Diplomacy
Les BRICS réussiront-ils à façonner un nouvel ordre mondial ?
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First Published in: Dec.09,2024
Dec.09, 2024
Résumé
Les BRICS, en tant que groupe, sont apparus au début de ce siècle comme une économie importante au sein du système international qui est fondé sur l'hégémonie des puissances occidentales dirigées par les États-Unis d'Amérique. Avec l'émergence de ce groupe, les écrits politiques et économiques se sont diversifiés, tentant d'expliquer, d'une part, l'étendue de la capacité de ce dernier à rivaliser globalement avec les puissances occidentales pour se hisser au sommet de la pyramide hégémonique et, d'autre part, son rôle et son influence politique et stratégique qui lui permettent de faire face aux défis économiques, politiques et sécuritaires.
Avec la tenue du seizième sommet présidentiel du groupe dans la ville russe de Kazan du 22 au 24 octobre 2024 sous le slogan « Renforcer le multilatéralisme pour le développement, la sécurité et un monde équitable » et avec la participation des pays membres et d'un certain nombre d'autres pays et de représentants d'organisations internationales et de l'ONU, de nombreuses théories quant aux relations internationales ont tenté d'expliquer l'émergence et la montée en puissance de ce groupe, y compris la théorie de la transition des pouvoirs.
Cette étude se penche sur les BRICS, en se basant sur les informations ci-dessus et en s’appuyant sur l'interprétation de la théorie de la transition des pouvoirs, l'une des plus importantes théories sur les relations internationales qui soit capable de contribuer à l'élaboration d'interprétations de ce groupe.
Mots-clés
BRICS, théories des relations internationales, théorie de la transition des pouvoirs et sommet de Kazan.
Introduction
Depuis la création du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) en septembre 2006, et son premier sommet en 2009, et avec l'adhésion de l'Afrique du Sud en 2011 afin de devenir une entité qui comprend les économies à la croissance la plus rapide au monde, devenant ainsi les « BRICS », le groupe a fait son apparition en tant qu’alliance diplomatique et financière qui est de plus en plus importante pour le développement de nombreux pays, et il est également apparu comme une tentative d'échapper au contrôle de l'Occident d’un point de vue économique. Malgré leurs différences en termes d'appartenance géographique, de disparité économique, de niveau de production, et de disparité ethnique, religieuse et linguistique, les BRICS sont parvenus à trouver un moyen pour s'accorder et acquérir une influence géostratégique mondiale. Dans ce contexte, il est facile de remarquer les efforts sérieux et ambitieux dont les pays de ce groupe ont fait preuve pour établir un nouveau système international alors que le monde fait l'expérience d’importants changements radicaux.
Les pays actuellement sous la bannière du groupe : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, se présentent comme une alternative aux entités financières et politiques internationales existantes. Ces pays cherchent à se présenter comme les représentants des pays du Sud et comme « le modèle alternatif au G7 ».
De ce point de vue, le groupe a suscité l’attention chez bon nombre de chercheurs et universitaires dans divers domaines scientifiques, bien qu’il n’existe que depuis peu. En conséquence, cette étude tente, en s'appuyant sur les déclarations et les hypothèses de la théorie de la transition des pouvoirs, de déterminer la nature de ce groupe. Les BRICS peuvent-ils réussir à façonner un nouvel ordre mondial ?
Le problème de l'étude
Cette étude estime que la compréhension des BRICS ne requiert pas seulement une analyse minutieuse, mais aussi une compréhension théorique, car la réflexion théorique permet d'éviter les limites d'une interprétation purement empirique de la nature, et des mécanismes et perspectives de développement des BRICS. En conséquence, cette étude se concentre sur l'interprétation de la théorie de la transition des pouvoirs pour la montée du groupe, et sa position dans le système international face aux puissances occidentales dirigées par les États-Unis. Pour comprendre comment cette théorie envisage le groupe à travers ses propositions et ses hypothèses, il faut répondre aux questions suivantes : Les pays BRICS sont-ils une simple institution de coopération internationale qui s'inscrit dans la structure du système international existant, ou s'agit-il d'un mode de relations internationales radicalement différent qui pourrait réellement changer la politique mondiale actuelle ? Quelles sont les motivations des BRICS ? Le groupe peut-il devenir une alternative à l'hégémonie des puissances occidentales qui a été fondée selon le système actuel des institutions et systèmes internationaux ? Cette institution offrira-t-elle des conditions fondamentalement nouvelles susceptibles de conduire au développement d'une coopération internationale en contraste avec les politiques de puissance poursuivies par les États-Unis et leurs alliés ? Les BRICS peuvent-ils être considérés comme un nouveau mécanisme de gouvernance mondiale ou ne sont-ils rien d'autre qu'un arrangement gouvernemental international temporaire/éphémère ?
Par conséquent, en s’appuyant sur ces questions, cette étude examine une question majeure quant à la manière d'interpréter la théorie de la transition des pouvoirs vis-à-vis des BRICS.
Premièrement, la théorie de la transition des pouvoirs
Bien que de nombreux écrits s'intéressent à l’avenir de l'hégémonie mondiale, le rôle que jouent les BRICS devenant grandement important, les écrits n’accordent que peu d'attention quant à l'impact du processus de transition des pouvoirs sur l'avenir de cette hégémonie, d’un point de vue théorique, qui est susceptible de clarifier (de façon utile) la nature des défis imposés à la grande puissance lorsqu'elle exerce son hégémonie. L'étude examine ici cette théorie, et la capacité de celle-ci à expliquer la montée en puissance des BRICS et son potentiel à entraîner des changements dans le système international actuel. Pour ce faire, elle aborde le concept de transition du pouvoir, ses indicateurs et son application au groupe des BRICS.
(1) Le concept de transition de puissance
Organski a proposé la théorie de la transition des pouvoirs dans le but d'analyser la politique mondiale en présentant un système hiérarchique de puissances ou d'États au vue des proportions des ressources en matière de pouvoir et de la possibilité d'une guerre. Il décrit ainsi un système hiérarchique dans lequel tous les États sont connus en fonction de la répartition relative du pouvoir. La répartition du pouvoir varie entre des unités, et au sommet se trouve le groupe des nations dominantes dans lequel le pouvoir est concentré, et qui se trouvent donc au sommet de la pyramide, et qui contrôlent donc la plus grande proportion des ressources qui s'y trouvent, mais elles ne sont pas considérées comme la puissance hégémonique, parce qu'elles ne peuvent pas contrôler le comportement des autres acteurs puissants à elles seules, mais elles maintiennent leur position de puissance dominante en assurant la prépondérance du pouvoir en leur faveur face à la puissance concurrente potentielle, ainsi que leur capacité à gérer la politique mondiale selon les règles qui permettent d'assurer le profit de leurs alliés [1].
Dans la strate suivante de la pyramide du pouvoir, on trouve les pays appelés « grandes puissances », qui sont les principaux pays qui ne sont pas assez puissants pour dominer la politique mondiale, mais qui possèdent des qualités qui en font un concurrent potentiel de la puissance dominante. Ce groupe de grandes puissances se contente généralement de rester immobile tant qu'il entretient une alliance avec la puissance dominante ou hégémonique. Cependant, dans de nombreux cas, un certain nombre de ces grandes puissances ne sont pas satisfaites de rester dans la même strate que la puissance hégémonique, et cherchent donc à modifier leur statut international actuel (Kai, J. (2017)). Par conséquent, le concept de grande puissance insatisfaite - selon la description d'Organiski - est le groupe de pays qui ont atteint leur puissance maximale après que le système international actuel ait été complètement enraciné, et ils n'ont pas - par conséquent - eu une part ou une portion dans l'établissement de ce système international actuel, dont les avantages ont déjà été distribués. En outre, la puissance dominante et ses partisans ne sont généralement pas disposés à accorder aux nouveaux pays plus qu'une petite fraction des avantages qu'ils tirent du statu quo, et ces nouveaux venus cherchent donc à établir une nouvelle position pour eux-mêmes sur la scène internationale, ces pays sont notés comme augmentant rapidement leur puissance et sont censés continuer à croître, ce qui leur donne des raisons de croire qu'ils peuvent rivaliser avec la nation dominante - et parfois la dépasser - en termes de puissance. En outre, l'une des caractéristiques de cette catégorie de grandes puissances est qu'elles n'acceptent pas d'être marginalisées sur la scène internationale, surtout si leur quête d'hégémonie et de domination contribue à leur accorder davantage de bénéfices et privilèges [2].
Dans ce contexte, et au troisième et plus bas niveau de la pyramide de la puissance internationale, se trouve un groupe de pays appelés « puissances moyennes », qui sont considérés comme des pays relativement forts dans des régions géographiques spécifiques, mais qui n'ont pas la capacité de défier la nation dominante ou la structure du système international dans son ensemble. À la base de la pyramide du pouvoir on retrouve un groupe d'États appelés « petites puissances » et les colonies.
Ainsi, le concept de « transition de puissance » fait référence à « la perte de leadership d'un pays hégémonique dans le système international au profit d'un nouveau venu dont la puissance augmente rapidement ». Ce nouveau venu cherche donc à atteindre une position hégémonique. Pour qu'une transition de puissance se produise, le pays émergent doit posséder des éléments de puissance supérieurs à ceux du pays dominant, ou au moins égaux à ces derniers, et il doit donc s'efforcer de réduire l'écart entre ses capacités nationales et les capacités du pays hégémonique.
(2) Application de la théorie de la transition des pouvoirs au groupe des BRICS
La théorie de la transition des pouvoirs (PTT) est considérée comme l'approche théorique la plus populaire pour étudier les BRICS parmi les universitaires occidentaux. La PTT repose sur un certain nombre d'hypothèses, notamment que les changements dans l'équilibre des pouvoirs dans la politique mondiale sont systématiques, et que les conflits et les guerres sont généralement le résultat de l'influence croissante des pays qui rivalisent avec les puissances hégémoniques. À cet égard, tous les pays sont divisés en deux groupes : ceux qui soutiennent le statu quo et les « révisionnistes », qui sont le groupe des pays émergents insatisfaits du statu quo. Les pays puissants et influents, tels que les États-Unis, bénéficient des avantages de l'ordre mondial existant et entrent dans la catégorie du statu quo, tandis que les pays insatisfaits de leur statut et de leur rôle dans le système des relations internationales sont considérés comme des révisionnistes. Selon la PTT, ces derniers sont favorables à des changements radicaux dans l'ordre international actuel. En ce sens, la Russie et la Chine sont les principaux candidats aux pouvoirs révisionnistes, tandis que les partisans de la PTT considèrent le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud comme des pays aux ambitions révisionnistes « modérées » (essentiellement de nature régionale, bien que le Brésil et l'Inde aient quelques aspirations mondiales telles que leur intention de devenir des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU). Dans ce qui suit, l'étude examine l'application des indicateurs traditionnels et non traditionnels de la théorie de la transition de puissance aux BRICS.
A- Indicateurs de transition de puissance militaire pour la Russie et la Chine
La Russie, quant à elle, a réussi à moderniser sa force militaire et à doubler ses dépenses militaires grâce à d'énormes revenus pétroliers, ce qui a placé l'armée russe au deuxième rang mondial parmi les 138 armées les plus puissantes du monde, après l'armée américaine [3]. En mars 2021, l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a publié un rapport sur les exportations d'armes pour 2020, dans lequel il confirme la croissance des exportations d'armes américaines, françaises et allemandes contre un déclin des exportations d'armes russo-chinoises, mais le rapport s'attend à un boom des armes pour 2020, en particulier dans le sillage des milliards de dollars d'aide militaire fournis par l'Europe à Kiev. La guerre russo-ukrainienne a mis en évidence le caractère inévitable de l'augmentation des dépenses militaires, qui est directement proportionnelle à la croissance du marché de l'armement.
Quant à la Chine, son budget de défense a été révélé, car celle-ci ayant prévu d’augmenter de 7,2 % au cours de l'année 2023 son budget défense pour soutenir et développer ses capacités militaires, les menaces extérieures visant à la réprimer et à la contenir se sont multipliées. Le total de ses dépenses militaires s'élevant ainsi à 225 milliards de dollars, selon le projet de rapport budgétaire publié par la réunion annuelle de l'Assemblée populaire nationale de Chine, ce qui fait de cette hausse la plus rapide de l'histoire de la Chine depuis 2019 au vu de l’intensification des tensions avec les États-Unis d'Amérique.
B - Indicateurs de la transition de la puissance économique de la Russie et de la Chine
Le développement économique, que la Russie a connu sous l'ère Poutine, a été un tournant pour l'indépendance des décisions politiques, ce qui s'est clairement manifesté dans la stratégie de sécurité nationale russe et dans l'approche de la Russie face aux défis auxquels elle a été confrontée sur la scène internationale. En 2020, la production intérieure de la Russie s'élevait à environ 1,67 trillion de dollars, ce qui la plaçait au deuxième rang des économies les plus puissantes du monde (4) ; elle se classait également au troisième rang pour la production de pétrole, avec une part estimée à 12,1 % de la production mondiale, et au deuxième rang pour la production de gaz naturel, avec une part s'élevant à 17 %. Malgré les sanctions économiques imposées par l'Occident à la Russie suite à sa déclaration de guerre contre l'Ukraine, l'économie russe a su rebondir et reste l'une des principales puissances sur la scène internationale.
Quant à l'économie chinoise, elle a enregistré une croissance plus élevée que prévu au premier trimestre 2023, atteignant 4,5 % en glissement annuel, soutenue par les mesures prises par les décideurs politiques pour stimuler la croissance après la levée des strictes restrictions anti-Covid-19 en janvier 2023. Les ventes au détail au cours des deux premiers mois de l'année ont augmenté de 3,5 % par rapport à 2022, ce qui constitue un revirement face à la baisse de 1,8 % enregistrée en janvier 2023 par rapport à l'année précédente. Cette consommation sera le moteur de la reprise économique à un moment où la faiblesse de la demande mondiale pèse sur les exportations chinoises. Les investissements dans les infrastructures ont également augmenté de 9 % début 2023 par rapport à l'année précédente, sous l'effet des dépenses gouvernementales visant à soutenir l'économie (Bureau national des statistiques de Chine, 2023).
Selon la PTT, la Russie actuelle est un pays révisionniste typique qui pose de nombreux problèmes aux États-Unis et leurs alliés. Les menaces qu'elle fait peser sur les pays amis des États-Unis, tels que l'Ukraine, la Géorgie, la Pologne, les États baltes, la Finlande et la Suède, sont particulièrement importantes. Le problème est également exacerbé par la coopération de la Russie avec des « pays voyous », tels que la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord.
Alors que les puissances révisionnistes - la Russie et la Chine - sont considérées comme une source de déstabilisation du système international et que leurs activités sont automatiquement associées à des conséquences négatives, le comportement des pays hégémoniques ou dominants (statu quo) est considéré comme positif parce qu'ils remplissent des fonctions de protection au sein du système susmentionné.
C- Indicateurs de transition de puissance pour le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud
Les politiques révisionnistes « modérées » du Brésil, de l'Inde et de l'Afrique du Sud en tant que puissances moyennes s'expliquent principalement par leurs ambitions de remplir un rôle d'« hégémonie régionale » en Amérique du Sud, en Asie du Sud et en Afrique, respectivement. Cependant, contrairement au Brésil et à l'Afrique du Sud, qui n'ont pas de conflits « brûlants» avec leurs voisins et utilisent principalement leur arsenal de soft power pour atteindre des positions hégémoniques dans leurs zones d'influence, l'Inde est confrontée à des défis sécuritaires plus sérieux, notamment des conflits territoriaux avec la Chine et le Pakistan - et parfois des confrontations militaires avec ces derniers.
Il convient de noter que les politiques des différents pays du groupe sont évaluées différemment. Un certain nombre de partisans de la PTT considèrent les BRICS comme un outil qui permet à certains de ses membres d'asseoir leur statut de grande puissance et d'équilibrer l'Occident aux niveaux régional et mondial. Cependant, un autre groupe de partisans de la PTT voit la position internationale des BRICS différemment : alors que le Brésil et la Chine sont considérés comme des puissances montantes, la Russie et l'Afrique du Sud sont considérées comme des puissances en déclin en raison de leurs problèmes économiques. Toutefois, en réponse aux défis posés par la Chine et la Russie, un groupe de partisans du « appuyer-pour-parler » a proposé divers types de politiques d'endiguement, mais tous les théoriciens de la PTT ne considèrent pas les BRICS comme des puissances révisionnistes.
Certains voient même dans la politique de Poutine en Ukraine une stratégie de statu quo visant à garantir l'influence de la Russie dans l'espace post-soviétique et à contrebalancer l'expansion de l'OTAN vers l'Est [5]. Ces analystes estiment que ce sont les mêmes motivations (de statu quo) qui guident le comportement de Pékin et de Moscou au niveau mondial. Par exemple, Pékin et Moscou sont très sceptiques quant à la réforme des Nations unies, préférant préserver leur structure et leurs pouvoirs. Quant aux autres pays membres (Brésil, Inde, Afrique du Sud), ils expriment au contraire leur intérêt pour la réforme de l'ONU dans l'espoir d'améliorer leur statut au sein du Conseil de sécurité en particulier et du système onusien en général.
Les théoriciens partisans de l’approche pro PTT des BRICS, qui analysent le statu quo, estiment que bon nombre des problèmes des BRICS résultent du fait qu'ils n'ont pas été intégrés de manière égale dans le système de sécurité internationale qui a émergé dans l'ère de l'après-guerre froide. En d'autres termes, les pays occidentaux, menés par les États-Unis et l'Europe, ont franchi certaines des « lignes rouges » fixées par la Russie dans l'espace post-soviétique. Par exemple, le conflit armé en Géorgie en août 2008 a été une manifestation claire de cette politique occidentale 1. La guerre russo-ukrainienne, qui a débuté en 2014 par une crise et se poursuit toujours, en est un autre exemple. Lorsque les autorités de Kiev, arrivées au pouvoir après le renversement du régime de Ianoukovitch, ont déclaré publiquement leur intention de rejoindre l'Union européenne et l'OTAN, Moscou a réintégré la Crimée à la Russie et soutenu les rebelles pro-russes dans le Donbass (partie sud-est de l'Ukraine).
Du point de vue de ce groupe, la politique de la Russie est déterminée non seulement par ses intérêts géopolitiques, mais aussi par ses intérêts géographiques et économiques. En particulier, il existe une concurrence constante entre deux projets d'intégration - russe et européen - dans l'espace post-soviétique : l'Union économique eurasienne menée par Moscou et le programme de partenariat oriental mené par l'UE [6]. Les partisans de ce point de vue estiment qu'il est préférable de coopérer plutôt que d'affronter la Russie. La même approche a été proposée en ce qui concerne les autres pays membres du groupe, y compris, par exemple, l'initiative chinoise « Belt and Road » ou l'initiative « Nouvelle route de la soie ».
D- Le soft power dans les politiques des BRICS en tant qu'indicateur non conventionnel dans le concept de transition de puissance
En s’appuyant sur les hypothèses et les principes libéraux formulés par John Stuart Mill, Giuseppe Mazzini, Woodrow Wilson et John Maynard Keynes, et en s’aidant des concepts définis par Emmanuel Kant au XVIIIe siècle, des écrits qui apportent de la clarté sur les relations internationales, les théoriciens en faveur du néolibéralisme estiment que le concept de soft power expliquent mieux les BRICS. Aussi, ces théoriciens soulignent que contrairement à la guerre froide, époque durant laquelle de nombreux pays préféraient avoir recours au hard power (à savoir la puissance militaire), les instruments du soft power sont, eux, aujourd’hui devenus plus efficaces.
Les néolibéraux notent que la stratégie du soft power est intéressante pour les BRICS, et cela pour plusieurs raisons : Premièrement, elle peut les aider à surmonter l’image négative qu’ils reflètent sur la scène internationale, une image qui est le résultat de leur implication systématique dans une série de conflits internationaux (la Russie contre la Géorgie et l'Ukraine; la Chine contre ses voisins dans la mer de Chine méridionale; l'Inde contre le Pakistan, l'Afrique du Sud contre l'Angola et la Namibie). Deuxièmement, l'arsenal du soft power peut également être utile pour diversifier les méthodes d'expansion géopolitique et géoéconomique des BRICS et rendre ces méthodes plus efficaces.
Il convient de noter quelques détails spécifiques sur comment les BRICS perçoivent le concept de soft power. Tout d'abord, les BRICS ont une interprétation qui diffère de la signification initiale donnée par Joseph Nye. En effet, Nye définissait le soft power comme un pouvoir d'attraction. En réalité, les politiques de soft power des BRICS (cela vaut tout particulièrement pour la Russie et la Chine) sont souvent dominées par des intérêts pragmatiques plutôt que par l'attrait qu'elles exercent sur les autres pays. C'est pourquoi ces stratégies de soft power ne tiennent pas toujours compte des préférences des partenaires internationaux. Selon Nye, cela est souvent inacceptable pour les pays partenaires et peut provoquer une réaction hostile à leurs initiatives de soft power [7].
En outre, plusieurs études ont montré que la lecture que font les BRICS du concept de soft power est beaucoup plus large que celle de Nye. Alors que Nye estime que le soft power d'un pays dépend principalement de trois ressources : sa culture, ses valeurs politiques et ses politiques étrangères qui devraient être attrayantes pour les partenaires étrangers. Les théoriciens qui étudient les BRICS croient en la nécessité d'inclure le problème du soft power dans tout ce qui ne peut être attribué à l'agenda sécuritaire (militaire). En d'autres termes, pour les BRICS, le concept de puissance douce est synonyme de sécurité douce (non militaire), qui comprend non seulement des composantes diplomatiques, sociales et culturelles - selon Nye - mais aussi d'autres éléments, tels que la puissance économique et/ou financière. En revanche, cette idée est inacceptable pour Nye, qui pense que les outils économiques et financiers peuvent être des outils de coercition et de pression plutôt que d'attraction.
En outre, pour ces théoriciens, le soft power est un concept global qui couvre d'autres concepts étroitement liés : la diplomatie publique, la diplomatie des peuples, la dimension humanitaire de la politique et la diplomatie des ONG. Parmi les instruments du soft power, les instruments économiques et financiers, la coopération culturelle, la diaspora ethnique, les institutions éducatives et religieuses sont les méthodes préférées des BRICS. Dans ce contexte, les BRICS ont créé des organes spéciaux pour mettre en œuvre le soft power : les instituts Confucius chinois, le Rossotrudnichestvo russe (agence de coopération avec les citoyens à l'étranger), le « Monde russe », les fondations Gorchakov et Andreï Pervozvani, entre autres. Il est important de noter ici qu'au sein du groupe des BRICS, les gouvernements des pays jouent un rôle majeur dans le contrôle et la direction de la politique de soft power, ce qui la rend moins flexible et moins efficace.
En général, on peut dire que les BRICS utilisent le soft power à leur manière, en essayant d'éviter d'imiter l'expérience occidentale et en allant au-delà de l'interprétation de Nye - que l'on peut qualifier d'étroite - du concept de soft power. Les décideurs politiques et les experts/universitaires de ces pays n'ont pas encore développé une terminologie claire concernant le soft power, ce qui a un impact négatif sur la compréhension théorique de cet outil politique et son efficacité. En parallèle, les BRICS disposent d'un énorme potentiel de soft power qui peut renforcer leurs positions internationales s'il est correctement utilisé. C'est ce que les BRICS ont démontré en utilisant avec succès leur arsenal de soft power : l'expansion économique, financière et culturelle de la Chine en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique latine. L'initiative « Belt and Road » de Pékin; les projets d'intégration russes plutôt réussis dans l'espace post-soviétique (l'Union économique eurasienne, l'Organisation du traité de sécurité collective). En s’appuyant sur ce qui a été mentionné précédemment, on peut affirmer que, bien que la théorie de la transition des pouvoirs présente plusieurs avantages, ses lacunes sont nombreuses. Cette théorie était surtout applicable pendant la guerre froide, lorsque les deux superpuissances avaient intérêt à préserver le statu quo en raison du risque de destruction mutuelle en cas de guerre nucléaire. Le système actuel des relations internationales, y compris sa structure, est encore en phase de formation et, dans ce contexte, le PTT ne peut guère expliquer le comportement des BRICS. En outre, le PTT ne tient pas compte de l'existence d'un troisième type de pays - les réformateurs qui ne sont pas entièrement d'accord avec le système actuel de relations internationales mais préfèrent ne pas changer radicalement les « règles du jeu ». Ils essaient plutôt d'adapter ces règles aux changements dynamiques du système mondial afin de les rendre plus justes et plus confortables pour tous les membres de la communauté internationale. Souvent, ces pays n'agissent pas en tant que révisionnistes mais préfèrent le statu quo en exigeant que les « règles du jeu » et les normes juridiques internationales soient respectées. Par exemple, les pays du BRICS s'opposent fermement à toute tentative de révision de la Charte des Nations unies concernant l'utilisation de la force militaire et les principes d'inviolabilité de la souveraineté des États et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États souverains (contrairement à la doctrine occidentale de l'« intervention humanitaire »).
Il ressort ainsi clairement de ce qu’il a été dit que si les partisans des PTT veulent que cette théorie corresponde mieux aux réalités actuelles et conserve son pouvoir explicatif, ils doivent revoir la classification des États qu'ils utilisent et la compléter par un nouveau type d'autorité (« les réformistes »).
Deuxièmement : le Sommet de Kazan, sa dynamique et ses interactions
Du 22 au 24 octobre 2024, la ville russe de Kazan a accueilli le seizième sommet présidentiel sous le slogan « Renforcer le multilatéralisme pour un développement et une sécurité équitables à l’échelle mondiale », avec la participation des membres du bloc et de plusieurs autres pays, ainsi que de représentants d'organisations internationales et de l'ONU. Ce sommet a été le théâtre de plusieurs dynamiques et événements, qui peuvent être résumés dans les éléments suivants :
1. Poursuite des demandes d'adhésion au groupe : Le groupe représentait environ 36,7 % de l'économie mondiale en 2024, soit plus que la part que représentent les pays du G7, qui s'élevait à 30 % en 2023. Dans ce contexte, de nombreux pays ont exprimé leur souhait de rejoindre le groupe, notamment la Turquie, qui a présenté une demande officielle d'adhésion en septembre 2024, et d’autres pays tels que l'Azerbaïdjan et la Biélorussie ont également demandé à rejoindre le groupe.
2. Une large participation des chefs d'État : 38 pays ont participé au sommet des BRICS qui s'est tenu dans la ville russe de Kazan, et la plupart des participants étaient des dirigeants et des chefs d'État. Les participations provenaient principalement des chefs des États membres du bloc, à savoir Son Altesse Sheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, président des Émirats arabes unis, le président chinois Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine, le premier ministre indien Narendra Modi, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le président iranien Masoud Pezeshkian, le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le ministre brésilien des affaires étrangères Mauro Vieira, à cette liste s’ajoutent le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, et certains chefs d'État qui ont manifesté leur intérêt pour le bloc, notamment le président turc Recep Tayyip Erdogan et le ministre vietnamien Pham Minh Chinh. Le Royaume d'Arabie saoudite a participé avec une délégation de haut niveau dirigée par le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, en tant que pays invité à rejoindre le groupe, et non en tant que membre à part entière comme c'est le cas pour les pays qui ont récemment rejoint le groupe au début de l'année 2024.
3. L’emphase mise sur les questions internationales : l'ordre du jour de ce sommet était principalement axé sur la gouvernance du système mondial et de ses institutions, en particulier les institutions financières qui ont commencé à nuire aux pays en développement et tendent à réaliser les intérêts des seules puissances occidentales; et les graves dommages causés par les sanctions occidentales à l'économie et leur conflit avec les valeurs de la mondialisation, en plus d'aborder les questions internationales et régionales qui font rage, telles que la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient.
Des points de vue ont également été échangés quant à la coopération des BRICS au sein de la scène internationale, notamment en ce qui concerne la résolution des conflits régionaux actuels. L'ordre du jour comprenait l'examen des conclusions du précédent sommet de Johannesburg, en particulier l'approfondissement de la coopération financière au sein du groupe, et l'examen de l'élargissement du groupe et de l'inclusion de nouveaux membres, étant donné que plus de 30 pays ont exprimé le souhait d'en faire partie.
4. La tenue de plusieurs réunions en marge du sommet : Plusieurs réunions ont eu lieu en marge du sommet entre les participants, la plus importante étant sans doute la rencontre directe entre le président chinois et son homologue indien pour la première fois. Cette rencontre a eu lieu peu après que les deux pays aient conclu un accord sur la conduite de patrouilles à la frontière contestée dans l'Himalaya, après quatre années de confrontation militaire qui ont conduit à une escalade des tensions entre les deux pays.
En tant que président et hôte, M. Poutine a également tenu des réunions bilatérales avec tous les États membres participants, ainsi qu'avec les chefs des États invités, tels que le président palestinien Mahmoud Abbas, le président de l'Union européenne et le président de l'Union européenne : Le président palestinien Mahmoud Abbas, le président laotien Thongloun Sisoulith, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et le président bolivien Luis Arce.
5. Moscou a présenté des propositions de collaboration : Celles-ci comprennent la création d'un mécanisme d'échange d'informations en ligne pour résoudre les conflits liés au commerce sur internet, dans le but de créer un système qui préviendrait les litiges, une initiative visant à établir un centre qui arbitrait les investissements des BRICS, et l'élaboration d'un accord pour régler les litiges en matière d'investissement. Elle a également proposé l'établissement d’une halles aux blés pour les BRICS, ce qui permettrait aux pays membres de mettre en place des prix équitables et prévisibles pour les produits et les matières premières, afin d'assurer la sécurité alimentaire et de protéger les marchés nationaux des interférences extérieures nuisibles, de la spéculation et des tentatives visant à créer des pénuries alimentaires artificielles.
Ce sommet a produit plusieurs résultats et la déclaration de Kazan a été formulée en tant qu’ultime déclaration du sommet. Les principaux résultats sont les suivants :
1. Coopération financière et monétaire : en progressant vers l'établissement d'une infrastructure indépendante pour réglementer le règlement des paiements et transactions financières transfrontaliers (BRICS Clear), le mécanisme de coopération interbancaire des BRICS (ICM) se concentrant sur la facilitation et l'expansion de pratiques et méthodes financières innovantes pour les projets et les programmes, y compris la recherche de mécanismes acceptables pour le financement en monnaies locales. Avec l'étude de l'établissement d'une plateforme de transport unifiée pour assurer des services logistiques multimodaux entre les pays de l'association, et l'accueil de l'établissement d'une nouvelle plateforme d'investissement qui utilise l'infrastructure de la Nouvelle Banque de Développement.
2. Réformer la gouvernance du système mondial : en souscrivant à l'appel lancé par le G20 pendant la présidence brésilienne du groupe concernant la réforme de la gouvernance mondiale, tout en soutenant les dialogues et les partenariats qui renforcent la coopération avec le continent africain, tels que le sommet du Forum de coopération Chine-Afrique, le sommet du Forum Inde-Afrique et le sommet Russie-Afrique, tout en s'efforçant de s'appuyer sur les résultats de la deuxième déclaration de Johannesburg de 2023, et en soutenant l'appel à une réforme globale des Nations unies, y compris de son Conseil de sécurité ; dans le but de la rendre plus démocratique, plus représentative, plus efficace et plus efficiente, et d'accroître la représentation des pays en développement parmi les membres du Conseil, afin qu'elle puisse répondre de manière appropriée aux défis mondiaux actuels et soutenir les aspirations légitimes des pays émergents et en développement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.
3. Position à l'égard des événements palestiniens : Le bloc a souligné l'importance urgente de lancer un processus politique global pour traiter l'ensemble du problème du Moyen-Orient, mettre fin à la violence, fournir une assistance vitale aux personnes touchées et œuvrer à l'établissement d'une solution à deux États et corriger l'injustice historique dont le peuple palestinien a souffert et qui est la seule garantie pour établir la paix au Moyen-Orient, tout en soutenant l'adhésion de la Palestine au bloc en tant qu'État membre.
4. Renforcer la sécurité nucléaire : Les pays du bloc appellent au renforcement du régime de non-prolifération nucléaire et à ce que la région du Moyen-Orient soit exempte d'armes nucléaires, tout en soulignant la nécessité pour toutes les parties de renouveler l'accord sur le nucléaire iranien. Le soutien à l'initiative de création d'un centre de recherche et de développement de vaccins a également été annoncé, ainsi que la poursuite du développement du système intégré d'alerte précoce pour les BRICS afin de prévenir les risques de maladies et d'épidémies.
5. Concernant la guerre russo-ukrainienne : Les membres du bloc ont souligné l'importance de recourir à une solution pacifique à la crise ukrainienne et de recourir au dialogue.
Le sommet, sa dynamique et ses résultats comportent de nombreuses implications et peuvent avoir des répercussions, qui peuvent être expliquées comme suit :
1. Flexibilité et vitalité de la Russie : Le succès de la diplomatie russe et du Kremlin dans l'organisation de ce sommet à ce moment précis et dans la mobilisation d'une large participation internationale, y compris du Secrétaire général des Nations unies, représente un défi pour les efforts occidentaux visant à présenter Poutine comme un dirigeant isolé soumis à des sanctions occidentales et menacé d'arrestation par la Cour pénale internationale, car la Russie a prouvé la flexibilité et la vitalité de ses partenariats régionaux et internationaux en tant que système bénéficiant de l'acceptation et de la confiance internationales.
2. L'équilibre de la politique étrangère turque : La participation de la Turquie a peut-être suscité de nombreuses réactions ; étant donné qu'elle possède la plus grande armée dans les rangs de l'OTAN, qui est hostile à la Russie, cela s'inscrit dans le prolongement de l'approche équilibrée de sa politique étrangère visant à diversifier les alliances tout en maintenant les relations avec l'Occident, et cela reflète également le mécontentement de la Turquie à l'égard de la politique européenne concernant l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, et l'adhésion de la Turquie au groupe des BRICS permettrait de réaliser des gains stratégiques pour le groupe ; cela lui donnerait un caractère équilibré au lieu de considérer le groupe comme anti-occidental, et cela serait bénéfique pour la Turquie, qui profiterait de la flexibilité de ses relations à la fois avec l'Est et l'Ouest.
3. L'établissement d'une monnaie unifiée : Le symbolisme utilisé par Poutine lors du sommet concernant une monnaie unifiée pour le bloc n'a pas été accepté par certains des membres du bloc eux-mêmes, qui craignent de s'identifier à l'orientation russo-chinoise au détriment de leurs intérêts et de leurs relations avec l'Occident, en particulier l'Inde et le Brésil. Il est quelque peu culotté de s’imaginer pouvoir potentiellement renverser la position du dollar dans le système mondial et s’essayer à l'éliminer complètement de l'économie mondiale.
4. La résolution de l'équilibre des pouvoirs : Nous ne pouvons ignorer ce que reflète l'intérêt des pays du Sud à participer aux activités du sommet des BRICS, ainsi que les puissances internationales émergentes, et ce que cela représente en termes de tendance parmi ces pays à exprimer leur désir de changer l'équilibre des pouvoirs dans le système mondial basé sur l'hégémonie occidentale, et à exprimer leur insatisfaction à l'égard du système en vigueur, ce qui reflète l'intérêt des efforts de la Chine et de la Russie pour diriger la communauté internationale contre le système occidental en raison de sa politique de deux poids deux mesures, en particulier depuis que la fragilité des organisations de la communauté internationale chargées de mettre en œuvre les règles du droit international concernant la guerre au Moyen-Orient est devenue évidente, en plus de leur exposition des failles dans les règles du commerce international, et des cadres de sanctions économiques qui nuisent aux économies des pays du Sud en faveur de l'Occident.
Si l’on prend en compte l’ensemble de ce que le groupe des BRICS inclue avec son économie, ses marchés, ses ressources naturelles et industrielles, et son immense masse humaine, alors on peut supposer que le développement incarné par les BRICS et ce que ce dernier révèle sur la transformation rapide du système mondial ne sont pas négligeables. Mais, exagérer l’impact des faits et gestes des BRICS nous éloigne de la réalité, surtout si l'on prend en compte le fait que les BRICS sont en désaccord sur de nombreux points, ce qui les empêchent d'agir efficacement, les membres ayant des intérêts et objectifs divergents. On peut notamment le voir avec les résultats du sommet présidentiel qui se limitent à des annonces et à des idées pour de vagues projets de collaboration, dont de nombreux n’ont même pas été planifiés et n’ont pas de plans concrets quant à leur mise en œuvre.
Troisièmement : la coopération économique entre les BRICS
Les données indiquent que le ratio du PIB des BRICS par rapport au PIB mondial est en augmentation constante au cours de la période (2000-2023) au point de dépasser les pays du G7 pour la première fois en 2020, la part des BRICS atteignant 31,02 % pour les pays du G7.
Il est à noter que le taux de PIB des BRICS a connu des baisses au cours de la période mentionnée (2000-2024), et ce déclin peut être expliqué par un certain nombre de raisons, notamment : la crise financière mondiale de 2009, les conditions économiques rencontrées par un certain nombre de pays membres tels que : le Brésil en 2015, avec un déficit budgétaire et des taux d'inflation élevés, la Russie en 2014, la baisse du PIB de l'Afrique du Sud due à l'effondrement des prix des matières premières, et la baisse du taux de croissance du PIB des pays membres suite aux effets de la pandémie du Covid-19 et de l'économie mondiale.
Quant au volume des échanges commerciaux, il a connu une croissance de 95,2% au cours de la période 2010-2022, enregistrant environ 10,52 trillions de dollars en 2022 contre 5,39 trillions de dollars en 2010 [9].
En ce qui concerne les flux d'investissements directs étrangers, selon les données de la CNUCED, nous constatons que ces flux vers les BRICS ont plus que quadruplé au cours de la période allant de 2001 à 2021, enregistrant environ 355 milliards de dollars en 2021 par rapport à environ 84 milliards de dollars en 2001. En outre, la part de ces flux dans le total des flux mondiaux a atteint environ 22 % en 2021, contre environ 11 % en 2001 [10].
Les données de la CNUCED indiquent également une augmentation des investissements directs étrangers parmi les pays du groupe, qui devraient atteindre environ 167 milliards de dollars en 2020, contre environ 27 milliards de dollars en 2010, et la Chine a joué un rôle central dans cette augmentation en étant le plus grand investisseur et le plus grand bénéficiaire d'investissements au sein du groupe des BRICS. D'autre part, le Brésil et l'Inde ont connu une forte croissance parmi les pays du groupe, tandis que la croissance russe a diminué et que le solde des investissements directs étrangers de l'Afrique du Sud a baissé [11].
Conclusion
De nombreuses théories sur les relations internationales ont tenté d'expliquer l'émergence et le développement des BRICS, l'une d'entre elles étant la théorie de la transition des pouvoirs. La théorie de la transition des pouvoirs présente plusieurs avantages analytiques qui expliquent la montée en puissance du groupe des BRICS, mais l'une de ses plus grandes lacunes est qu'elle s'applique davantage aux conditions de l'époque de la guerre froide, où le statu quo était maintenu et où l'on craignait une guerre nucléaire. Cependant, le système international actuel est complètement différent, car il se trouve dans une nouvelle phase d'éclosion qui empêche la théorie de la transition des pouvoirs d'expliquer le comportement des BRICS. C'est pourquoi les chercheurs et les universitaires s'intéressent à plusieurs théories des relations internationales qui expliquent les BRICS, telles que la théorie de la coexistence pacifique, la théorie de l'État et la théorie du régionalisme mondial.
En outre, les partisans de la théorie de la transition des pouvoirs devraient revoir la grille de classification qu'ils utilisent pour classer les pays, et ils devraient créer un autre type de pays, à savoir les pays réformistes, comme montré par l'étude.
Le concept de soft power tel que défini par Joseph Nye est totalement différent de celui utilisé par les BRICS, car ce dernier adhère à une approche pragmatique et pratique de l'utilisation du soft power visant à promouvoir et à protéger les intérêts nationaux plutôt qu'à prendre en compte les préférences des partenaires internationaux.
Les États membres des BRICS appliquent différentes méthodes dans leur quête de statut - des stratégies de mobilité et de concurrence - à diverses politiques.
Le groupe des BRICS est l'un des groupes économiques mondiaux les plus importants. Il se caractérise par un grand nombre d'avantages qui lui permettent de jouer un rôle essentiel dans l'évolution de l'économie mondiale en raison de la diversité des économies qui le composent : Parmi ces avantages, on peut citer :
- Le poids économique croissant du groupe en raison de son association avec les économies des pays émergents, qui contribue à améliorer son classement au sein des économies des pays du G20.
- Le rôle vital joué par le groupe dans la sécurité alimentaire mondiale grâce à la présence de la Russie, du Brésil et de l'Inde en tant que plus grands producteurs et exportateurs de blé, de soja et de riz, respectivement.
- Il a adopté plusieurs initiatives importantes pour promouvoir et encourager l'investissement au sein du groupe, en particulier avec l'inquiétude croissante à propos des conditions de l'économie mondiale et des défis associés aux tensions sur la scène internationale.
- Les pays BRICS sont intéressés par la création de mécanismes financiers de développement, qui seraient une alternative à ceux de l'Occident, tels que : la Nouvelle Banque de Développement (NDB), et l'établissement d'un Fonds de Réserve pour les Contingences (CRA).
- Établir la stratégie de partenariat économique des BRICS pour 2025, qui trace le chemin que les BRICS doivent prendre pour se développer en tant que groupe et qui fixe le cadre dans lequel les membres coopèrent les uns avec les autres, en se conformant aux tendances et conditions économiques actuelles.
Références
1. تعتبر الحرب الروسية الجورجية التي اندلعت في أغسطس 2008 أحد الأدلة على بدء سعي روسيا للسيطرة واستعادة نفوذها السابق سواء إقليميا أو عالمياً، حيث أن تلك الحرب مثلت لموسكو فرصة كبيرة لتحقيق نصالحها عبر استعادة نفوذها في جورجيا من جهة، وإيصال رسالة للغرب وللدول السوفيتية السابقة التي تحاول الخروج من دائرة النفوذ السوفيتي بأنها قادرة على حماية مصالحها ونفوذها ولا يمكن الاستهانة بقوتها وقدرتها العسكرية والتعامل معها كدولة كبرى لها دور فاعل ومؤثر.
لمزيد من التفاصيل حول الحرب الروسية- الجورجية 2008، أنظر: عودة،جهاد (2017)، الحرب الروسية- الجورجية: استعادة النفوذ الروسي في جورجيا، المجلة العلمية للبحوث والدراسات التجارية، المجلد ،31 العدد .1
[1] Organski, A. F. K., and Jacek Kugler. The War Ledger. Chicago: University of Chicago Press, 1980.
[2] A. F. K. Organski and Jacek Kugler. The War Ledger. Pp. xii, 292. Chicago, IL: The University of Chicago Press, 1980
[3] Stockholm international Peace2020 ،
[4] Statistical Review of World Energy, 2020
[5] Samuel Charap & Keith Darden, Russia and Ukraine, Global Politics and Strategy, Volume 56, 2014, Issue 2.
[6] Patricia Hill Collins, Intersectionality’s Definitional Dilemmas, Annual Review of Sociology, Volume 41, 2015.
[7] Joseph S.Nye, JR, The Limits of Chinese Soft Power, The World’s Opinion Page, Jul 10, 2015.
[9] World Development Indicators Database.
[10] UNCTAD. 2023. BRICS Investment Report
[11] UNCTAD. 2023. BRICS Investment Report
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Professeur agrégé de sciences politiques, spécialisé en relations internationales et droit international. Excellente expérience dans l'enseignement de différents cours de sciences politiques en anglais et en arabe depuis plus de 18 ans. Encadrement de plusieurs mémoires de maîtrise. Chef d'équipe dans différents domaines académiques; Travaux de qualité et d'accréditation, travaux d'examens et de contrôle. Membre de l'Association arabe de science politique.
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