit des équipements en masse. Ce déséquilibre se répercute durement sur les capacités de défense ukrainiennes : le manque de matériel entrave la capacité à déloger les positions russes et à repousser les attaques, tandis que les troupes ukrainiennes sur le front font face à une fatigue extrême. Le président Volodymyr Zelensky est soumis à une pression croissante pour mobiliser de nouvelles forces sur le front. En conséquence, l'armée ukrainienne est contrainte de céder du terrain afin de préserver ses ressources matérielles et humaines et d'adopter une position défensive le plus longtemps possible pour les semaines et les mois à venir, jusqu'à l’arrivée rapide des renforts, espérons-le. (1)

 

L'initiative tchèque visant à fournir à l'Ukraine un demi-million de cartouches de calibre 155 millimètres et 300 000 cartouches de calibre 122 millimètres d'ici juin 2024 devient une nécessité urgente. Cependant, malgré des efforts produits, cela ne change pas le constat selon lequel l'Europe et l'Occident livrent trop peu et trop lentement les matériaux, ils doivent se poursuivre (2). Même si les États-Unis et l'Europe produisaient à plein régime, cela ne représenterait que la moitié de ce que la Russie produit et reçoit en soutien de la part de ses alliés. Le renforcement urgent du soutien occidental revêt une importance capitale tant pour l'issue du conflit que pour le comportement futur de la Russie à l'égard de ses voisins.

Élections à venir

À l'approche du sommet, une série d'élections significatives se tiendront des deux côtés de l'Atlantique. Les élections présidentielles américaines de novembre 2024 revêtiront une importance capitale pour l'avenir de l'OTAN. Jusqu'à présent, les États-Unis ont été le principal soutien militaire de l'Ukraine, et leur poids dans la coordination du soutien effectif des pays de l'OTAN est indéniable. Le chancelier allemand s'est souvent tourné vers les fournitures d'armes américaines dans le cadre du soutien de l'Allemagne, voire en a fait une modalité de son propre engagement (3).

 

 

Alors que les démocrates du Congrès américain continuent de soutenir les programmes d'aide à l'Ukraine, le Parti républicain est fortement influencé par les voix du candidat à la présidence Donald Trump, qui préconise de laisser cette "guerre européenne" aux Européens et de se concentrer plutôt sur les problèmes intérieurs (4). Cette situation a conduit la Chambre des représentants des États-Unis, dirigée par une très faible majorité de républicains, à bloquer pendant des mois toute aide supplémentaire d'un montant de 60 milliards de dollars américains. L'Ukraine a un besoin pressant de ces fournitures pour pallier les pénuries de munitions et de défense aérienne. Au moment de la publication de cet article, aucun déblocage des fonds n'est en vue. Sur le plan de la politique étrangère, il existe un consensus bipartisan selon lequel le véritable danger pour les États-Unis réside dans un conflit systémique avec la Chine. Parmi les partisans républicains, le sentiment de frustration face à la poursuite de la guerre en Ukraine s’accroît, tandis que la volonté d'apporter un soutien supplémentaire à l'Ukraine diminue. Cet état d’esprit concerne aussi l'opinion publique générale : entre avril 2022 et septembre 2023, l’opinion selon laquelle, les États-Unis en font "trop" pour l'Ukraine est passé de 14 % à 41 % (5).

 

Du côté européen, l'étape la plus cruciale pour le maintien du soutien à l'Ukraine est l'élection du nouveau Parlement européen, prévue du 6 au 9 juin 2024. Depuis le début du conflit, les taux d'approbation dans l'UE en faveur du soutien à l'Ukraine sont restés remarquablement stables (6). Même face à des défis économiques parfois difficiles dans les 20 États de la zone euro, le taux en faveur du maintien du soutien apporté à l'Ukraine n'a que légèrement baissé dans quelques pays de l'UE, partant d'un niveau élevé.

 

Tandis que les groupes politiques majeurs du Parlement européen (PPE, S&D et Renew) sont unis dans leur soutien à l'Ukraine et à l'alliance transatlantique, les positions en matière de politique étrangère et de sécurité des partis d'extrême droite des groupes ECR et ID, ainsi que des non-inscrits, ne sont pas toujours claires. D’après Nicolai von Ondarza et Max Becker de l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), le groupe parlementaire ECR "joue largement un rôle constructif et compatible" en matière de politique étrangère et de sécurité, notamment sur les questions liées à l'OTAN et à l'Ukraine. En revanche, certaines factions du groupe parlementaire ID, telles que le Rassemblement national (RN) français ou l'AfD allemande, ont voté contre les propositions hostiles envers la Russie ou se sont abstenues lors de votes parlementaires (7). Selon Olaf Wientzek de la Fondation Konrad Adenauer, l'ECR et l'ID pourraient enregistrer des gains significatifs lors des prochaines élections européennes (8). En termes de nombres, les groupes ID et ECR sont en concurrence avec Renew pour devenir la troisième force politique la plus importante derrière le PPE et le S&D. Selon les estimations actuelles, ils disposent chacun de 80 à 90 sièges. Il est également possible que le Fidesz hongrois, actuellement non-inscrit (avec 13 députés), rejoigne à la fois l'ECR et l'ID.

 

Étant donné le rôle croissant de codécision du Parlement européen, notamment pour l'approbation des nouveaux programmes de soutien à l'Ukraine, il est crucial pour l'UE de comprendre la position des différents partis et des alliances politiques en matière de politique étrangère et de sécurité (9). En effet, les partis affiliés à la faction ID sont souvent accusés de diffuser la propagande russe en Europe, cherchant à influencer par le biais de la désinformation, de la subversion et de la manipulation, et ainsi à miner le consensus social sur des questions telles que l'Ukraine et l'OTAN (10). Ces tendances peuvent également se manifester lors d'élections individuelles, comme celles qui auront lieu dans les États de l'Allemagne de l'Est en septembre 2024.

Faut-il prioriser la défense lors de pression économique ? 

L'inflation mondiale a atteint en moyenne 6,2 % en 2023, avec des prévisions actuelles anticipant une baisse des taux d'inflation dans la région euro-atlantique entre 2024 et 2026 (11). Dans le même temps, la croissance économique mondiale prévue de 3,1 % en 2024 et de 3,2 % en 2025 reste en deçà des prévisions de reprise post-pandémique (12). Cette hausse de prix à la consommation et le ralentissement de la reprise économique continue de susciter le risque d'une baisse de l'approbation d'un soutien fort au sein des populations des États européens qui soutiennent l'Ukraine. Les manifestations qui ont suivi l'annonce de restriction dans divers domaines politiques en Allemagne et en Europe au cours de cette année ont illustré ce point. Ainsi, établir des priorités en matière de dépenses de défense à l'échelle nationale pour les années à venir n'est pas une tâche facile. Dans le cas de l'Allemagne, le budget de la défense est en rivalité avec toutes les autres priorités lors des négociations budgétaires pour 2025, qui demandent une augmentation des dépenses sociales et des investissements compte tenu des charges qui pèsent actuellement sur la population (13).

 

Par ailleurs, l'inflation ne se limite pas aux achats militaires. Dès 2022, l'Allemagne a été contrainte d'annuler plusieurs projets d'acquisition prévus en raison de l'augmentation des coûts (14). Cette hausse des coûts impacte également l'entretien des équipements et du personnel existants. Même si l'Allemagne atteint en théorie l'objectif de dépenses de défense de 2 % en 2024, les augmentations des dépenses de défense nationale au sein de l'Alliance seront en fait inférieures lorsqu'elles seront ajustées à l'inflation.

La menace systémique émanant de la Chine

La montée de la confrontation systémique avec la Chine n'est pas uniquement présente dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis. Pour la première fois, l'OTAN a désigné la Chine comme une menace concrète dans son plan stratégique de 2022. La Chine menace d'annexer l'île de Taïwan, gouvernée démocratiquement, potentiellement, par des moyens militaires (15), ce qui pourrait entraîner des répercussions à l'échelle mondiale et perturber gravement les routes maritimes internationales. Les inquiétudes concernant les routes de libres échange, entraînent une convergence des perceptions de la menace de part et d'autre de l'Atlantique. En conséquence, de nombreux partenaires européens réévaluent leurs relations avec la Chine, à l'instar de l'Allemagne dans sa politique à l'égard de la Chine.

 

L'ambition globale de la Chine de remodeler l'ordre multilatéral selon ses propres normes n'affecte pas seulement l'indépendance de Taïwan. La domination chinoise dans des secteurs techniques et industriels essentiels, ainsi que dans les infrastructures cruciales, les matières premières rares et les chaînes d'approvisionnement, intensifierait les dépendances existantes. Les États-Unis, qui perçoivent la Chine comme une menace systémique pour l'ordre international, la liberté et la prospérité, ont recentré leurs efforts depuis l’entrée en fonction du président Obama. Par conséquent, on attend des partenaires européens de l'OTAN qu'ils investissent davantage dans la sécurité de l'Europe. Un partage plus équitable des charges par les Européens permettrait aux États-Unis de concentrer leurs efforts sur la région indo-pacifique.

Des défis d'une nouvelle dimension

Outre les défis géopolitiques évoqués précédemment, l'OTAN a désigné l'espace en 2019 comme un champ de bataille supplémentaire aux champs déjà existants (terre, air, mer et cyberespace), en raison de son importance croissante (16). Au cours des dernières décennies, la Chine a considérablement étendu sa présence dans l'espace, tant dans le secteur privé que militaire (17). La guerre en Ukraine a une fois de plus souligné l'importance des renseignements par satellite et des armes connectées au combat.

 

Par ailleurs, les effets du changement climatique provoqués par l’homme, qui ont également un impact sur la sécurité dans la zone de l'alliance euro-atlantique, sont devenus de plus en plus visibles. Lors du sommet de l'OTAN de 2021 à Bruxelles, l'Alliance s'est engagée à devenir un acteur majeur dans la compréhension des effets du changement climatique sur la sécurité et dans son adaptation à ces impacts (18). Pour cela, elle a adopté le "Plan d'action sur le changement climatique et la sécurité".

 

Les devoirs des pays de l'OTAN

 

La réussite du sommet de l'OTAN en 2024, marquant l'anniversaire de l'Alliance, serait un signal important de cohésion et de capacité de défense de l'Alliance euro-atlantique face à la violation du droit international par la Russie, dans un contexte de concurrence systémique. Les États membres de l'OTAN font face à une situation de menace complexe avant le prochain sommet à Washington D.C. Cela entraîne diverses attentes :

Davantage de membres de l'OTAN doivent atteindre l'objectif des 2 %.

D’un point de vue financier, le succès du sommet de Washington sera probablement défini par le nombre significatif d'États membres atteignant l'objectif de dépenses de défense de 2 %. En 2023, onze pays ont atteint cet objectif (Pologne, États-Unis, Grèce, Estonie, Lituanie, Finlande, Roumanie, Hongrie, Lettonie, Royaume-Uni et Slovaquie) (19). En février 2024, lors d'une réunion du groupe de contact sur l'Ukraine à Bruxelles, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé que 18 pays atteindraient cet but d'ici le sommet (20). L'Allemagne, les Pays-Bas, la République tchèque, la Bulgarie, le Danemark, l'Albanie et la Macédoine du Nord font partie des pays qui ont récemment atteint cet objectif (21). Avec la nouvelle adhésion de la Suède, le nombre total s'élève dorénavant à 19.

 

Atteindre l'objectif des 2 % de dépenses de défense n'est pas une fin en soi. Le débat au sein de l'OTAN sur la pertinence de ce but numérique et sur la nécessité d'évaluer plutôt les capacités réelles apportées par les différents États membres n'est pas récent. Les sommes utilisés pour mesurer la défense collective demeurent le moyen le plus simple d'évaluer le partage des charges au sein de l'OTAN. Tant que tous les pays n'auront pas atteint ce but, elles resteront des paramètres pertinents dans le débat politique.

 

Du point de vue de l'OTAN, l'écart entre les moyens requis dans les plans de défense et les effectifs enregistrés par les États membres s'est considérablement creusé ces derniers temps. En réalité, il n'y a pas d'autre solution que d'augmenter les dépenses de défense afin d’équiper correctement le personnel requis, qui devrait être placé sous l’autorité du commandant suprême des forces alliées de l'OTAN (SACEUR) en cas d'urgence. Du point de vue militaire, il est donc de plus en plus urgent que l'objectif de 2 % soit considéré comme étant le minimum requis. Pour atteindre toutes les compétences requises, des apports plus important de la part de tous les pays sont nécessaires.

 

En raison de la menace et de la pression politique, il est possible que 21 pays, soit deux tiers des États membres, atteignent l'objectif des 2 % d'ici le sommet de l'OTAN à Washington. En plus des 19 pays mentionnés précédemment, on compte aussi la France (22) et le Monténégro (23). La Turquie souhaite atteindre cet objectif d'ici 2025 (24), bien que cet engagement soit incertain en raison de sa situation économique difficile. L'Italie prévoit de dépenser 2 % d’ici les deux prochaines années (25), tandis que la Norvège devrait l’atteindre d'ici 2026 selon le Premier ministre Jonas Gahr Stoere (26). La Slovénie s'est fixée l'échéance de 2027 pour respecter ses engagements (27), tandis que le Portugal, l'Espagne et la Belgique ont fixé cette échéance pour 2030. Le Canada (1,38 %), la Croatie (1,79 %) et le Luxembourg (0,72 %) n'ont encore fourni aucun d'information.

Réduire la bureaucratie et accélérer la passation des marchés

Sur le plan matériel, l'objectif principal est de transformer la hausse des dépenses de défense “matériel agricole” dans les délais impartis. Pour y parvenir, il est impératif d'accélérer les processus de planification et d'acquisition dans de nombreux pays européens, tout en les rendant moins bureaucratiques et mieux coordonnés. La défense européenne commune nécessitera d'importantes améliorations dans les années à venir. Bien que des annonces aient été faites lors de la campagne préélectorale pour le Parlement européen, là aussi, l’importance est la façon dont les annonces seront mises en œuvre après les élections. Des avancées sont également nécessaires dans le domaine de la recherche et du développement pour investir de manière judicieuse les ressources limitées dans des systèmes de pointe.

 

Dans de nombreux cas, il faudra aussi trancher pour prendre des décisions concernant le développement collectif concernant l'achat d'équipements prêts à l'emploi. Pour ce faire, il est essentiel de repenser les marchés publics européens. Cette responsabilité incombe principalement aux États membres européens : il est urgent de conclure des contrats sur le long terme avec l'industrie de la défense, d'établir des coopérations et d'accorder des prêts pour la production.

Renforcement de la coopération UE-OTAN et de la politique de partenariat de l'OTAN

Le concept stratégique de l'OTAN et la boussole stratégique de l'UE présentent une forte convergence dans l'analyse des menaces. L'UE dispose de points de départ et d'outils efficaces, notamment pour faire face à des défis transversaux tels que la lutte contre le changement climatique, la menace d'attaques hybrides et la protection des infrastructures sensibles. Grâce à la Facilité européenne de soutien à la paix et à d'autres initiatives, un cadre institutionnel solide a été établi pour renforcer le pilier européen de l'OTAN et contribuer à un partage plus équitable des responsabilités de l'Atlantique. L'UE et l'OTAN devraient intensifier les échanges sur les défis communs et exploiter les avantages de leurs organisations respectives.

 

En plus du partenariat avec l'UE, les États membres devraient continuer à promouvoir la politique de partenariat de l'OTAN. 2024, marque le 25ᵉ anniversaire de l'élargissement de l'OTAN à l'Est et le 30ᵉ anniversaire de son programme de Partenariat pour la paix. Dans un contexte de confrontation mondiale avec la Russie et une Chine de plus en plus offensive, il est intéressant de se pencher sur les dispositifs conçus pendant la guerre froide pour trouver des partenaires extérieurs à l’Alliance partageant les mêmes idées. La politique de partenariat de l'OTAN, adaptée aux nouvelles circonstances, constitue un outil idéal pour établir des liens étroits avec les nations démocratiques de l'Indo-Pacifique partageant les intérêts et les valeurs de l'OTAN (28).

Investir dans l'interopérabilité

L'OTAN doit persévérer dans son rôle de "gardien des règles" pour favoriser l'interopérabilité militaire. Les exercices majeurs de cette année, dans le cadre de "Steadfast Defender 2024" et "Quadriga 2024", mettront en lumière les faiblesse encore existantes dans les différentes facettes de l'interopérabilité lors des évaluations pratiques. De plus, il faut veiller à garantir que les avancées militaires réalisées par les pays pionniers au sein de l'OTAN ne laissent pas les autres alliés à la traîne sur le plan technologique. L'objectif n'est pas de freiner le progrès technologique dans une course effrénée, mais plutôt de permettre aux États membres moins avancés en recherche et développement de combler rapidement leur retard. En particulier dans des domaines tels que la technologie spatiale et l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les conflits, il est de plus en plus crucial de réduire l’écart technologique entre les membres de l'alliance.

Qu'est-ce que cela signifie pour l'Allemagne ?

L'annonce du chancelier fédéral le 27 février 2022, concernant la création d'un fonds spécial de 100 milliards d'euros, a été largement saluée en Allemagne et au sein de l'OTAN comme étant un tournant dans la politique de sécurité du pays face à l'agression russe. Lors de son discours, Olaf Scholz a insisté sur le fait que ces dépenses ne visaient pas à satisfaire les alliés, mais à servir la sécurité nationale de l'Allemagne. Cependant, la menace aiguë qui pèse sur la sécurité européenne demeure et, bien que l'objectif de l'OTAN soit atteint en 2024, l'avenir du budget de la défense de l'Allemagne est loin d'être assuré.

 

Investir dans les capacités de défense de la Bundeswehr est essentiel pour garantir une dissuasion convaincante. Il est crucial de jeter les bases dès maintenant pour assurer des dépenses de défense durables dans la planification financière à moyen terme de l'Allemagne. Sans quoi, l'objectif des 2 %, basé sur l'état des dépenses du fonds spécial, pourrait devenir irréalisable d'ici 2026, lorsque le budget fédéral ordinaire redeviendra une référence pour le calcul de l'objectif de l'OTAN. Étant donné que le budget pour 2025 ne sera pas encore défini lors du sommet de l'OTAN en juillet 2024, le chancelier devra s'engager de façon convaincante auprès des alliés à ce que l'Allemagne ne prenne pas de retard.

 

La Bundeswehr devra relever le défi de parvenir aux niveaux de troupes annoncés dans les nouveaux plans de défense. Actuellement, le nombre de militaires, hommes et femmes, stagne à un peu moins de 182 000 (29). Pour pouvoir fournir la brigade en Lituanie en plus des forces requises au niveau national et respecter l'engagement de division pour 2026, la Bundeswehr doit se rapprocher significativement de l'objectif de 203 300 femmes et hommes d'active d'ici 2027 (30). Cependant, la question de savoir combien des 182 000 soldats sont réellement disponibles et prêts à faire partie de la brigade en Lituanie, et combien sont déployables en cas d'urgence, n'a même pas été posée à ce stade.

L'aspect crucial maintenant réside dans le leadership politique.

La situation sécuritaire en Europe est grave et l'OTAN ne manque pas de défis en cette 75ᵉ année d'existence. Elle est en bonne position pour relever ces défis et a accueilli dans ses rangs deux nations fortes, la Finlande et la Suède. Cependant, il est désormais important de ne pas relâcher les efforts qui ont été consentis. Une position extérieure commune est essentielle à effet, comme l'actuel secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, ne se lasse pas de le souligner. Son successeur devra poursuivre dans cette voie. L'expression anglaise "put one's money where one's mouth is" (il est temps de laisser place à l’action) doit être le credo de tous les pays européens de l'OTAN en vue des élections américaines de la fin de l'année, quel qu'en soit le résultat.

 

En fin de compte, c'est le leadership politique qui prime au sein de l'alliance dans pratiquement tous les domaines mentionnés, et son importance est cruciale en ce moment précis. De nombreux petits pays européens se tournent vers les grands États membres tels que l'Allemagne, la France et la Pologne pour leur servir d'exemple. Cela vaut autant pour le respect durable de l'objectif des 2 % que pour les accords politiques et la coopération dans le domaine de l'armement. Dans ce contexte, les grands États jouent un rôle de modèle et de leader, capable d'influencer et de mobiliser l'ensemble de l'Alliance. Ce leadership politique sera plus importance que jamais pour les représentants européens au sein de l'OTAN en 2024. Pourtant, il est légitime de se demander si le manque de leadership actuel pourra être comblé avant le sommet de l'OTAN. L'Allemagne, la France et la Pologne n'ont pas encore pu développer de position commune coordonnée susceptible d'avoir un impact positif. Par conséquent, il est également légitime de se demander si le sommet de l'OTAN sera capable de transmettre des messages importants au-delà des objectifs de base. L'élection présidentielle américaine pèse autant qu’une épée de Damoclès, car le style de leadership imprévisible d'un autre président américain, Donald Trump, pourrait être difficile à concilier aux objectifs stratégiques de l'alliance.

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Éditeur : Konrad-Adenauer-Stiftung e. V., 2024, Berlin

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Produit avec le soutien financier de la République fédérale d'Allemagne.

Références

1 Reisner, Markus: So ernst ist die Lage an der Front. In: Streitkräfte und Strategien Podcast, NDR Info, 12.03.2024, online unter: https://ogy.de/0ne7

 

2 Zachová, Aneta: Tschechische Initiative: Munition für Ukraine könnte im Juni eintreffen. Euractiv, 13.03.2024, online unter https://ogy.de/gofh

 

3 Besonders eindrücklich bleibt das Beispiel der Lieferung schwerer Waffen in Erinnerung: so rang sich Bundeskanzler Scholz zur Freigabe der Lieferung Leopard-Panzer deutscher Fertigung erst nach amerikanischer Zusage von Abrams-Panzern von militärisch zweifelhaftem Mehrwert durch.

 

4 Dress, Brad: Ramaswamy isolates himself on Ukraine with proposed Putin pact. In: The Hill, 01.09.2023, online unter: https://ogy.de/c9ow

 

5 Hutzler, Alexandra: How initial US support for aiding Ukraine has come to a standstill 2 years later. ABC News, 24.02.2024, online unter https://ogy.de/h0z6

 

6 Grand, Camille u.a.: European public opinion remains supportive of Ukraine. Bruegel, 05.06.2023, online unter https://ogy.de/ipbu

 

7 von Ondarza, Nicolai und Becker, Max: Geostrategie von rechts außen: Wie sich EU-Gegner und Rechtsaußenparteien außen- und sicherheitspolitisch positionieren. SWP-aktuell, 01.03.2024, online unter: https://ogy.de/a62v

 

8 Wientzek, Dr. Olaf: EVP-Parteienbarometer Februar 2024 - Die Lage der Europäischen Volkspartei in der EU. Konrad-Adenauer-Stiftung, 06.03.2024, online unter https://ogy.de/fv9b

 

9 s. Footnote 7

 

10 Klein, Margarete: Putins „Wiederwahl“: Wie der Kriegsverlauf die innenpolitische Stabilität Russlands bestimmt. In: SWP-Podcast, 06.03.2024, online unter: https://ogy.de/7i5s

 

11 Potrafke, Prof. Dr. Niklas: Economic Experts Survey: Wirtschaftsexperten erwarten Rückgang der Inflation weltweit (3. Quartal 2023). ifo-Institut, 19. Oktober 2023, online unter: https://ogy.de/wunq

 

12 Umersbach, Bruno: Wachstum des weltweiten realen Bruttoinlandsprodukts (BIP) von 1980 bis 2024. Statista, 07.02.2024, online unter: https://ogy.de/5ohz

 

13 Petersen, Volker: Ampel droht Zerreißprobe: Vier Gründe, warum der Haushalt 2025 so gefährlich ist. N-tv, 07.03.2024, online unter: https://ogy.de/9fcl

 

14 Specht, Frank u.a.: Regierung kürzt mehrere Rüstungsprojekte. Handelsblatt, 24.10.2022, online unter: https://ogy.de/71z3

 

15 Vgl. Wurzel, Steffen u.a.: Worum es im Konflikt um Taiwan geht. Deutschlandfunk, 12.04.2023, online unter https://ogy.de/ddc1

 

16 Vogel, Dominic: Bundeswehr und Weltraum - Das Weltraumoperationszentrum als Einstieg in multidimensionale Operationen. Stiftung Wissenschaft und Politik, 01.10.2020, online unter: https://ogy.de/c7m1

 

17 Rose, Frank A.: Managing China‘s rise in outer space. Brookings, letzter Zugriff am 18.09.2023, online unter https://ogy.de/374g

 

18 Vgl. Kertysova, Katarina: Implementing NATO’s Climate Security Agenda: Challenges Ahead. In: NATO Review, 10.08.2023, online unter: https://ogy.de/ho94

 

19 Vgl. Statista: Defense expenditures of NATO countries as a percentage of gross domestic product in 2023. Abgerufen am 18.09.2023 online unter https://ogy.de/wtsb

 

20 Neuhann, Florian: Ukraine-Kontaktgruppe in Brüssel: Eine Krisensitzung - und ein Tabubruch? ZDF heute, 14.02.2024, online unter https://ogy.de/rezf

 

21 Mendelson, Ben: Diese Nato-Länder halten 2024 das Zwei-Prozent-Ziel ein. Handelsblatt, 15.02.2024, online unter https://ogy.de/quiu

 

22 Kayali, Laura: France will reach NATO defense spending target in 2024. Politico, 15.02.2024, online unter https://ogy.de/7vdd

 

23 https://icds.ee/en/defence-spending-who-is-doing-what/

 

24 Vgl. Daily Sabah: Türkiye’s defense spending expected to constitute 2% of GDP by 2025. 21.10.2022, online unter https://ogy.de/xtbr

 

25 Vgl. Decode39: Defence spending: Rome’s path towards the 2% target. 20.07.2023, online unter https://ogy.de/c0g3

 

26 Waldwyn, Karl: Norwegian defence chief sounds alarm and raises sights. In: Military Balance Blog, International Institute for Strategic Studies, 23.06.2023, online unter https://ogy.de/8b4a

 

27 Vgl. Army Technology: Russian threat driving Slovenia’s defence budget increase. 02.08.2022, online unter https://ogy.de/c5y7

 

28 Vgl. Kamp, Dr. Karl-Heinz: Allianz der Interessen. In: IP, Ausgabe September/Oktober 

 

29 Vgl. Bundeswehr. Stand: 31.07.2023, abgerufen am 19.09.2023, online unter: https://ogy.de/m69j

 

30 Bundeswehr: Ambitioniertes Ziel: 203.000 Soldatinnen und Soldaten bis 2027. Online unter https://ogy.de/3pzs


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KAF - Konrad Adenauer Foundation

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Christina Bellmann

Christina Bellmann est chargée des relations transatlantiques au sein de la division Politique internationale et sécurité depuis janvier 2023. Auparavant, elle a travaillé pendant trois ans comme consultante pour la politique européenne et le dialogue multilatéral au sein du département Europe/Amérique du Nord. À ce titre, elle a animé le « MultiPod », un podcast de la Konrad-Adenauer-Stiftung sur la coopération internationale, dans lequel des collègues et des experts de la KAS parlent une fois par mois de sujets et d'institutions multilatérales. D'avril 2018 à novembre 2019, Mme Bellmann a été stagiaire/directrice adjointe du programme de dialogue politique régional du Caucase du Sud basé à Tbilissi, en Géorgie. Auparavant, elle représentait la coordinatrice du programme KAS Global Rule of Law à Berlin à partir de mai 2017. Mme Bellmann est titulaire d'une maîtrise en relations internationales de la Freie Universität Berlin, de la Humboldt-Universität zu Berlin et de l'Université de Potsdam, ainsi que d'un baccalauréat en relations internationales. en arts libéraux et sciences de l'Université d'Utrecht (Pays-Bas). Au cours de ses études, elle a acquis une expérience internationale en Australie ainsi qu'une expérience pratique en tant qu'étudiante travaillant à la Conférence de Munich sur la sécurité et au siège du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères.

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