Energy & Economics
Les guerres commerciales sapent le multilatéralisme, alimentent la volatilité des marchés et créent l'incertitude

Image Source : Shutterstock
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First Published in: Feb.03,2025
Mar.10, 2025
Trump intensifie sa rhétorique de guerre commerciale alors qu'il vient d'entamer son second mandat. Face aux protestations du gouvernement colombien sur les conditions d'expulsion de ses ressortissants, le 47ème président américain a riposté en annonçant furieusement une hausse de 25 % des droits de douane, obligeant Petro à retirer ses demandes.
Contre le Canada et le Mexique, ses voisins et partenaires commerciaux, il vient de signer une nouvelle augmentation de 25 % des droits de douane. Les raisons ? Selon Trump, leurs frontières sont une passoire pour la drogue et les immigrés clandestins. Quant à la Chine, il a imposé jusqu'à présent des droits de douane de 10 %, alors que sa promesse de campagne était de 60 %.
Au XXIème siècle, les guerres commerciales sont l'un des outils stratégiques les plus controversés des relations internationales.
L'économie : Un facteur géostratégique
Historiquement, les droits de douane ont été utilisés pour protéger les industries locales et équilibrer les déficits commerciaux. Cependant, leur utilisation actuelle va au-delà de leur objectif initial. Ces politiques ont transformé la dynamique économique mondiale, remodelant les chaînes d'approvisionnement et les marchés et ayant un impact profond sur les structures géopolitiques, sociales et financières.
Compétitivité et puissance technologique
L'utilisation contemporaine des guerres commerciales suit une logique plus complexe et multiforme. Dans le cas des États-Unis, par exemple, les droits de douane imposés par les récentes administrations visent à la fois à limiter la compétitivité de la Chine et à préserver la suprématie technologique et économique des États-Unis.
Cette stratégie ne se limite toutefois pas à une confrontation bilatérale. Les États-Unis ont également imposé des barrières commerciales à des partenaires traditionnels tels que l'Union européenne et le Canada. En conséquence, les alliances traditionnelles sont devenues secondaires par rapport à l'objectif unilatéral de maximisation des profits.
Cette politique a été justifiée par des arguments de sécurité nationale, un outil juridique qui a généré des tensions au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et qui remet en question les principes de non-discrimination et de multilatéralisme qui sous-tendent le système commercial mondial depuis le milieu du 20ème siècle. L'impact de ces politiques touche à la fois les relations intergouvernementales et, directement, les consommateurs et les producteurs.
Droits de douane et économie nationale
L'application de droits de douane sur les produits chinois, tels que les biens technologiques et les équipements manufacturés, a fait grimper leurs prix sur des marchés comme les États-Unis.
Comme c'est toujours le cas lorsque les biens deviennent plus chers, cette hausse a particulièrement affecté les secteurs les plus vulnérables de la population en exacerbant les inégalités économiques et en réduisant leur pouvoir d'achat.
Pour maintenir leur compétitivité, de nombreuses entreprises ont choisi de délocaliser leurs activités dans des pays comme le Viêt Nam, la Malaisie ou le Mexique, ce qui engendre des coûts de transition et d'adaptation.
La régionalisation contre le protectionnisme
Au niveau mondial, les guerres commerciales ont déclenché un phénomène de régionalisation, conduisant à la création d'accords tels que le Partenariat économique global régional (RCEP), mené par la Chine et signé par des pays d'Asie et d'Océanie, et l'Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP), qui inclut des nations de la côte pacifique de l'Asie et de l'Amérique latine. Par le biais de ces accords, les pays signataires cherchent à contrecarrer les effets des politiques protectionnistes des États-Unis.
Depuis 2019, les États-Unis bloquent la nomination de nouveaux membres de l'organe d'appel de l'OMC, ce qui affaiblit sa capacité à résoudre les différends et accroît l'incertitude, ainsi que la probabilité d'une intensification des tensions commerciales.
Alors que la régionalisation oblige à réévaluer la durabilité du système commercial multilatéral, dans ce climat d'instabilité et d'incertitude, les pays cherchent des alternatives qui garantissent la stabilité économique - bien que ces solutions renforcent en fin de compte la fragmentation du commerce mondial.
Guerre commerciale et géopolitique
L'impact des guerres commerciales est également évident dans la sphère géopolitique. La rivalité entre les États-Unis et la Chine, motivée en partie par les droits de douane et les restrictions technologiques, redéfinit les alliances internationales.
D'une part, des pays comme le Japon et la Corée du Sud ont renforcé leurs liens avec les États-Unis pour contrer l'influence de la Chine. D'autre part, les économies émergentes d'Amérique latine, comme le Mexique et le Brésil, subissent des pressions pour s'aligner sur l'un de ces blocs, ce qui limite leur marge de manœuvre et leur autonomie sur la scène mondiale.
En Europe, les tensions avec les États-Unis ont conduit l'Union européenne à préparer de nouveaux droits de douane et à renforcer la réglementation pour protéger ses industries stratégiques, telles que les secteurs de l'automobile et de la technologie.
Incertitude et volatilité
Si l'imposition de droits de douane peut procurer des avantages immédiats aux pays qui les mettent en œuvre - que ce soit en termes de recettes fiscales ou d'influence politique - leurs coûts sociaux et économiques peuvent être considérables.
Les guerres commerciales ont un impact sur les flux de biens et de services, mais aussi sur la stabilité financière. Les tensions commerciales augmentent la volatilité des marchés boursiers, influencent les décisions d'investissement et affaiblissent les perspectives de croissance économique mondiale.
L'incertitude générée par le protectionnisme oblige les entreprises à s'adapter à un environnement en constante évolution et imprévisible. Les guerres commerciales ont révélé la fragilité des chaînes d'approvisionnement mondiales, souligné l'importance de diversifier les sources de production et mis en évidence la nécessité de renforcer les institutions multilatérales qui promeuvent un commerce juste et équitable.
Que faire ?
La solution ne consiste pas simplement à supprimer les droits de douane ou à inverser les politiques protectionnistes ; une approche plus stratégique et plus résistante est nécessaire. Il s'agit d'encourager la coopération internationale pour faire face aux tensions commerciales, de réformer les mécanismes de règlement des différends de l'OMC et de promouvoir la délocalisation des chaînes d'approvisionnement vers des régions plus stables.
Les pays qui imposent des droits de douane doivent également tenir compte de l'impact de ces mesures sur les ménages. La hausse des prix devrait inciter à mettre en place des politiques visant à atténuer les inégalités sociales croissantes et à protéger les secteurs les plus vulnérables.
Les guerres commerciales du XXIème siècle reflètent un équilibre complexe entre la protection des intérêts nationaux et la préservation de la stabilité mondiale. La clé du progrès réside dans l'adoption d'une approche coopérative et durable qui, au-delà des bénéfices économiques immédiats, prend également en compte le bien-être collectif et la cohésion internationale sur le moyen et le long terme.
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Professeur à l'Université Internationale de La Rioja depuis 2011, il possède un parcours académique exceptionnel qui comprend trois doctorats : Sciences Politiques (UCM, 2016), Droit (Université de Saragosse, 2015) et Droit (PUC-SP, 1999). Sa carrière professionnelle s'étend sur des rôles importants au Brésil (1993-2001) et en Espagne (2011-présent), notamment en tant que professeur, chef d'équipe et doyen.
Chercheur actif au sein du groupe Globalaw depuis 2015 et membre du réseau d'experts UNIR-Emprende depuis 2012, ses études portent sur le droit international, les relations internationales et la mondialisation. Il a contribué à divers projets de recherche, mettant l'accent sur la justice mondiale et le droit dans des contextes mondialisés.
Sa production académique prolifique comprend plus de 50 livres, 34 chapitres de monographies collectives et de nombreux articles indexés publiés à l'échelle internationale. Il intervient régulièrement lors de conférences sur les droits de l'homme, le développement durable, le droit international public et les relations internationales. De plus, il rédige des articles d'opinion dans les médias brésiliens.
Lauréat du prix Professionnel de l'année 2016 au Brésil, il entretient des liens étroits avec des organisations prestigieuses telles que l'American Society of International Law, où il a occupé des postes de direction au sein de divers comités.
Son approche académique va au-delà de la recherche traditionnelle, cherchant à avoir un impact tangible sur les communautés juridiques et universitaires, ainsi que sur la société en général. Il a joué un rôle crucial dans le développement de l'enseignement à distance au Brésil et reste déterminé à diffuser les connaissances juridiques tant auprès de publics spécialisés que du grand public.
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