Energy & Economics
Les droits de douane sont-ils, avant tout, le salut du libre-échange ?
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Energy & Economics
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First Published in: May.27,2024
Jul.29, 2024
Les droits de douane sont-ils le salut du libre-échange ?
Nous pouvons envisager des tarifs sélectifs, mais pas de tarifs préventifs
-Les préoccupations liées aux dépendances économiques occultent de plus en plus les avantages d'un commerce mondial ouvert.
- Dans la situation géopolitique actuelle, il peut y avoir des cas où les dépendances de la politique commerciale (par exemple dans le cas des terres rares) peuvent être atténuées par l'intervention de l'État.
- Dans ce contexte, les droits de douane ciblés constituent la meilleure option. Les subventions visant à développer les capacités de production nationales sont nettement moins efficaces, plus coûteuses et nuisent le principe du marché.
- La protection des droits de douane pour les industries dont les produits sont largement disponibles sur le marché mondial, telles que les industries automobile et sidérurgique, doivent être rejetés.
- L'objectif fondamental doit être la préservation d'un commerce mondial fondé sur des règles, conformément aux directives de l'OMC. Toute forme d'intervention de l'État doit être justifiée par des données solides.
Le contexte
Lors de la récente visite du chef du parti chinois Xi Jinping en Europe en mai dernier, les préoccupations liées aux dépendances économiques ont été à nouveau largement discutées. Elles sont perçues comme une menace pour la "sécurité économique" de l'Allemagne et de l'Europe. Ce qui est parfois négligé, ce sont les arguments en faveur d'une division mondiale du travail qui restent valables : elle favorise la prospérité générale en permettant à certains pays et régions de se spécialiser dans la production de biens spécifiques sans avoir à produire tout eux-mêmes.
Cependant, il est également vrai que les dommages économiques peuvent largement compenser ces avantages. Par exemple si la Chine utilise ses dépendances économiques comme levier politique et, dans le pire des cas, cesse de fournir des biens pour lesquels elle a le quasi-monopole, comme les terres rares raffinées et certains autres métaux fondus. Cependant, cela ne s'applique pas aux secteurs comme les voitures électriques, l'acier ou les cellules solaires.
La raison de ces quasi-monopoles est simple : les entreprises chinoises exportent ces produits à des prix si compétitifs qu'il n'est pas rentable de les produire ailleurs dans le monde. Si cela était uniquement dû à une meilleure efficacité des entreprises chinoises, la réponse adéquate serait de redoubler d'efforts pour améliorer notre propre compétitivité. Cependant, dans le cas des terres rares provenant de Chine, l'avantage des producteurs chinois est en grande partie attribuable à des subventions directes et indirectes.
Dans un tel environnement où les producteurs chinois bénéficient d'avantages considérables en termes de coûts grâce à des soutiens accordés par le pouvoir politique, il n'est pas intéressant pour les entreprises privées en dehors de la Chine de développer leurs propres capacités de production de terres rares, par exemple. Même en cas d'augmentation des prix rendant la production économiquement viable, cela ne serait pas rentable : les entreprises chinoises soutenues par l'État peuvent facilement traverser des périodes de prix bas. Le mécanisme habituel du marché, où les entreprises offrant les solutions les plus compétitives survivent, ne s'applique pas ici. Même les méthodes de production technologiquement supérieures ne parviennent pas à s'imposer en raison des subventions chinoises.
Les réactions possibles
La meilleure solution économique est sans aucun doute que l'État ne réagisse pas du tout et qu'il considère comme un avantage la disponibilité de produits très bon marché destinés à la consommation nationale ou à la transformation. Le fait que les produits en question aient été rendus moins chers grâce à l'argent des contribuables chinois peut être accepté avec gratitude. Ce serait une véritable et audacieuse compétition systémique que de ne pas réagir avec les mêmes instruments, mais de maintenir un système d'économie de marché et d'exploiter ainsi les faiblesses de cette stratégie.
Une réaction encore justifiable dans le cadre de l'économie sociale de marché consisterait à façonner politiquement des structures économiques de manière à faciliter le développement d'innovations offrant des alternatives à l'utilisation des matières premières en question. Il s'agirait, par exemple, de processus de recyclage favorables. Dans la plupart des cas, de telles innovations sont possibles. Toutefois, leur introduction et leur application sont nettement plus coûteuses que l'importation de produits standard en provenance de Chine.
Si la dépendance à l'égard de la Chine n'est vraiment pas justifiable dans des cas particuliers, il existe deux possibilités d'intervention de l'État sous forme de subventions ou de droits de douane. Dans de rares cas, ils peuvent être justifiés, mais ne sont pas prévues dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les indicateurs importants pour évaluer les dépendances incluent le manque de substituabilité du produit importé, le degré de concentration de l'offre dans un pays et l'importance du produit pour l'économie nationale.
Toutefois, l'intervention de l'État pour protéger les sites de production nationaux, comme envisagé pour les voitures électriques ou l'acier, semble explicitement injustifiable. L'offre de ces produits est suffisamment diversifiée sur le marché mondial et il n'y a pas de dépendance à l'égard d'un seul pays.
Effets économiques des droits de douane et des subventions
Les tarifs douaniers et les subventions visent tous deux à compenser la différence de prix par rapport aux concurrents étrangers plus abordable. Les tarifs douaniers renchérissent les importations, tandis que les subventions rendent la production nationale moins chère par le biais de subventions publiques. Les deux ont un effet négatif sur le bien-être, mais les conséquences sont plus néfastes dans le cas des subventions.
La figure 1 utilise un exemple schématique (qui n'est pas basé sur des données empiriques), pour illustrer l'effet d'une réduction des coûts de production des terres rares en Allemagne par rapport au prix des importations en provenance de Chine (pays 1) par le biais de subventions.
Grâce aux subventions, les entreprises subventionnées peuvent désormais produire des terres rares à partir de minerais en Allemagne de manière économiquement viable. Les alternatives moins coûteuses, telles qu'importer des terres rares d'autres pays où utiliser d'autres solutions techniques, restent plus onéreuses et sont peu utilisées. Bien que l'objectif de réduire les dépendances soit atteint, il se fait à un coût élevé pour les contribuables, nécessitant des sommes importantes.
Dans cet exemple, on examine la voie la plus coûteuse possible pour mettre en évidence les conséquences négatives. En réalité, il est peu probable que le chemin le moins cher en termes économiques soit subventionné. Il existe toujours de nombreux fournisseurs et solutions techniques différentes, ce qui signifie que toutes les options ne sont souvent pas connues ou ne peuvent être développées que sur le long terme. Ainsi, il est peu probable que les bénéficiaires idéals des subventions soient sélectionnés. Un avantage est accordé pour une demande précise, sélectionnée de manière relativement arbitraire, au détriment d'autres demandes. Cela fausse l'efficacité du marché et diminue par conséquent la compétitivité du secteur.
Étant donné que les subventions compensent un désavantage concurrentiel, il est peu probable que des recettes fiscales supplémentaires élevées soient générées. Les fonds dépensés ne sont plus disponibles pour d'autres investissements publics, entraînant une perte de bien-être à cette échelle. Seules les entreprises subventionnées en profitent et le prix auquel les terres rares peuvent être achetées en Allemagne ne change pas.
Il est également envisageable de subventionner la production à l'étranger pour réduire la dépendance à l'égard d'un seul pays. De tels modèles sont testés à travers des "partenariats pour les matières premières", par exemple. Cette approche peut être nettement moins coûteuse que de subventionner la production nationale. Dans l'exemple (Figure 1), seule la différence de prix d'importation nettement inférieure du “pays 2” devrait être subventionnée. Cependant, les autres inconvénients des subventions énumérés ci-dessus s'appliquent aussi dans ce cas. En particulier, il est encore plus difficile d'obtenir toutes les informations nécessaires pour les projets à l'étranger, rendant moins probable le choix de l'option la plus rentable.
Les droits de douane ciblés mentionnés ici sont destinés à adresser les dépendances à l'égard des approvisionnements d'un pays spécifique. Les autres importations ne sont pas concernées. Dans cet exemple, l'importateur paie un supplément sur les terres rares importées, rendant son produit, fabriqué à partir de ces terres rares, plus cher sur le marché intérieur. Les fabricants étrangers qui ne sont pas soumis aux droits de douane deviennent ainsi plus compétitifs.
Si le taux de tarif était ajusté de manière à compenser le désavantage concurrentiel de l'option la plus coûteuse (la transformation des métaux en Allemagne, dans ce cas précis) le taux de droit de douane sur les importations en provenance de Chine serait très élevé. Cependant, les consommateurs de terres rares allemandes auraient toujours accès à d'autres options considérablement moins chères. Par conséquent, la transformation des métaux en Allemagne demeurerait non rentable, tandis que les importations (provenant non plus de Chine, mais du pays 2) continueraient à être nettement plus abordables. Néanmoins, la différence de prix par rapport à la méthode de traitement la moins chère en Allemagne, comme le recyclage (figure 2 dans l'exemple), ne serait plus aussi significative. Cela faciliterait ainsi la viabilité économique de cette méthode par le biais d'une expansion de l'échelle ou de l'adoption de solutions techniques innovantes.
En réalité, l'introduction de droits de douane ne dirigerait pas tous les achats vers un seul pays ; cela n'est réalisable nulle part. Il en résulterait un mélange de différents fournisseurs, ce qui rendrait plus intéressante la recherche d'innovation en Allemagne. Dans ce modèle, les clients peuvent suivre l'évolution de la structure des prix entre les différents fournisseurs et processus au fil du temps, le meilleur processus (ou le deuxième meilleur, si le meilleur est utilisé en Chine) domine alors sur le marché.
La perte de prostérité découle du fait que la consommation ou la transformation ultérieure des produits importés devient plus coûteuse d'au moins la différence par rapport à la deuxième source d'approvisionnement la moins chère. Toutefois, le volume de la perte de prospérité est nettement inférieur à celui engendré par les subventions. On peut faire valoir que les droits de douane augmentent les prix des produits au début de la chaîne d'approvisionnement, contrairement aux subventions. Bien que cela soit vrai, cela ne prend pas en compte le fait que le groupe beaucoup plus large d'entreprises et de consommateurs qui ne sont pas directement touchés ne subit pas de coûts supplémentaires directs dans le cas des droits de douane. Contrairement aux coûts des subventions qui sont supportés par leurs impôts.
Effets politiques des droits de douane et des subventions
En termes de conséquences politiques et structurelles, les subventions sont plus préjudiciables que les droits de douane ciblés. Cela est principalement dû au processus d'attribution des subventions aux entreprises individuelles. Une attribution "objective" est rarement possible et la procédure est souvent influencée par des relations personnelles, des pressions politiques et parfois même par la corruption directe. De plus, les subventions accordées uniquement dans un seul pays de l'Union européenne compromettent l'intégrité du marché unique européen.
Des problèmes similaires peuvent survenir avec les droits de douane lorsqu'ils sont utilisés pour protéger certaines industries nationales. Cependant, dans le cas de droits de douane ciblés et sélectifs, basés sur des critères clairement définis et objectifs tels que le degré de dépendance à l'égard d'un produit provenant d'un pays spécifique, il y a peu de place pour l'influence politique une fois que les critères sont établis. De plus, les droits de douane ne peuvent pas nuire au marché unique européen, car ils sont appliqués au niveau européen et sont conçus pour protéger les intérêts économiques de l'ensemble de l'Union européenne.
Conformité aux règles de l'OMC
La réduction des droits de douane et des subventions, conforme aux principes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et à ceux de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui l'a précédée, a été l'une des principales forces motrices de la réduction de la pauvreté mondiale au cours des dernières décennies et a contribué de manière significative à la prospérité de l'Allemagne. Ainsi, il est donc évident que les droits de douane et les subventions ne sont pas seulement en opposition avec les idéaux de l'OMC. En effet, ils contredisent aussi ses deux principes fondamentaux : les subventions à la production nationale vont à l'encontre du principe de non-discrimination, tandis que les droits de douane appliqués sélectivement à certains pays violent la clause de la nation la plus favorisée.
Les règles de l'OMC prévoient des exceptions pour ces deux principes. Par exemple, les membres de l'OMC sont tenus de notifier les subventions afin qu'elles puissent être examinées et contestées par d'autres pays si nécessaire. En principe, les subventions sont destinées, dans des circonstances restreintes, aux pays en développement, dont la Chine fait toujours partie. Cependant, la notification des subventions à l'OMC est devenue peu fiable. Par exemple, environ un tiers des membres, soit 64 pays, n'ont même pas notifié leurs subventions pour l'année 2017. Malgré cela, certaines subventions chinoises peuvent être légales selon les termes stricts des règles de l'OMC. Cependant, elles ne sont pas considérées comme légitimes, car l'objectif premier de l'OMC est de promouvoir la libéralisation du commerce mondial, et non de soutenir le contraire. De plus, même lorsque les subventions sont connues, l'OMC ne peut pas imposer de mesures juridiquement contraignantes à leur encontre en raison de l'actuel blocage du mécanisme de règlement des différends par les États-Unis.
Par conséquent, les États-Unis n'ont pas pris de mesures pour résoudre le problème persistant des subventions chinoises dans le cadre de l'OMC. Bien que des droits de douane aient été appliqués à certaines importations chinoises, l'IRA (Inflation Reduction Act) représente un vaste programme de subventions. Si le mécanisme de règlement des différends fonctionnait correctement, l'IRA serait très probablement jugée incompatible avec les règles de l'OMC. Cependant, avec ce mécanisme actuellement bloqué, de nombreux pays et régions du monde, y compris l'Allemagne et l'UE, réagissent en introduisant leurs propres programmes de subventions totalement contraires aux règles de l'OMC. La course actuelle aux subventions crée constamment de nouvelles raisons d'imposer des subventions en réponse à celles des autres. Cela ne fera que nuire davantage au système commercial multilatéral, qui a été particulièrement bénéfique pour l'Allemagne.
En revanche, les droits de douane ciblés, qui peuvent être utilisés pour compenser les désavantages concurrentiels causés par les subventions et qui ne sont donc appliqués qu'aux produits en provenance du pays subventionneur, sont fondamentalement conformes aux principes de l'OMC. Ils visent à contrebalancer les distorsions créées sur le marché mondial par les subventions. Par conséquent, les droits de douane sont généralement autorisés en réponse au dumping et aux subventions (6). Toutefois, en raison des difficultés actuelles liées au mécanisme de règlement des différends de l'OMC mentionnées précédemment, il est actuellement difficile de réagir efficacement aux subventions par le biais de droits de douane conformément aux règles de l'OMC. Face à cette situation juridique insatisfaisante, il convient de communiquer activement sur l'utilisation des droits de douane comme mesure de dernier recours. Parallèlement, des efforts considérables doivent être entrepris pour réformer l'OMC afin de renforcer son efficacité et sa capacité à réguler le commerce international de manière équitable.
Conclusion
L'argument selon lequel "nous voulons que certaines choses soient produites en Allemagne parce que nous pensons qu'elles ne nous seraient plus fournies en cas de crise" n'est pas un argument économique. La production pour des raisons stratégiques implique toujours une activité financièrement subventionnée, car si elle était rentable, le secteur privé s'en chargerait. Politiquement, cet argument est légitime, tout comme la tentative de diriger l'économie dans une direction politiquement acceptable par le biais de subventions. Cependant, cela va à l'encontre de l'idée d'une économie sociale de marché.
Si l'Allemagne et l'Europe souhaitent maintenir une économie sociale de marché et promouvoir un commerce multilatéral ouvert, la réponse économiquement sensée aux dépendances problématiques à l'égard de l'étranger, si nécessaire, serait d'imposer des tarifs douaniers ciblés et sélectifs. Cependant, les tarifs préventifs pour les sites de production nationaux ne sont certainement pas la solution.
Le gouvernement allemand devrait collaborer au sein de l'UE pour établir un cadre clair à cet égard et, simultanément, œuvrer à une réforme de l'OMC afin de réduire les subventions omniprésentes. Ce sont ces subventions, et non les droits de douane, qui représentent actuellement la plus grande menace pour le système commercial mondial ouvert que nous défendons.
Références :
1 Vgl. etwa die Darstellung der Abhängigkeiten von für die Energiewende nötigen Metallen in Cernicky (2022): https://www.kas.de/documents/252038/16166715/Energiewende+und+Protektionismus+-+Wie+gehen+wir+pragmatisch+mit+China+um.pdf/442ba770-d504-43cc-25f1-eaf7d970dfc1, genaue Zahlen vgl. etwa die Auflistung des BDI: https://bdi.eu/publikation/news/analyse-bestehender-abhaengigkeiten-und-handlungsempfehlungen/
2 Zum Versuch einer entsprechenden Bewertung vgl. etwa die von der KAS und dem Ifo-Institut durchgeführte Studie zu Abhängigkeiten in Lieferketten, Flach et al (2021): https://www.kas.de/de/analysen-und-argumente/detail/-/content/globale-wertschoepfungsketten
3 Art. III GATT
4 Art. I GATT/ WTO
5 WTO | 2023 News items - Members reiterate concerns on lack of transparency with subsidy notifications: https://www.wto.org/english/news_e/news23_e/scm_02may23_e.htm
6 GATT Art VI, Dumping und Ausgleichzölle
Publisher: Konrad-Adenauer-Stiftung e. V., 2024, Berlin Design: yellow too, Pasiek Horntrich GbR Produced with the financial support of the Federal Republic of Germany.
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Chef du Département Economie et Innovation
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